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CANADA (CATHOLICISME)

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les biens religieux dea Canadiens. Cf. Garnean, Histoire

du Cumula, I. XI. C. I, [>. 390.

On voit comment le gouvernement anglais entendait conserver aux Canadiens « le libre exercice de leur religion ». il est vrai que le traité de Paris 10 février 1763 ajoutait : « autant que les lois de la Grande-Bretagne le permettent. » Cette restriction laissait une grande latitude pour l’interprétation du traité. Aussi vit-on la cour donner aux gouverneurs du Canada’les instructions où se lisent des articles comme feux-ci : < Art. 32. Vous n’admettrez aucune juridiction ecclésiastique du siège de Rome, ni aucune juridiction ecclésiastique étrangère dans la province soumise à votre gouvernement. - Art. 33. Et afin que l’Église d’Angleterre puisse être établie en principe et en pratique, et que lesdits habitants puissent être amenés par degrés à embrasser la religion protestante, et que leurs enfants soient élevés d’après les principes de cette religion, nous déclarons par les présentes que notre intention est que, lorsque la province aura été divisée en toumships, on devra donner tout l’encouragement possible à l’érection d’écoles protestantes » (7 décembre 1763). Ces articles et d’autres encore donnèrent l’alarme aux Canadiens, qui envoyèrent des délégués à George III pour réclamer le maintien de l’organisaiion ecclésiastique et se plaindre de l’interprétation que l’on voulait donner au traité. Les évoques de Québec, A/u r Briand, p. 269.

Cependant le chapitre avait pu se réunir pour l’élection d’un évêque. Le choix tomba sur M. de MontgolGer, supérieur de Saint-Sulpice à Montréal. Ce digne prêtre partit pour l’Angleterre afin d’y négocier l’affaire de l’épiscopat. Mais son influence était redoutée du gouverneur Murrav, qui fit échouer les négociations. M. de Montgolfier, renonçant alors à l’honneur qu’on lui avait fait, désigna pour le remplacer Olivier Briand, vicaire général de l’ancien évoque. Celui-ci fut plus heureux. Après bien des difficultés, le gouvernement lui lit savoir indirectement que, s’il se faisait consacrer, on n’en dirait rien, et qu’on fermerait les yeux sur cette démarche. Les bulles de Clément XIII furent expédiées le 21 janvier 1766 avec l’agrément de George III et aux conditions exigées par lui, dans la mesure où elles étaient compatibles avec la dignité et l’indépendance de l’Église. D’ailleurs, dans les actes officiels, on refusa à Ma r Briand et à ses successeurs le titre d’évêque de Québec, qui fut remplacé par celui de surintendant du culte catholique, en attendant que Mu r Plessis reconquit son vrai titre à la pointe de l’épée (1813).

Les communautés d’hommes furent condamnées à périr. Récollets, jésuites et sulpiciens eurent défense de se recruter au pays ou de recevoir des membres de l’étranger ; et leurs biens devaient revenir à la couronne. Un décret royal de 1774 supprima les jésuites et confisqua leurs biens. Les représentants de la Compagnie jouirent cependant des revenus jusqu’à leur mort. Leur collège de Québec fut transformé en caserne (4776). Les maisons des récollets eurent bientôt le même sort ; et leur supérieur reçut jusqu’à sa mort 500 livres sterling de pension. Quant aux sulpiciens, de 30, ils étaient réduits, en 1793, à deux vieillards septuagénaires, lorsque le gouvernement se relâcha de ses rigueurs et offrit l’hospitalité aux victimes de la Révolution française. La loi de mort n’épargna pas le chapitre, dont le dernier acte capitulaire dale de 1773. Justement inquiet de ce que deviendrait l’épiscopat après lui, étant données les dispositions hostiles du gouvernement, M » ’Briand s’assura un coadjuteur cum futura successions dans la personne de M’.i r Maria uchau d’Esglis. Ajoutons que le nombre des préires en activité, qui était de 181 en 1759, était tombé à 138.

