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CHARTREUX


pour la conservation de l’esprit cartusien. En 1610, avec l’agrément du souverain pontife, le chapitre général ordonna que, dans les chartreuses où il y avait au moins quinze religieux de chœur, on ferait chaque semaine, pendant le spaciment, une leçon d’Écriture sainte, de rébus ad pietatem et devotionem fovendam pertinent ibus juxta institutum professionis nostree. Le prieur local était chargé de désigner le religieux qui devait faire cette conférence. Mais, quelques années après, une déclaration du pape Urbain VIII fit cesser cette leçon et l’ordre revint à l’ancienne coutume de faire étudier, en particulier, l’Écriture sainte, la théologie et toutes les sciences ecclésiastiques. Urbain VIII ayant déclaré que l’intention de son prédécesseur Clément VIII était que, dans les monastères, on préparât avec soin les jeunes religieux aux fonctions sacerdotales et, surtout, au saint ministère de la confession, l’enseignement public des saintes Écritures cessait d’avoir sa raison d’être. C’est pourquoi, dans l’édition des statuts, faite en 1681 à La Correrie, dom Innocent Le Masson, après avoir inséré l’ordonnance du chapitre général de 1610, ajouta une note explicative, qui fut maintenue dans la bulle d’Innocent XI, Injunclurn Nobis, par laquelle Sa Sainteté’approuva les mêmes statuts in forma specifica.

C’est sous le généralat de dom Innocent Le Masson que l’ordre entra, pour ainsi dire, dans son ère moderne. L’influence de cet homme remarquable se fait encore sentir sur l’esprit et le gouvernement de l’institut. Dom Innocent n’innova rien, mais il introduisit dans la pratique des observances tant de sagesse et de prudence, que, deux siècles après sa mort, les chartreux suivent à l’aise la route qu’il leur a tracée. Entré jeune en chartreuse, à l’âge de dix-huit ans, après avoir achevé son cours de philosophie, il devint en peu de temps une des colonnes de l’ordre et un grand théologien. Il s’est beaucoup occupé de la formation intellectuelle des jeunes religieux. Étant encore vicaire de la chartreuse de Noyon, où il avait fait profession, il fit imprimer, en 1660, un Directoire des novices chartreux de l’un et l’autre sexe. Devenu général de l’ordre, en 1675, il compléta son Directoire de trois nouveaux chapitres, et le fit réimprimer. Une traduction latine, faite par l’auteur même, fut imprimée, en même temps, pour les maisons des pays étrangers. Or, voici la méthode et les livres d’étude qu’il indiquait, édit. de 1676, p. 87 sq. : « Chapitre xii. — De l’employ du temps entre midy et vespres… A une heure, vous vous mettrez à l’estude jusqu’à deux, et afin que le peu de temps que vous avez pour l’estude soit utilement employé, et serve à vous bien disposer pour recevoir les ordres sacrez, et pour en bien faire les fonctions, vous serez exact à suivre ces advis : 1. Vous ne lirez pas d’autres livres que ceux qui vous seront présentez par vôtre supérieur qui peuvent estre réduits à trois, sçavoir : Un abrégé de théologie comme celuy qui porte pour titre Medulla tfieologix, composé par Monsieur Abelly, qui est excellent. Le catéchisme du concile de Trente et la petite théologie morale réduite en tables, estant certain que pour pouvoir apprendre quelque chose solidement parmy nous, ayant si peu de temps pour l’estude, il faut se restrain 1 1.i peu de lecture, s’attacher à quelques bons livres et empêcher les jeunes gens d’estudier à leur fantaisie, car autrement ils perdent souvent leur temps, et n apprennent rien de solide. — 2. Vous lirez peu de matière à la fois, mais vous vous estudieivz ; i la bien Comprendre en lu relisant plusieurs fois et comme pour vous préparer à en rendre compte une (ois la semaine par manière de répétition à votre l’ère prieur, ou au vicaire, ou à celuy que le supérieur députera, alin que vous receviez les éelaircissemens et les résolulions nécessaires pour bien entendre ce que ous aurez estudié pendant la semaine. »

