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CHYPRE (ÉGLISE DE)

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vocatam a beluato fermenlatorum schisniate ad unitateni orthodoxie matris Ecclesiæ reducere studio se contenait. Mas-Latrie, Histoire de Chypre, t. iii, p. 600 ; Jaflé-Watlenbach, Regestapont. rom., n. 17, 329. « L’établissement de l’Église latine ne compromettait pas l’existence de l’Église grecque, et n’amoindrissait pas encore sensiblement ses immunités. Les deux communions auraient pu vivre en paix ainsi rapprochées, mais il aurait fallu, chez les Grecs, une résignation voisine de l’abaissement, et chez les Latins, une modération qui eût semblé l’abdication d’un devoir. » Mas-Latrie, Histoire de Chypre, t. i, p. 124.

Tout d’abord les Grecs conservèrent les quatorze évêchés qu’ils possédaient dans l’île. Les historiens de l’Église cypriote ne sont pas d’accord sur le nombre des évêchés grecs qui étaient dans l’île avant l’occupation des Latins. L’archimandrite Cyprien, toujours porté à exagérer le rôle et la grandeur passée de son pays natal, en porte le nombre à trente et un, dont six métropoles et vingt-cinq éparchies.’Ioropsa y_povoLoi’t-LT) rî}ç v/jerou Kvnpou, p. 391. D’après le Synekdémos de Iliéroclès, les éparchies cypriotes étaient au nombre de quinze, P. G., t. cxiii, col. 151, et de treize d’après la Notifia episcopatum, P. G., t. cvii, col. 352, et Niles Doxapatrius, P. <r., t. cxxxii, col. 1097. Lequien en compte seize. Uriens christiamis, t. il, col. 1043-1045. Nous donnons la liste de Iliéroclès qui, en dehors de Constantia (Salamine), siège de l’archevêque, compte quatorze éparchies, c’est-à-dire : Tamassos, Kitium, Amathus, Kurium, Paphos, Arsinoé, Soli, Lapithos, Kirboea, Chytri, Carpasie, Cérines, Trimithus, Levkosia. Hackett, p. 240-243. Si les Grecs conservèrent leur organisation ecclésiastique, il n’en futpas de même de leurs églises. Plusieurs de celles-ci furent occupées par le clergé latin, à l’entretien duquel on affecta une partie des dîmes et des revenus ecclésiastiques. Les Grecs jetèrent les hauts cris : ils voyaient l’avenir de leur Église en danger. « Le soleil se couvre de nuages, écrivait Néophyte de Chypre en poussant’au noir le tableau de son île natale tombée sous la domination latine. Notre condition est semblable à celle d’un navire ballotté par une furieuse tempête, et peut-être nous sommes encore plus à plaindre parce que la tempête sur mer a ses accalmies, tandis que chez nous la tourmente ne fait qu’augmenter. » P. G., t. cxxxv, col. 496-497.

Sous Hugues I er (1205-1218) ou plutôt sous la régence de sa femme Alix de Champagne, l’Église grecque subit de nouvelles atteintes dans son indépendance. Au mois d’octobre 1220, la noblesse cypriote et le clergé latin se réunirent à Limassol pour régler le différend survenu au sujet du partage des biens ecclésiastiques. Dans cette assemblée on reconnut aux membres du clergé grec, mariés ou non, le droit de ne pas être soumis au servage et aux corvées. Mais cette concession n’était accordée qu’à ceux qui prêteraient serment d’obéissance et de fidélité à l’évêque latin. Mas-Latrie, t. iii, p. 612. Les ecclésiastiques grecs étaient tenus de ne point sortir de la ville ou du village où ils étaient fixés. Les serfs ne pouvaient aspirer aux ordres sacrés. Les abbés devaient demander aux évéques latins l’approbation de leur nomination. On défendait aux Grecs de réclamer les biens des monastères et des églises qui avaient été confisqués par les Latins. Mas-Latrie, ibid., p. 611-612. Le cardinal Pelage, évéque d’Albano, dont Georges Acropolite nous a laissé un portrait rien moins que flatteur, P. ff., t. cxi., col. 1028-1029, voulut hâter l’œuvre de conversion des (irecs par des violences blâmables. Treize moines furent appréhendés et jetés en prison. Ils persistèrent à rejeter les croyances de l’Église latine, el à prêcher l’orthodoxie. D’après un anonyme cité par Allatius, on leur lit subir le dei nier supplice. Quelquesuns furent attachés à la queue des chevaux et trahies au milieu des rochers et des pierres ; les autres périrent

dans les flammes en présence du cardinal Pelage et d’une foule immense de Latins. Leurs cendres furent dispersées. Allatius justifie cet acte d’intolérance. Optts erat, dit-il, effrénés propriseque fidei rebelles et veritatis oppugnatores non exilio, sed ferro et igné in saniorem mentem reducere. Concordia occidentalis et orientalis Ecclesiæ, p. 696. A son avis, cette punition exemplaire était nécessaire pour oter aux Grecs l’envie de s’insurger contre l’Eglise latine. Ibid., p. 696-700.

