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271 BAPTÊME DANS L'ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIII SIÈCLE

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voulu baptiser au nom de la sainte Vierge comme au nom des trois personnes divines, il n’y a pas de sacrement ; mais s’il a voulu invoquer simplement la protection de Marie pour le nouveau-né, le baptême est valide. Sam. theol., III*, q. lx, a. 8. La S. C. du Saint-Office a déclaré valide, le Il janvier 1882, le baptême conféré avec la formule suivante : Ego te baptizo in nomine Patris, ego te baptizo in nomine Filii, ego te baptizo in nomine Spiritus Sancti. Collrctanea S. C. de Propaganda fide, n.530. D’où les théologiens actuels concluent à la validité des formules équivalentes, celle-ci entre autres : Ego te baptizo in nomine Patris, et in nomine Filii, et in nomine Spiritus Sancti. Les hésitations de quelques théologiens antérieurs à la décision de la S. C. n’ont plus leur raison d'être. — La formule in nominibus Patris, etc., est regardée comme invalide par presque tous les théologiens. La formule in nomine Genitoris et Geniti et Procedentis ab utroque serait valide d’après quelques-uns, Suarez, De sacrant., disp. XXI, sect. iv ; douteuse, d’après la plupart. Mais la formule in nomine Trinitatis, ainsi que in nomine Dei triunius, serait certainement invalide. Theol. Wirceburg., Paris, 1880, t. ix, p. 178. Pour d’autres modifications de la forme baptismale, voir CollectaneaS. C. de Propaganda fide, n.529, 531.

3° Que faut-il penser du baptême conféré « au nom de Jésus » ? — Nous avons vu plus haut (voir Baptême dans la sainte Écriture) que les Actes des apôtres parlent à différentes reprises d’un baptême conféré au nom de Jésus. Les scolastiques du moyen âge ne songèrent pas en général à discuter la signification de cette expression, et ils admirent que le baptême avait été réellement administré avec cette formule au temps des apôtres. D’après le concile de Frioul, tenu en 791, « les apôtres avaient appris par une révélation du Saint-Esprit que le mystère de la sainte Trinité était essentiellement compris sous le nom d’une seule personne, et qu’en employant le nom seul de Jésus-Christ ils désignaient la Trinité toute entière. » Labbe, Concil., t. vil, col. 995. Une décision pontificale du IXe siècle contribua beaucoup à entretenir les scolastiques dans cette persuasion que le baptême conféré au nom de Jésus était valide. Le pape Nicolas I er, ayant été consulté par les Bulgares sur différents points de dogme et de discipline, leur fit cette réponse concernant le baptême : A quodam judseo, nescitis utrum christiano an pagano, multos in patriavestra baplizatos esse asseritis, et quid de Us sit agendum consulitis. Hi profecto si in nomine sanctissimæ Trinitatis vel tantum in nomine Christi, sicut in Actibus apostolorum legimus, baptizati sunt (unum quippe idemque est, ut exponit S. Ambroshis), constat eos non esse denuo baptizandos ; sed primum utrum christianus an paganus ipse judseus exstiterit, vel si poslmodum fuerit factus christianus, investigandum est ; quamvis non prætereundum esse credamus, quid beatus de baptismo dicat Augustinus : Jam satis, inquit, ostendimus ad baplismum, qui verbis evangelicis consecratur, non pertinere cujusquam dantis vel accipientis errorcm, sive de Pâtre sive de Filio sive de Spiritu Sancto aliter sentiat, quam doctrina cselestis insinuât. Labbe, Concil., t. viii, col. 548. Nous verrons tout à l’heure que cette décision est loin d'être aussi explicite qu’elle le paraît en faveur de l’opinion dont nous avons parlé. Elle repose d’ailleurs sur un texte mal compris de saint Ambroise, qui exerça également une influence considérable sur l’opinion des scolastiques. Appuyés en général sur l’autorité du saint docteur, ils proclament tous, jusqu’au XIIIe siècle, la validité du baptême conféré au nom de Jésus, soit à l'époque des apôtres, soit depuis, à la condition que cette formule ne soit pas employée de mauvaise foi, pour introduire une erreur. Roland Bandinelli, Die Sentenzen Rolands, édit. Gietl, p. 204 ; Hugues de SaintVictor, De sacra mentis, 1. II, part. VI, c. ii, P. L., t. clxxvi, col. 447 ; Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. III, n. 2-5, P. L., t. cxcii, col. 813-844. Les théologiens du xiiie siècle font une restriction importante. Ils admettent que le baptême ainsi conféré au temps des apôtres était valide, en vertu d’une révélation et d’une dispense spéciale, ut nomen Christi, quod erat odiosum judœis et gentilibus, honorabile redderetur per hoc quod ad ejus invocationem Spiritus Sanctus dabatur in baptismo. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 6, ad l um. Voirvlbert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. III, a. 2, q. v. Saint Bonaventure signale l’opinion des théologiens du xiie siècle, qui comptait encore quelques partisans, et il ajoute : Communis opinio et certior est quod non esset baptisma. In IV Sent., 1. IV, dist. III, a. 2, q. il. A partir du xiiie siècle, très rares sont les partisans de l’opinion qui attribue en tout temps une vertu sacramentelle à la formule in nomine Jesu. Cajetan, un de ses principaux défenseurs, a voulu la soutenir à l’aide de la raison théologique. Mais son argumentation est loin d'être concluante ; et le pape Pie V a fait rayer cette opinion de l'édition romaine de ses ouvrages. L. Billot, De Ecclesise sacramentis, Rome, 1896, t. I, p. 211, 212.