Le Directoire des novices, traduit en latin, fut imprimé,

par ordonnance du chapitre général de 1679, à la suile des statuts et devint obligatoire dans tout l’ordre. Mais le zèle de dom Innocent ne pouvait se borner à l’éducation des novices et des jeunes religieux seulement, il devait s’étendre à tous les membres de l’ordre, sans en excepter les supérieurs. A cet effet, il composa un autre directoire qui, sans porter ce titre, renferme des conseils d’une haute sagesse et d’une grande prudence pour les moines ou religieux du cloître, soit qu’ils demeurent en cellule, soit qu’ils remplissent quelque office subalterne, soit qu’ils remplissent la charge de la supériorité. Ce directoire général, écrit en latin, fait partie des Annales ordinis cartusiensis, in-fol., La Correrie, 1687, 1. 1, p. 355395, et porte ce titre significatif : De singidaribus et prsecipuis mediis, ex quorum praxi institutum cartusiense hue usque perse veravit in sua primœva obsercanlia et usque ad finem seculi, Deo prolegenle, perseverabit. Or le c. m traite des occupations du moine en cellule. Tous les exercices journaliers du chartreux solitaire sont rangés sous trois titres : 1° l’oraison ; 2° l’étude modérée et prudente des saintes Écritures ; 3° le travail manuel. L’étude, remarque l’auteur, est une occupation très utile et pleine de consolations pour l’esprit d’un solitaire. Elle tient le milieu entre l’oraison et le travail manuel, et de même que les exercices corporels favorisent et entretiennent la santé, de même l’étude, modérée et proportionnée aux talents de l’étudiant, est l’aliment de l’esprit et un plaisir innocent, qui soutient le solitaire, le délivre de l’ennui et le console. Mais la majeure partie de la journée est consacrée à l’oraison, et si l’on y ajoute le temps du travail manuel qui, pour les jeunes religieux, ne doit pas être moindre de deux ou trois heures, il reste à peine une heure pour l’étude. Il importe donc de bien employer cette heure, et si les élèves se bornent à bien apprendre un livre unique de théologie, avec la connaissance de toute la Bible et des homélies des Pères, qu’on lit chaque année, à l’église et au réfectoire, ils finiront par acquérir une science solide et suffisante. Le chartreux n’a pas besoin de connaître les subtilités scolastiques, qu’il se contente donc au début de bien apprendre la Medulla théologies de M. Abelly, d’étudier le commentaire de Bellarmin sur les Psaumes, et les explications de Ménochius ou de Tirinus. Après avoir passé cinq ou six années dans celle pratique, le chartreux étudiera un abrégé des conciles, par exemple celui de Bailli, un compendium d’histoire ecclésiastique et un autre de droit canon. Enfin, à l’âge mûr, et lorsqu’un sujet a pris de bonnes habitudes, tant dans l’observance régulière que dans l’étude des sciences sacrées, il peut donner un temps plus considérable à cette occupation, pourvu qu’il ne fasse pas d’imprudences et ne se rende pas incapable de pratiquer tous ses exercices spirituels.

Pour avoir une idée complète de la formation intellectuelle du chartreux, il faut ajouter que la lecture spirituelle, prescrite par le Directoire des novices, doit durer un quart d’heure le matin ou dans l’après-midi, et un autre quart d’heure le soir. De plus, les novices sont obligés à la méditation quotidienne dans un livre composé par dom Le Masson, ou d’après l’ouvrage du chartreux dom Antoine Molina ou celui du P. Busée, jésuite. Dans le directoire général, dom Innocent propose la lecture de RodrigueL, que dans une lettre particulière il appelle « le bréviaire des religieux ». Dom Le Masson régla que les novices feraient la lecture spirituelle pendant les neuf premiers mois du noviciat, dans l’Introduction à la vie religieuse, composée de textes de l’Écriture sainte, et d’extraits de VIm lation de Jésus-Christ et des écrits de saint train ois de Sales, liés ensemble el réduits en leçons distinctes. Les novices avaient aussi quatre petits livres il Instructions spirituelles. C.(. Directoire dtS minces, c. Xl, édit. de 1676, p. 114-115. Les ouvrages précédents avaient été coin-