En 1221-1222, le clergé latin lit de nouveaux efforts pour soumettre les Grecs de Chypre à sa juridiction. Il consentait à admettre la diversité de rites, mais il désirait réduire les évéques grecs à l’état de simples vicaires du métropolite ou archevêque latin. Les évéques grecs ne devaient exercer leur juridiction que sous la pleine dépendance de l’ordinaire latin. Il exigeait en outre qu’on pût interjeter appel du tribunal de l’évêque grec au tribunal de l’évêque latin ; qu’un évéque grec ou un higoumène ne pût prendre possession de son siège ou de sa dignité sans avoir eu au préalable la permission de l’évêque latin ; que les évéques grecs au moment de recevoir l’investiture de leur charge jurassent 1 i délité à l’évêque latin en s’agenouillant devant lui. En un mot, le clergé latin devait jouir seul de la suprématie spirituelle ; l’Église grecque était simplement tolérée. L’autorité civile s’efforçait de détourner la guerre religieuse qui allait éclater parmi ses sujets. Aux Grecs soumis aux Latins au point de vue politique, elle ne voulait pas ajouter la servitude ecclésiastique qui leur était plus odieuse que l’autre. Mais ses tentatives furent vaines à cause de l’intransigeance du cardinal Pelage, qui en qualité de légat apostolique trouvait un appui auprès du Saint-Siège. Les réclamations des Grecs ne furent pas écoutées à Rome. Le 23 janvier 1222, Honorius III, dans une lettre à Alix de Champagne, manifestait son regret de ne pouvoir maintenir la métropole grecque. Ce serait une chose monstrueuse, disait-il, qu’il y eût dans la même Église deux chefs du même titre et de la même autorilé dans la hiérarchie. Il insistait sur la nécessité de ne point permettre aux évéques grecs de rester dans les diocèses latins. Raynaldi, Annales, an. 1222, n. 8-9, Lucques, t. i, p. 319. L’archevêque grec Néophyte ne voulut pas se soumettre aux prescriptions du Saint-Siège ; il fut déposé et envoyé en exil avec son clergé. Sathas, Meffaitoviy.Y) 6tëXiô6^% » ), t. il, p. 7. Le 14 septembre 1222, Pelage ratifia une nouvelle convention entre la noblesse et les évéques latins. Les nombreux sièges épiscopaux des Grecs furent supprimés. On en garda seulement quatre, Nicosie, Paphos, Limassol et Eamagouste. Mais les évéques grecs n’eurent pas le droit de résider dans ces villes. On les fixa dans des villages obscurs : celui de Nicosie à Soli, celui de raphos à Arsinoé ; celui de Nicosie à Lefkara, et celui de Eamagouste à Carpasie. On réitéra les décrets concernant la soumission et le serinent de fidélité que les prêtres grecs devaient prêter aux Latins. Les abbés grecs étaient tenus d’obéir aux évéques latins secundum Deuni cl slatula canonum ; on déterminait le nombre de religieux pour chaque monastère grec ; à l’égard des évéques grecs on statuait : Obedientes crmii roniana Ecclesiæ et archiepiscopo et episcopis latinis, secundum consuetudinem regni Jerosolimitani. Mas-Latrie, t. iii, p. 622.

Le clergé grec ne put se résigner à accepter cette convention. S’il cédait aux exigences des Latins, il encourait le reproche de pactiser ; ier {’hérésie latine, et il devenait un objet de haine pour l’hellénisme entier. S’il laissait le champ libre aux Latins, le troupeau orthodoxe se serait trouve sans défense contre 1rs tentatives de latinisation de l’Ile. Mas-Latrie, t. i, p, 212-213. Dans cette pénible occurrence, les dires eurent recours au patriarche de Constantinople, Germain 11 (1222-1240), qui, depuis la prise de Constantinople par les Latins,