C’est à ce moment, vers le milieu du xvie siècle, que parut une nouvelle et troisième opinion, d’aprèslaquelle l’expression in nomme Jesu ne désignerait pas la formule sacramentelle, mais servirait simplement à distinguer le baptême institué par Jésus-Christ, autrement dit le baptême chrétien, de celui qui était conféré par saint Jean-Baptiste. Cette opinion, qui est celle de Melchior Cano, De locis theol., 1. VI, c. viii, ad. 7um ; de Bellarmin, Controv., De baptismo, c. ni ; d’Estius, In IV Sent.,

I. IV, dist. III, §4, 5 ; de Suarez, De baptismo, disp. XXI, sect. iii, etc., est devenue peu à peu l’opinion courante des théologiens. Quelques-uns, comme Billuart, De sacramento bapt., diss. I, a. 4, § 3, se contentent d’exposer les raisons qui militent pour et contre les deux, celle de saint Thomas et celle de Suarez. La première trouva un habile défenseur dans la personne du cardinal Orsi, qui essaya de lui donner une base à la fois scripturaire et traditionnelle dans sa dissertation De baptismo in nomine Jesu Christi, Milan, 1733. Cet ouvrage, ayant été longuement réfuté par un autre dominicain, le P. Drouin, dans son De baptismo in solius Christi nomine nunquam consecrato, Padoue, 1734, le cardinal Orsi publia une nouvelle dissertation, Vindicise disserlationis de baptismo in nomine Christi, Florence, 1738, pour réfuter les objections de son adversaire. Le catéchisme du concile de Trente n’a pas voulu se prononcer sur une question qui est avant tout historique ; mais il dit cependant qu’il est très permis de douter que les apôtres aient conféré le baptême au nom de Jésus-Christ. Part.

II, n. 16. Les théologiens modernes et contemporains transforment généralement ce doute en négation catégorique. D’accord avec la plupart des exégètes, ils font remarquer que l’expression in nomine Jesu n’est pas nécessairement une formule sacramentelle, que la vraisemblance historique est contraire à cette interprétation et que, surtout, la tradition patristique la condamne. Vacant, art. Baptême, dans Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 1440 ; Pesch, Prselectiones dogmat., Fribourg-en-Brisgau, 1900, t. vi, p. 157 sq. ; Sasse, Institutiones theol. de sacram., Fribourg-enBrisgau, 1897, t. i, p. 209 sq. ; L. Billot, De Ecclc.siæ sacramentis, Rome, 1896, t. I, p. 210 sq. ; Einig, Tractatas de sacramentis, Trêves, 1900, t. I, p. 61-62 ; Schell, Katholische Dogmatik, t. m b, p. 456. L’objection tirée d’un texte de saint Ambroise est lacile à résoudre. Voir Baptême d’après les Pères, col. 184. Il n’y a que la réponse du pape Nicolas I er aux Bulgares qui crée une difficulté assez sérieuse. Plusieurs solutions ont été présentées. D’après un certain nombre de théologiens, la réponse du pape n’aurait pas de caractère officiel, en