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CHASTETE


perfection, suivant la définition donnée par saint Augustin, De sancta virginitate, c. xiv, P. L., t. XL, col. 402 ; Epist., clvii, n. 39, P. L., t. xxxiii, col. 692, et par saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. cvni, a. 4. Ce sens est d’ailleurs fondé sur Matth., xix, 12, comme nous l’avons montré précédemment.

Enseignement de la tradition chrétienne.

1. Dans les quatre premiers siècles jusqu’à saint Augustin. — a) Le simple fait de l’existence de nombreux ascètes observant dès cette époque la continence parfaite pour parvenir à une plus intime union avec Dieu, voir Ascétisme, t. I, col. 2074, ne peut s’expliquer que par l’existence du conseil divin de chasteté parfaite, surtout si on rapproche ce fait de Matth., xix, 12, et de I Cor., vil, 25 sq., et si l’on tient compte des difficultés extrêmes que devait rencontrer dans le monde presque entièrement païen une pratique si opposée aux mœurs du paganisme. — b) L’existence du conseil évangélique de chasteté parfaite, affirmée dans les premiers siècles de l’ère chrétienne par l’institution des ascètes, est expressément enseignée par les Pères depuis la fin du IIe siècle. Tertullien, Ad uxorem, t. I, c. iii, P. L., t. I, col. 1279, d’après I Cor., vii, 31 ; S. Cyprien, De habitu virginum, c. xxiii, P. L., t. iv, col. 463, suivant Luc, xx, 35, 36 ; S. Ambroise, De virginibus, t. I, c. v sq., P. L., t. xvi, col. 195 sq., selon 1 Cor., vii, 32 sq. ; De vidais, c. I, xiii sq., P. L., t. XVI, col. 235, 257, 259, d’après I Cor., vii, 31, 39, îO ; Matth., xix, Il sq. ; I Cor., vu, 7, 25 sq. ; De virginitate, c. vii, col. 273, suivant Matth., XIX, 12 ; S. Chrysostome, De virginitate, c. IX, P. G., t. xlviii, col. 539 ; De non ilerando conjugio, n. 1, 3, col. 611, 614, d’après I Cor., vii, 35 ; S. Grégoire de Nysse, De virginitate, c. ii, P. G., t. xlvi, col. 321 ; S. Jérôme, Epist., xxii, n. 19 ; CXXIII, n. 5, P. L., t. xxii, col. 405 sq., 1017 sq., suivant I Cor., vii, 39 ; Adversxis Jovinianum, t. I, n. 9, 12 sq., P. L., t. xxiii, col. 222, 227 sq., d’après I Cor., vii, 8 sq. ; Matth., xix, 12 ; I Cor., vil, 25 sq. ; S. Augustin, De sancta virginitate, c. xiv, P. L., t. xi., col. 402 sq., selon I Cor., vii, 25 sq. ; De bono viduitatis, c. n sq., xix, col. 431 sq., 445, suivant I Cor., vil, 8, 34. Quanta la notion théologique de la différence entre le précepte divin ei le simple conseil évangélique, esquissée d’abord par saint Ambroise, De viduis, c. xii, P. L., t. xvi, col. 256, elle est explicitement formulée par saint Augustin, De sancta virginitate, c. xiv, P. L., t. xl, col. 102 ; Epist., CLVII, n. 39, P. L., t. xxxiii, col. 692. En même temps que les Pères affirment le conseil évangélique de chasteté parfaite en l’appuyant sur l’enseignement de Jésus-Christ et de saint Paul, ils ajoutent parfois et d’une manière plutôt secondaire des raisons humaines qui doivent recommander et faire aimer cet heureux état : les pénibles obligations imposées par le mariage, les vives et fréquentes douleurs qui résultent des blessures faites aux affections familiales, les inquiétudes presque constantes, et de nombreux embarras de tout genre. S. Chrysostome, De virginitate, C. XXVIII, LVI sq., P. C, t. XLVIII, col. 552 sq., 577 sq. ; S. Grégoire de Nysse, De virginitate, c. ni, P.’.'., t. xlvi, col. 326 sq. ; S. Augustin, De sancta virginitate, c. xvi, P. L., t. xi., col. M)3 sq. Il est d’ailleurs incontestable que ces Pères, en recommandant la pratique du conseil de chasteté’parfaite, ne déprécient aucunement le mariage. S. Chrysostome, De virginitate, c. ix, xxv sq., P. G., t. xi. viii, col. 539 sq., 550 sq. ; S. Augustin, De sancta virginitate, c. xviii sq., P. L., t. xi., col. 404 sq. ; De bono viduitatis, c. ni sq., col. 132 sq. Cette doctrine énoncée par fis Pères comme l, i doctrine enseignée par Jésus-Christ et préchée par saini Paul est postivement affirmée par ! < pape saint Sirici ou 390 dans une lettre à l’Église de Milan

ou il réprouve les erreurs de Jovinien particulièrement sur la question île continence ei de la virginité : Nos sanc nuptiarum vota non aspernanter accipimus, qui bus velamine intersumus, sed virgines quas nuptise créant, Deo devotas majore honori/icenlia honoramus. Facto igitur presbyterio constilil doctrines nostrse id est christianse legi esse contrariant eorum sententiam. P.L., t. xvi, col. 1123.

