Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée
1467
1468
CANADA (CATHOLICISME)


d’un passeport du secrétaire d’Etat, put être reçu à Québec. On en accueillit 31, dont 12 sulpiciens. Parmi ces prêtres, citons les abbés Desjardins, Sigogne, de Calonne et Ciquart, sulpicien, qui furent des apôtres parmi les Acadiens. « C’est à ces confesseurs de la foi que la race acadienne dut son organisation ; ce sont eux qui sont les vrais fondateurs de sa nationalité. »

Abbé Casgrain, Pèlerinage au pays d’Évangeline ; Histoire du monastère des ursuîines des Tr ois-Rivières, 2 in-8°, Trois-Rivières, 1888-1892 ; cet ouvrage renferme une biographie étendue de l’abbé de Calonne, frère du ministre de Louis XVI, mort en odeur de sainteté aux Trois-Rivières, 1822. Elle a même été publiée à part sous ce titre : Vie de l’abbé de Calonne, in-18, Trois-Rivières. Sur M. Ciquart, S. S., M" Tangay, Répertoire général du clergé canadien, in-8°, Montréal, 1893. Une vie manuscrite de ce missionnaire est conservée au séminaire de philosophie à Issy.

Grâce à ce renfort, le clergé canadien se trouva porté à 160 prêtres ; 9 étaient dans la Nouvelle-Ecosse et 4 dans le Haut-Canada. Nous relevons d’autres détails précieux dans un mémoire dcMs 1’Hubert au Saint-Siège. Il constate que les catholiques s’élèvent au nombre de 160 000 ; qu’en dépit des pièges tendus à leur foi, il n’y a pas cinq catholiques qui aient apostasie, tandis que deux à trois cents protestants se sont convertis ; bien que l’érection de l’évêché de Baltimore (1789) ait enlevé à la juridiction de Québec tout le territoire cédé aux États-Unis, l’étendue de ce dernier est encore trop vaste. Il ajoute : « Il en faudrait plusieurs, mais ce projet trouverait des obstacles insurmontables de la part de la Grande-Bretagne, qui s’occupe, au contraire, des moyens d’établir en ce pays un clergé protestant. Il faut donc attendre des circonstances plus favorables pour cette division. Cependant, le nouveau coadjuteur de Québec, se proposant de faire sa résidence dans le district de Montréal, on espère que le gouvernement s’accoutumera insensiblement à y voir unévêque » (1794). Mandements des évolues de Québec, t. il, p. 471.

Avant de clore le xviiie siècle, signalons la fondation du collège de Montréal (1767) par M. Curatteau de la Blaiserie, prêtre de Saint-Sulpice ; avec le petit séminaire de Québec, cet établissement était jusque-là le seul foyer d’instruction classique. Disons aussi que le clergé fut très occupé à relever les ruines amoncelées parles guerres. A Québec en particulier tout avait été à refaire : palais épiscopal, Hôtel-Dieu, hôpital. M’.i r ll. T’iu, Hist. du palais épiscopal de Québec, in-8°, Québec, lo. 0. A Montréal, PHôtel-Dieu (1765) et l’établissement de la Congrégation (1769) incendiés trouvaient une providence dans M. de Mon tgol fier et Saint-Sulpice.

A Mo r Hubert succéda Mb’Denaut (1797-1806). Sous son épiscopat la lutte du protestantisme contre l’Église se traduisit par l’établissement de l’Institution royale, due à l’initiative de l’évêque anglican. On nommai I ainsi une corporation habilement composée et destinée à monopoliser l’instruction à tous les degrés en concentrant les pouvoirs entre les mains du gouverneur. Par elle, l’éducation arrachée au clergé catholique tombait au pouvoir des protestants et L’œuvre de séduction s’exerçait librement sur l’enfance et la jeunesse. Le gouverneur pouvait, à sa discrétion, établir des écoles gratuites dans toute paroisse ou townshipde la province, et nommer deux ou plusieurs commissaires dans chaque comté-. Ces commissaires achetaient des terrains sur lesquels ils faisaient construire aux frais des habitants les maisons d’écoles. La nomination des instituteurs et leur traitement dépendaient du gouverneur. L’évêque anglican, h’D’Mountain, fut choisi comme président de l’Institution, ce qui suffit pour donner l’éveil au clergé et au peuple. Une restriction, mise à la loi, en lit échouer l’application. Il y (’tait dit que la maison d’école ne se construirait que si la majorité la demandait au gouverneur par requête. S’appuyant sur ce sta tut, le clergé dissuada les Canadiens de faire cette demande, et anéantit ainsi les projets du parti anglais. Cf. S. Pagnuelo, Études historiques et légales sur la liberté religieuse en Canada, in-8°, Montréal, 1872.

