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BACON

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ments, postqnam didici primo alphabetum, ibid., c. xx, qu’il se livra avec zèle à l’étude des langues et des sciences. A Oxford, d’abord, puis à Paris, rendez-vous de la jeunesse studieuse d’Angleterre, ses progrès furent rapides. Revu docteur et honoré d’une chaire à l’université de cette dernière ville, il continua avec la même passion et le même succès ses études favorites. Entre autres textes de ses leçons, il expliqua le De vegelabilibus d’Aristote, récemment traduit de l’arabe. Op. maj., part. III, c. i ; Conipendium studii philosophiæ, c. viii, p. 467-468. Les langues et les sciences absorbèrent tout son temps : « Il est notoire, dira-t-il plus tard, Op. tert., c. xx, que nul n’a autant travaillé à tant de langues et de sciences ; lorsque j’étais dans une autre condition, on ne comprenait pas que j’y prisse tant de peine ; j’étais pour tous un sujet d’admiration. » Il dépensa plus de 2 000 livres parisis, somme considérable pour l’époque, à l’achat d’ouvrages précieux, à des expériences, à la confection d’instruments et de tables astronomiques, et à la formation de jeunes collaborateurs. Ibid., c. xvii. Les plus hautes notabilités scientifiques d’alors, Cai.ipano de Novare, maître Nicolas, précepteur d’Amaury de Montfort, Jean de Londres, Hermann l’Allemand, Robert Grossetête, Adam de Marsch et le grand mathématicien picard, Pierre de Méharicourt, furent ses amis. Ibid., c. xi, xiii, xvii.

On n’est pas d’accord sur le lieu ni sur l’année où Racon entra dans l’ordre des frères mineurs. Il est infiniment probable qu’il exécuta ce grand dessein dans un Age avancé, entre 1251 et 1257. E. Charles, op. cit., p. 21, 22. Certains auteurs placent cette heureuse décision à la suite de rapports qu’il aurait eus avec saint Bonaventure, pour lors regens Parisius : c’est à lui que le docteur séraphique aurait adressé sa lettre ad magistrum innominatum. Cf. Prosper de Martigné, Z, a scolaslique et les traditions franciscaines, Paris, 1888, p. 92 ; Hauréau, Journal des savants, décembre 1882, p. 730-731. Quoi qu’il en soit, son entrée dans un ordre qu’il voyait de près depuis longue date, mûrie d’ailleurs sous le souflle de la grâce, n’était pas un fait nouveau. D’autres docteurs anglais non moins fameux, Aymon de Faversham, Adam de Marsch et Alexandre de Halès, l’avaient précédé dans cette voie et n’avaient pas cru, ce faisant, à une « irrégularité de vie » .

Devenu franciscain, Bacon cessa bientôt d’occuper une chaire : jam a decem annis occupalionibus exterioribus sludii non vacavi, écrit-il en 1267. English historical revieiv, juillet 1897, p. 500. Sa santé maladive ne lui laissait plus autant d’activité : propter langores multos et infirmitates x’arias…, langor continuas. Ibid. Elle le contraignit même pendant deux ans à interrompre tout travail : exceptis duobus annis quibus rrcreationeni et solalium quielis sumpsi ut meliuspostea laborarem. Ibid., p. 507. Néanmoins son ardeur pour ses études préférées ne se ralentit pas : tamen postea fui ita studiosus sicut ante. Op. tert., c. xx, p. 65. Mais, hélas ! il ne trouva pas l’appui et l’encouragement qu’il pouvait espérer des siens. Tant s’en faut ; car, pour mieux le contrecarrer, ses supérieurs lui donnaient incessamment d’autres occupations : affuil instancia prælatorurn meorum quotidiana ut aliis occupationibus obedirem. English hist. rev., p. 500. En outre, urgeant avec la plus grande sévérité l’observation d’une loi de leur ordre, ils lui défendaient rigoureusement de communiquer au dehors ses écrits : præcepto fui obligatus arclissimo ne scriptum in hoc statu a me factum communicarem. Ibid. ; Op. tert., c. ii, p. 13. Au dire de Salirnbene, Chronica, Parme, 1857, p. 236, cette loi portée au chapitre général de Narbonne en 1260, cf. Conslituliones narbonenses, rubr. vi, S. Bonaventurse opéra omnia, Quaracchi, 1897, t. viii, p. 456, visait Gérard de Borgo-San-Donnino, qui publia à Paris, en 1254, l’Introduclorius in evangelium sélénium. Œuvre de circon stance, elle constituait une arme dangereuse dont il (’lait facile d’abuser, et il est permis de se demander si la main de fer, qui veillait à son exécution dans le couvent même d’où le scandale partit, sut toujours le faire avec prudence et discrétion. Op. tert., c. iii, p. 15. Ainsi bâillonnés et, d’autre part, pleins d’une juste défiance envers des copistes dont l’indélicatesse était notoire, les auteurs, et Bacon plus qu’aucun autre, avaient tout à craindre. Mieux valait déposer la plume et attendre des jours meilleurs : et inciderem in conscientiam de transgressione prsecepti…, neglexi compositioni insistere scripturarum. Ibid., c. ii, p. 13.

