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CHARITE


taux nécessairement présupposés par toute loi divine et dont l’accomplissement doit normalement précéder celui des autres commandements. — fj. L’excuse provenant de l’invincible ignorance de ce précepte n’est qu’une application générale du principe relatif à la bonne foi en matière non nécessaire pour le salut et exigée seulement par un précepte divin positif. Voir 1. 1, col. 1013 sq. ; S. Thomas, Sttni. theol., Ia-IIæ, q. lxxxix, a. 6 ; Qusest. disp., De malo, q. v, a. 2, ad 8 ura ; q. vii, a. 10, ad 8um ; De veritate, q. xxiv, a. 12, ad 2um ; q. xxviii, a. 3, ad 4um ; Cajétan, In 7 am II*, q. lxxxix, a. 6 ; Bannez, In 77 am 77*, q. x, dub. ii, Venise, 1602, col. 479 sq. ; Gonet, De vitiis et peccatis, disp. IX, a. 7, n. 174 sq. : Salmanticenses, Cursus theologicus, tr. XIII, disp. XX, n. 2 sq. ; Gotti, In 7 ara II*, tr. IV, q. iii, dub. v, Venise, 1750, t. ii, p. 175 sq.

c. Opinion contraire à l’obligation de la charité surnaturelle. — a. Elle rejette unanimement l’existence d’un précepte spécial en s’appuyant sur ces deux raisons : absence de preuves positives, et fréquente impossibilité d’accomplir ce précepte à cause de l’invincible ignorance de la foi surnaturelle ou de cette obligation spéciale. — p. Unanime dans ses négations, cette opinion présente des divergences dans la manière d’expliquer l’amour divin implicitement contenu dans la volonté d’adhérer au bien moral que l’on connaît. Vasquez, In 7 am 77*, disp. CXLIX, c. il, n. 3 sq. ; Suarez, De bonitate et malitia humanorum actuum, disp. VI, sect. i, n. 12 ; Sylvius, In 7 am II X, q. lxxxix, a. 6 ; Azor, Institutionum moralium, t. IV, c. x, q. vi ; t. IX, c. iv, Cologne, 1613, p. 193 sq., 583.

d. Conclusion. — L’opinion affirmative ainsi appuyée et limitée nous paraît théoriquement mieux fondée, surtout au point de vue de l’économie générale de l’ordre surnaturel. Quant aux difficultés pratiques, elles sont écartées par l’excuse toujours admise en faveur de l’ignorance invincible portant sur la foi surnaturelle ou sur l’existence de ce précepte spécial.

d) En dehors de ces deux époques extrêmes de la vie physique ou morale de l’individu, le précepte divin de la charité oblige-t-il directement au moins quelquefois pendant la vie ? et dans cette hypothèse, avec quelle fréquence et dans quelles circonstances oblige-t-il ? — a. Documents ecclésiastiques consistant dans deux propositions condamnées par Innocent XI le 2 mars 1679, proposition 5e : An peccet mortaliter qui actum dileclionis sériel lantum in vila eliccret, condemnare non audemus ; proposition 6e : Probabile est ne singidis quidem rigorose quinquenniis per se obligare præceptum cari/atis erga Dcum. Denzinger, Encliiridion, n. 1022 sq. Il est donc certain que le précepte divin de la charité oblige plusieurs fois pendant la vie et au minimum tous les cinq ans. — b. Déductions théologiques. — En se fondant sur le rôle si efficace et si nécessaire de la charité dans l’accomplissement des autres préceptes, l’on admet communément que, même pour l’âme unie à Dieu par la grâce sanctifiante, l’acte de charité est obligatoire assez souvent pendant la vie, sans qu’il paraisse possible de déterminer prudemment des époques fixes. Suarez, De caritate, disp. V, sect. iii, n. 4 ; Sylvius, In 77 an > II*, q. xi.iv. a. 6, quær. 3 ; Layman, Theologia moralis, Lyon, 1664, t. i, p. 214 ; Lacroix, Theologia moralis, Paris, 1866, t. i, p. 509 ; Viva, Damnâtes thèses, Pavie, 1709, p. Il ; Sporer, Theologia moralis, Venise, 1731, t. i, p. 143 ; Perrone, l’rœlecliones theologicæ de rirtu-Hbus fidei, spei et caritatis, Ralisbonne, 1865, p. 391 ; Lehrnkuhl, Theologia moralis, t. I, n. 322.