La lutte n’était pas finie. Elle allait s’engager plus ardente, mais se terminer tout à l’avantage du catholicisme, grâce au grand évêque Octave Plessis que la providence mit alors à la tête de l’Église canadienne (1806). Le prélat trouvait le diocèse dans une situation difficile. Une oligarchie puissante et fanatique entreprenait résolument de réduire l’Église à n’être que l’esclave du pouvoir civil, à en faire comme en Angleterre l’humble servante du gouvernement, en définitive, à mener insensiblement le Canada au protestantisme par voie gouvernementale. Ce projet eut pour principal fauteur un certain Witlius Ryland, qui fut secrétaire des gouverneurs du Canada de 1790 à 1812. Cet homme actif et haineux professait que l’existence de la religion catholique était un danger perpétuel pour l’État, et se déclarait prêt à l’extirper par tous les moyens, même par la force. D’après lui, il fallait confisquer toutes les propriétés religieuses, ôter au catholicisme sa situation prépondérante, le traiter en culte dissident et toléré par condescendance du pouvoir. Ryland avait des complices dans Sewell, procureur général, Mountain, évêque anglican, Monk, juge en chef : ils n’eurent pas de peine à s’emparer du gouverneur James Craig, dont l’administration a été qualifiée de régime de la terreur. On signifia à Mfl r Plessis que sa désignation officielle était celle de surintendant ou de notaire apostolique ; on réclama de lui un acte reconnaissant la suprématie royale en matière de religion ; on revendiqua pour l’Etat le contrôle de l’administration religieuse et la nomination des curés.

Tous ces projets échouèrent devant la fermeté, toujours pleine de douceur et d’une courtoisie irréprochable, de Mo’- Plessis, en qui s’incarna pendant quinze ans (1800-1815) la résistance des Canadiens catholiques aux Anglo-protestants. Ce prélat sut garder entière son indépendance, n’abdiquer aucun de ses droits, ne céder aucun de ses titres, sans jamais blesser le sentiment anglais. Aussi, lord Castlereagh, ministre des colonies, répondait-il à l’évêque anglican de Québec : « Ce serait une entreprise fort délicate que d’intervenir dans les affaires de la religion catholique, ou de forcer l’évêque titulaire à abandonner son titre et à agir, non comme évêque, mais comme surintendant. » Ryland, qui était passé en Angleterre pour se plaindre lui aussi, futéconduit par Robert Peel.

Quand les Anglais eurent reconnu qu’il fallait s’accommoder du catholicisme et accepter son organisation, ils voulurent l’asservir en faisant accepter un traitement à ses ministres. Le gouverneur Craig lit entendre à l’évêque qu’il (’-tait prêta lui reconnaître son titre et les prérogatives de son rang, à lui accorder un traitement de 20 000 livres, à étendre même les faveurs royales à tout le clergé, à condition que le sacerdoce fût envisagé comme une fonction publique et que la nomination aux cures se fit avec l’assentiment du pouvoir. « Cette transaction, ajoutait Craig, revêtira les prêtres catholiques d’un caractère légal et leur conférera l’avantagé d’être assimilés aux membres de l’Eglise royale anglicane. » Le gouverneur tenait surtout à la nomination des cures. Mï’Plessis fut inflexible, et pour échapper aux obsessions qui l’entouraient, il rédigea, sur l’invitation de sir George Prévost, qui avait succède à Craig, un mémoire célèbre. « Je suis obligé de déclarer d’avance, écrivait-il au gouverneur, qu’aucune ollrc temporelle ne me ferait renoncer à aucune partie de ma juridiction spirituelle. Elle n’est pas à moi ; je la tiens de l’Église comme un dépôt. » Le mémoire se divisait en trois parties : I" ce qu’étaient les évéques au Canada, avant la conquête ; 2° ce qu’ils ont été depuis ; 3° l’état où il serait à propos