Les fidèles n’étaient pas mieux traités. Pour eux, point

de place dans les charges publiques, point dans les conseils de la nation. Une sorte d’ostracisme les traquait de

tontes parts. Les protestant ! réclamaient une chambre di i présentants d où les catholiques seraient exclus en principe.

i i -t dans ces conjonctures qu’éclata la rébellion des colonies anglaises d’Amérique. Le gouvernement « Je Londres comprit qu’il fallait à tout prix gagner les Canadiens, et, par l’acte de Québec I771-.il leur rendit li - lois civiles françaises, les dispensa du serment du test, et rétablit leurs droits politiques et civils. C’était un acte de sage politique. En eflet, les Américains firent appel au Canada et voulurent c r, habitants dans

leur révolte contre la métropole, laissant entendre que la liberté- religieuse serait mieux respectée par eux que par l’Angleterre. In ces circonstances, Ms » Briand pi crivit dans un mandement (22 mai 1 775 a -es dû sains la conduite que leur imposaient la conscient la religion. Le Canada fut envahi par les Bostonnais, qui, s’étant emparés de Montréal et des Trois-Bivières, assiégèrent Québec. Mais ils furent battus et Montgomery leur chef fut tué. Néanmoins, ils tentèrent une conciliation et députèrent aux Canadiens le célèbre Franklin et John Carroll, plus tard évêque de Baltimore. Ils invitaient les habitants du Canada à faire cause commune avec eux. Ils promettaient —, u peuple le libre exercice de la religion catholique ; au clergé la jouissance pleine et entière de ses biens ; la direction de tout ce qui a rapport à l’autel et à ses ministres serait laissée aux Canadiens et à la législature qu’ils voudraient se donner, pourvu que tous les autres chrétiens pussent également remplir les charges publiques, jouir des mêmes droits civils et politiques, et professer leur religion, sans avoir à payer la diine, ni de taxe au clergé catholique. Malgré de si séduisantes promesses, le peuple resta docile à son clergé qui lui prescrivait la fidélité à son souverain légitime. Après une série d’échecs, les Américains durent se retirer et Ma r Briand fit chanter un Te Deuni d’action de grâces (31 décembre 1776).

Pendant ces luttes la population catholique augmentait sans cesse. En 1784, elle était de 130 000. Le nombre des prêtres de langue française ne répondait pas aux besoins d’un tel accroissement. Deux citoyens de Montréal envoyés à Londres se plaignent qu’à cette époque 75 cures sont privées de pasteurs. Mais le gouvernement fait la sourde oreille. Les provinces maritimes : Nouvelle-Ec et N’ouveau-Brunswick et l’île Saint-Jean (aujourd’hui Prince-Edouard) se peuplent de catholiques irlandais et écossais, que desservent quelques missionnaires de langue anglaise. Les Acadiens. dispersés en 1755, se groupent sans bruit et se multiplient : mais les prêtres sont rares ; et, en certains lieux, l’on voit un laïque chargé de baptiser et de recevoir les consentements de mai jusqu’à l’arrivée du missionnaire, (’.'est à ces groupes épais de fidèles qu’en 1787 Mb » d’Esglis adressa un mandement dont le titre rappelle rémunération qui se trouve en tête de la première hpitre de saint Pierre. L’évêque l’envoie « à tous les catholiques anglais, écossais, irlandais, acadiens et autres établis à Halifax, au Cap-Breton, à l’île Saint-Jean, à Melburn, à.4ntigonish, à Digby, à Memranikoukq, au (Mj)-Sabte. à la baie Sainte-Marie, à Miramichi, à Annarèchaqt généralement dans toutes les parties de la Nouvelle-Ecosse ». Mandements des évoques de Québec, t. ni. p. 335.

Ms » Briand s’était démis du fardeau de l’administration en 1784. Son successeur M-" d’Esglis, âgé’de7.Vins. se donna un coadjuteur, M. r François Hubert, qui devint titulaire l’année suivante, 1788. ( m doit à cet évoque d’avoir étouffé un projet d’université mixte im _ par les protestants, fondation à laquelle ils proposaient d’appliquer les biens des jésuites ; on lui doit également l’ouverture du Canada aux prêtres français persécutés par la Révolution. Il écrivit dans ce but à Londres un important mémoire. Dès 1793, tout prêtre français, muni