Dese us de détermination plus précise ont cependant été tentés. Les théologiens de Salamanque, Cursus theologia moralis, tr. XXI, c. VI, n. 12. assimilant le précepte de la charité’à ceux de la pénitence et de l’eucharistie, affirment son obligation directe au moins une lois dans l’année. Saint Alphonse, Theologia moralis,

t. II, n. 8, préfère l’opinion qui assigne comme minimum d’obligation, semel in mense, opinion principalement appuyée sur la ditnculté d’observer les préceptes divins sans le secours fréquent d’actes de charité. Cette raison ne pouvant suffire par elle-même, pour une si précise détermination de l’obligation directe de la charité, ne doit-on point considérer l’appréciation de saint Alphonse comme une règle ou direction pratique, fondée plutôt sur la fréquente obligation indirecte du précepte de la charité ? Ne serait-ce point également le sens de cette affirmation hésitante de Scot que le précepte divin du sabbat et le précepte ecclésiastique de l’assistance à la messe ont peut-être déterminé le temps auquel l’acte de charité divine est obligatoire ? In IV Sent., LUI, dist. XXVII, Venise, 1690, t. iii, p. 281.

e) Conclusion pratique. — a. Puisque toute bonne œuvre faite pour Dieu est un accomplissement suffisant du devoir de la charité, S. Alphonse. Theologia moralis, t. II, n. 8, le confesseur ne devra point inquiéter en cette matière les fidèles qui luttent habituellement contre le péché mortel et qui sont principalement guidés par l’amour filial envers Dieu. — b. Ceux qui vivent presque habituellement dans l’état du péché et qui n’ont d’autre disposition que l’attrition, peuvent facilement faillir au strict devoir de la charité. Mais comme l’exacte assignation de la faute reste difficile, le confesseur devra plutôt s’employer à exhorter le pénitent à de sérieux efforts pour exciter en lui cette disposition de charité. Berardi, Praxis confessariorum, 3e édit., Fænza, 1898, t. i, n. 195.

f) En dehors des cas d’obligation directe, l’acte de charité peut être indirectement imposé par la nécessité d’administrer ou de recevoir en état de grâce tel sacrement ou par l’impossibilité d’échapper autrement à un grave péril spirituel. Cette obligation n’étant qu’indirecte, son omission ne constitue point une faute spéciale. Il y a simple violation du précepte direct ainsi enfreint. Le confesseur n’aura donc point à interroger directement sur cette omission. Suarez, De caritate, disp. V, sect. iii, n. 3 ; Salmanticenses, Cursus théologies moralis, tr. XXI, c. vi, n. 13, 15 ; Perrone, op. cit., p. 256 ; Lehrnkuhl, Theologia moralis, t. I, n. 322.

g) Dans l’instruction des fidèles et dans la direction des Ames l’on devra fréquemment insister sur la souveraine importance pratique de l’acte de charité, en montrant en même temps comment son fréquent exercice peut se concilier avec toutes les occupations légitimes. S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, t. X, XII.

IV. Acte de charité envers le prochain.

I. sa NATURE SPÉCIFIQUE. — 1° Définition. —C’est l’acte par lequel on aime le prochain par amour pour Dieu surnaturellement aimé. — 1. Cet acte considéré en lui-même n’a rien qui le différencie de l’amour ou de l’amitié naturelle envers nos semblables. Amour provenant de la volonté, il consiste dans l’union affective avec l’objet aimé. Acte de bienveillante amitié, il ne se propose que le bien de l’objet aimé. Mais si le cadre maté* riel de l’acte est le même, son motif est d’un ordre différent. — 2. Ce motif qui constitue la caractéristique de l’acte de charité surnaturelle envers le prochain, n’est autre que le motif de la charité envers Dieu, uni ou voulant s’unir à tous nos frères par une divine amitié. Aimant Dieu pour lui-même et à cause de son infinie perfection, l’on aime conséquemment ceux que Dieu aime et auxquels il communique ou veut effectivement communiquer par la gloire du ciel ou par la grâce sanctifiante une intime participation à sa propre vie, S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. XXIII, a. 5 ; Quæst. disp., De caritate, a. 4, c’est-â-dire tous les hommes sans exception, quelles que puissent être leurs imperfections et même leur dégradation physique ou morale.

— 3. Ce motif de la charité surnaturelle n’écarte point