2. Depuis saint Augustin jusqu’à saint Thomas, cette doctrine des Pères est simplement reproduite par les auteurs ecclésiastiques. Gennade de Marseille, De ecclesiasticis dogmatibus, c. lxiv, lxviii, P. L., t. lviii, col. 996 ; S. Fulgence de Ruspe, Epist., iii, c. vi sq., P. L., t. lxv, col. 328 sq., d’après Matth., XIX, 12 ; Is., lvi, 4, 5 ; Apoc, xiv, 4 ; S. Isidore de Séville, Sent., I. III, c. xl, P. L., t. lxxxiii, col. 643 sq., d’après Is., lvi, 4, 5 ; De ecclesiaslicis officiis, t. II, c. xvii, n. 4 sq.. col. 805 sq., d’après Matth., xix, 12 ; I Cor., vu, 25 sq. ; Is., lvi, 4, 5 ; Pierre Lombard, Sen t., t. IV, dist. XXXIII, n. 4, P. L., t. excu, col. 926, et insérée dans le Décret de Gratien, part. II, caus. xxxiii, q. v, 9, P. L., t. clxxxvii, col. 1371 sq., 1467.

3. Au xiiie siècle, saint Thomas en même temps qu’il s’appuie principalement sur Matth., xix, 12 ; I Cor., vii, 25 sq., Sum. theol., II a II", q. CLH, a. 4 ; Cont. gent., t. III, c. CXXXVI, indique les convenances surnaturelles de l’état de virginité et son intime relation avec l’état de perfection. Les convenances sont déduites de ces trois considérations : le bien divin l’emporte sur le bien humain, le bien de l’âme est préférable à celui du corps, le bien de la vie contemplative est supérieur à celui de la vie active. Triple supériorité évidemment réalisée par l’état de virginité où l’on poursuit principalement le bien de l’âme par la contemplation paisible et ininterrompue des choses divines, tandis que l’état du mariage principalement adonné à la recherche des biens du corps et à la vie active apporte plutôt des obstacles à la vie contemplative. Donc l’état de virginité, dans la mesure où il favorise ces biens supérieurs, est de soi préférable à l’état du mariage où la recherche de ces biens rencontre beaucoup d’obstacles. Mais cette supériorité de l’état n’entraîne point nécessairement la supériorité de sainteté ou de perfection personnelle vis-à-vis de tous ceux qui vivent dans l’état inférieur. Sum. theol., II a IIe, q. CLH, a. 4, ad 2um ; q. ci.xxxiv, a. 4. D’où il résulte encore que l’état de virginité est une partie intégrante de tout état de perfection à acquérir, puisqu’il est strictement nécessaire pour écarter efficacement et habituellement les obstacles à la perfection, tels qu’ils résultent communément de l’état du mariage. Sum. theol., II a II*, q. clxxxvi, a. 4. En même temps saint Thomas réfute les principales objections contre la possibilité ou la supériorité de l’état de virginité’ou de continence parfaite. Cont. gent., t. III, c. cxxxvi. Cet enseignement est communément reproduit dans toute cette période par les théologiens scolastiques ou ascétiques. Denys le chartreux, In IVSent., l.lX, dist. XXXIII, q. m ; S. Antoninde Florence, Sumnia theologica, part. III, tit. ii, c. I, Vérone, 1740, t. iii, p. 131 sq. ; Dominique Soto, In IV Sent., t. IV, dist. XXX, q. n ; dist. XLIX, q. v, a. 2 ; Cajétan, In /7 am // a’, q. CLH, a. i.

4. Au xvFsiècle, Luther proclame les vieux monastiques contraires à son principe fondamental de la justification par la seule confiance aux mérites de Jésus-Christ. Denifle, Luther und Luthertum, 2e édit., Mayence, 1904-, p. 76 sq. Il combat particulièrement le vœu de chasteté dont il affirme que l’objet es1 irréalisable, parce que la concupiscence de la chair est irrésistible, op. cit., p. ! H) sq., et que la prière ne peut assurer une aide suffisante. Op. cit., p. 103 sq. Luther soutien) donc que Jésus-Christ n’a nullement conseillé la virginité ou le célibat et qu’il en a plutôt détourné, <>p. rit., p. 80 sq. Ces affirmations luthériennes communément adoptées par les réformateurs du xvi’siècle furent formellement condamnées par fi’concile de Trente, sess. XXIV, can. 10. et solideinenl réfule par les théologiens catholiques. Canisius,