Ce triste état de choses durait depuis dix ar.s quand Clément IV monla sur le trône pontifical. Il y mit fin promptement. Par lettres apostoliques en date du 22 juin 1266, il enjoignit à Bacon de lui envoyer dans le plus bref délai possible une copie très nette de l’ouvrage projeté par lui, et cela « nonobstant le précepte contraire de n’importe quel prélat, nonobstant toute constitution de son ordre » . Wadding, Annales minorum, a. 1266, n. 14 ; Marlène, Thésaurus novus anecdotorum, t. il, p. 358 ; Sbaralea, Bullarium franciscanum, t. iii, p. 89. Bacon se met à l’œuvre, et, malgré des difficultés inouïes, Op. tert., c. iii, p. 15, peut transmettre au pape son Opus majus dans les premières semaines de 1267. Désormais libre de toute entrave, impedimentorum remédia priorum nactus, ibid., p. 5, il lui fait parvenir YOpus minus dans la même année. L’Opus tertium suit de près. Jusque vers 1277, il continue de la sorte à déverser les trésors de science accumulés pendant toute une vie d’opiniâtre labeur. La protection dont le chef suprême de l’Église l’avait honoré, la foi au triomphe final de ses vues scientifiques l’engageaient à poursuivre sans relâche.

Mais on ne bat pas en brèche impunément les idées courantes de tout son siècle. Une puissante réaction se coalisa, parait-il, et ne se donna de repos qu’après avoir obtenu de Jérôme d’Ascoli, ministre général des frères mineurs, une sentence de réprobation et d’interdiction contre une doctrine qu’elle croyait entachée de nouveautés suspectes et périlleuses. Ce fait, basé uniquement sur l’autorité fort contestable de la chronique des xxiv généraux, Analccla franciscana, Quaracchi, 1897, t. iii, p. 460, coïnciderait et serait peut-être connexe avec la proscription de 219 thèses lancée le 7 mars 1277 par Etienne Tempier, évêque de Paris. Denifle, Chartularium univcrsilalisparisiensis, t. i, p. 543-560 ; d’Argentré, Colleclio judiciorunt, t. I, p. 184-285. Or, il est avéré que la censure de plusieurs de ces thèses fut obtenue par l’animosité de quelques intrigants, capilosilate quorundam paucorum, suivant l’expression de Gilles de Rome, In IV Sent., 1. II, dist. XXXII, q. ii, a.3. Cf. S. Bonaventura ?, Opéra omnia, Quaracchi, 1885, t. il, p. 30, 778 ; Denifle, op. cit., p. 556 ; de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1900, p. 301, 302. Les passions qui se sont agitées alors autour du nom et des écrits de Bacon trouvent encore aujourd’hui de l’écho dans quelques écrits. Cf. de Wulf, op. cit., p. 330-333 ; P. Mandonnet, Siger de Brabant, Fribourg, 1899, p. cclx-cclxii. Au reste, l’emprisonnement de quatorze ans que d’aucuns lui font, subir est une pure fable, puisqu’il ne repose sur rien. Jusqu’à la fin de ses jours, Bacon resta fidèle à lui-même, à ses principes et à ses promesses. Cf. English hist. rev., loc. cit., p. 509. Vieillard octogénaire, il formulera en 1292, dans le Conipendium studii theologise, le dernier mot de sa pensée sur l’ensemble des questions qui l’absorbèrent durant sa longue existence. E. Charles, « p. cit., p. 307. Suivant S. Jebb, Op. maj., Venise, 1750, p. xvii, il mourut à Oxford, le Il juin 1294.

II. Écrits.

1° Avant 1261. — On connaît peu de chose des travaux de Bacon antérieurs à cette date. Professeur, il avait beaucoup écrit, mais dans un but