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CHINOIS (RITES)


en finir donc, il ordonne, sous les peines les plus sévères, y compris l’excommunication latse sententise, à tous ceux que cela regarde, d’observer et faire observer entièrement et sans réserve tout ce qui est contenu dans les réponses insérées ci-dessus. Il termine par la formule du serment, que devront prêter tous les missionnaires, avant d’exercer ou de continuer aucune fonction du ministère en Chine, et par laquelle ils s’engagent dans les formes les plus sacrées à observer tout ce que la constitution leur prescrit.

Un acte si solennel, avec des sanctions si rigoureuses, ne pouvait rencontrer aucune résistance chez les missionnaires. La constitution Ex Ma die parvint à Canton au mois d’août 1716, et le procureur des missions de la Propagande en envoya secrètement des copies dans toutes les provinces. Tous les missionnaires, sans exception, prêtèrent le serment imposé, et, en somme, ceux qui, jusque-là, avaient cru licites les cérémonies défendues, firent tout ce qui était humainement possible pour en détacher leurs chrétiens. Mais il aurait fallu que ceux-ci fussent héroïques ; malheureusement, ils en étaient bien loin ; d’ailleurs ceux qui avaient été formés par des missionnaires ennemis des rites, ne le furent pas davantage. A la notification du précepte de Clément XI, les uns aimèrent mieux se voir refuser les sacrements que de promettre d’obéir, les autres donnèrent la promesse et la violèrent tout de suite après ; beaucoup allèrent jusqu’à l’apostasie. Le nombre de ceux qui, de l’ait, renoncèrent aux rites fut minime, et ne se recruta que dans les plus basses classes de la population. La vieille haine des païens, surtout des lettrés, contre le christianisme n’en fut pas moins réveillée, et put exploiter plus aisément que jamais le grand grief, mépris des devoirs à l’égard des parents et ancêtres et du maître de la nation. Les vexations, puis de véritables persécutions surgirent bientôt de tous côtés pour les malheureux néophytes, tandis que leurs protecteurs habituels, les missionnaires, étaient de plus en plus réduits à l’impuissance, par leur petit nombre, par la diminution de leur influence, par les entraves que les dernières mesures de Kang-hi mettaient à leur ministère. L’empereur, naguère si favorable au christianisme, qu’il avait donné occasion de rêver d’un Constantin chinois, s’aigrissait de jour en jour contre la religion et ses sujets chrétiens. Quand il connut la constitution de 1715, il déclara plus haut que jamais qu’il ne lui était pas possible de laisser prêcher à ses sujets une doctrine si opposée aux lois et aux coutumes fondamentales de la Chine. S’il ne donna pas cours aussitôt à tout son ressentiment, ce fut en considération de tant de services que lui avaient rendus les missionnaires. Encore, quand les neuf plus grands tribunaux de l’empire rendirent, le 16 avril 1717, une sentence, d’après laquelle tous les missionnaires devaient être expulsés, la loi chrétienne prohibée, les églises détruites et les chrétiens chinois contraints d’abjurer la foi, Kang-hi, non seulement ne fit rien pour les retenir, mais signa cette cruelle sentence, un mois plus tard. A la vérité, quand les missionnaires qu’il écoutait le plus volontiers lui en firent leurs plaintes, il s’efforça de les rassurer, en leur promettant que ces rigueurs ne seraient jamais appliquées à ceux qui étaient munis de son piao. Cette promesse était désormais une garantie bien précaire, et la facilité avec laquelle l’auteur de l’édit de 1692 en laveur du christianisme avait ratifié la sentence du 16 avril 1717. était d’un sinistre augure pour l’époque, peu éloignée, où il aurait un successeur qui n’avait jamais partagé ses sentiments bienveillants pour le christianisme.

Pour comble de malheur, l’unité de vues et d’action que Clément XI avait voulu établir entre les ministres de l’Évangile en Chine, par le moyen de son Précepte, n.lait nullement réalisée. Après avoir constaté tant de

fois l’impossibilité d’obtenir de la plupart des néophytes une sincère soumission au décret pontifical, et le peu de sûreté des promesses qu’ils faisaient pour obtenir le baptême ou l’absolution, les missionnaires durent se demander s’ils pouvaient en conscience continuer à conférer des sacrements si exposés désormais à la profanation. Beaucoup crurent qu’ils ne le pouvaient pas, et s’abstinrent de les administrer en dehors des cas d’extrême nécessité. D’autres, plus nombreux, ne purent se résoudre à laisser à l’abandon même ces âmes d’une disposition si douteuse ; mais parmi ceux-ci encore, plusieurs tantôt administraient, tantôt, troublés par les scrupules, quittaient le ministère sacré, pour le reprendre quelque temps après.

Dans l’application même de la constitution Ex illa die, les directions n’étaient pas uniformes. Le pape, on l’a vii, admettait expressément, qu’entre les usages établis chez les Chinois pour honorer les morts, il pouvait s’en rencontrer qui ne tombaient pas sous ses prohibitions, et il laissait aux prélats des missions le soin de les déterminer. Mais cette concession, dont il était naturel de profiter, pouvait s’interpréter de plus d’une manière. Ceux qui avaient été les plus ardents à demander l’interdiction des rites, et qui en sentaient maintenant les conséquences comme les autres, ne lui donnèrent pas l’interprétation la moins large dans leur pratique.

Les lettres des missionnaires de cette époque (nous en avons lu beaucoup) respirent, avec la soumission résignée, mais complète, aux ordres du vicaire de Jésus-Christ, une poignante tristesse, presque le désespoir : eux-mêmes emploient ce terme pour caractériser le sentiment qui les oppresse, en voyant, témoins impuissants, s’accomplir la ruine de leur belle mission : comme le marin qui sentirait son navire s’enfoncer sous ses pieds, en vue de la terre désirée.

IV. Les permissions.

La situation de la chrétienté de Chine appelait donc par plus d’un endroit une nouvelle intervention du saint-siège. Clément XI résolut d’y envoyer un nouveau visiteur apostolique, pour reprendre avec des procédés un peu différents et, s’il se pouvait, avec plus de succès, l’œuvre laissée si imparfaite par le cardinal de Tournon. Celui-ci était mort, le 8 juin 1710, à Macao, où l’internement ordonné par Kang-hi lui avait été rendu pénible, surtout par le gouvernement portugais, qui se vengeait ainsi des prétendues usurpations du légat sur son patronat des Indes. Le pape lui nomma pour successeur avec le titre de patriarche d’Alexandrie, Ms r Jean-Ambroise Mezzabarba. Afin d’éviter une répétition des difficultés avec le Portugal, le nouveau visiteur prit son chemin par Lisbonne, où il s’embarqua, le 25 mars 1720. Il arriva le 26 septembre à Macao et le 12 octobre à Canton. Avant de le recevoir à sa cour, Kang-hi voulut être pleinement instruit du but de sa visite. Quand le patriarche avoua être venu pour prier l’empereur de permettre aux chrétiens d’obéir à la constitution interdisant les rites, toute la réponse fut que l’ordre allait être donné d’embarquer tous les missionnaires, avec le légat, pour l’Europe. Ms r Mezzabarba, épouvanté, fiteomprendre ques’il n’avait pas le pouvoir de suspendre la constitution, il était pourtant autorisé à permettre certaines choses ; el invité à s’expliquer, il communiqua les huit « permissions », que nous aurons à citer tout à l’heure. L’empereur, sans être satisfait, se radoucit ; mais le légat lui-même ne songea plus qu’à précipiter la fin de sa mission, en s’ollrant à aller renseigner le souverain pontife sur les vœux de l’empereur et à rapporter promptement la réponse. Kang-hi accepta, en donnant claire ni à entendre que si la réponse n’étail pas celle qu’il désirait, les choses en seraient pires qu’avant. Le visiteur apostolique serembarqua à Canton le 23 mai 1721. De Macao, ou il s’arrêta six mois, il adressa aux missionnaires de