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CÉRÉMONIES


canon sont essentiellement destinées à la célébration du saint sacrifice, le symbolisme ne s’harmonise donc avec elles qu’accidentellement et par intervalles. Ainsi, même sans entendre les paroles, le peuple qui comprend le sens des cérémonies peut y suivre les principales circonstances de l’histoire de la rédemption. C’est cette histoire que symbolise aussi en la racontant le propre du temps de l’année liturgique depuis l’Avent, figure de l’Ancien Testament, jusqu’au dernier dimanche après la Pentecôte dont l’évangile annonce le suprême avènement du Christ. Elle est symboliste encore en substance par le rite essentiel du sacrifice et du sacrement d’eucharistie. « La forme visible du pain exprime les doux corps du Christ, le corps réel qu’elle exprime et qu’elle contient, le corps mystique qu’elle exprime sans le contenir. De même qu’un seul pain est formé de plusieurs grains de froment et qu’un seul vin est produit par plusieurs grains de raisin, ainsi le corps mystique du Christ se compose de plusieurs membres. » Innocent III, t. IV, c. xxx.

L’autel symbolise le Christ. S. Thomas d’Aquin, Sum. theol., III a, q. lxxxiii, a. 3, ad 2um ; a. 5, ad 2 U °> ; dédicace de la basilique du Saint-Sauveur, 9 novembre, 4e leçon. Sur la croix, en effet, le Christ n’est pas seulement victime et prêtre, mais aussi autel. Par là s’expliquent les cérémonies exceptionnellement longues de la consécration de l’autel, les ornements de l’autel, le respect dont il doit être entouré et les baisers que lui donne le célébrant. Ces exemples permettront de se faire quelque idée du symbolisme des cérémonies.

VII. Influence des Cérémonies.

Les cérémonies ont exercé et peuvent encore exercer une grande influence sur : 1° l’architecture ; 2° la vie d’oraison ; 3° les habitudes religieuses des peuples ; 4° la civilisation.

1 » Sur l’architecture. — Depuis la renaissance du paganisme dans les lettres et dans les arts, les architectes uni trop souvent oublié que les édifices n’ont point comme première fin de réjouir les yeux de ceux qui les regardent, mais de répondre aux besoins de ceux qui les habitent. L’architecture civile comme l’architecture religieuse a glissé sur cette pente fatale qui aboutit à sacrifier le principal à l’accessoire. Taine le fait justement remarquer. Origines de la France contemporaine. Les constitutions révolutionnaires comme les constitutions civiles et religieuses des temps modernes on t été conçues a priori, d’après des principes abstraits de symétrie et d’égalité, sans tenir compte de la nature et des besoins des hommes ; façades plus ou moins riches, toujours absolument régulières, mais qui sont une perpétuelle cause de gène pour ceux dont elles devraient protéger et faciliter la ie. Aussi, quand il est bien posé comme il doit l’être, l’art chrétien est un problème dont la théologie liturgique doit fournir les principales données. Elle ne fournit cependant pas toutes les données du problème, et cela pour deux raisons : la première, c’est que l’architecture en général et chaque style en particulier ont des lois qui sont comme leur grammaire et qu’il faut respecter sous peine de produire des laideurs et des monstruosités ; la seconde, que l’art est un langage qui se refuse à exprimer certaines vérités très abstraites ou d’ordre trop spirituel. Il faudrait donc critiquer l’architecte qui ne demande au théologien liturgiste ni pour quelles cérémonies et quel genre de fidèles une église est destinée, ni ce qu’il est désirable qu’elle symbolise, el aussi | ( > théologien qui, sous prétexte de symbolismes, imposerait à l’architecte soit des formes étranges, comme un temple en forme de’leur, des proportions nuisibles à la solidité- ou à ! i pect de solidité, soii l’expression raffinée de dogmes trop spirituels pour être représentés par des éléments matériels. Le théologien a de grandes facilités pour comprendre mieux que tout autre la langue de l’art chrétien, mais pour être bien parlée, elle exige de longues années d’études théoriques et pratiques qu’il a

dû consacrer aux sciences sacrées. Il doit donc se défier beaucoup de lui-même, ne pas croire facilement être devenu artiste. Comprendre une langue ne suffit pas pour la bien parler, à plus forte raison pour l’écrire et composer de belles œuvres.

Quand la paix fut donnée à l’Église, il fallut construire, pour contenir toute la foule des fidèles, des temples qui ne fussent pas trop indignes des cérémonies augustes de la liturgie, qui en inspirent le respect et en facilitent l’intelligence, comme les cérémonies elles-mêmes inspirent le respect et facilitent l’intelligence des rites essentiels du sacrifice et des sacrements. Aussi, quelle que soit la solution donnée au problème de l’origine des temples e…cliques, on ne peut nier qu’ils ressemblèrent p…s aux basiliques profanes construites pour réunir très souvent des multitudes, qu’aux temples païens destinés seulement de loin en loin aux initiés. II. Marucchi, Les basiliques et églises de Rome, Paris, Rome, 1902, p. 14-32. A. Baumstark a constaté comment le développement liturgique de la messe, préparation et mode de présentation des offrandes, avait amené la modification architecturale de la basilique primitive. Celle-ci, qui n’avait qu’un autel dans une seule abside, s’est transformée en église à triple abside pour satisfaire aux nécessités liturgiques. Oriens christianus, Rome, 1903, t. iii, p. 229-233. Les efforts de l’art chrétien, tentés d’abord timidement dans les catacombes, couvrirent la terre d’admirables monuments : basiliques latines, byzantines (Sainte-Sophie de Constanlinople), lombardes (Saint-Ambroise de Milan), romano-byzantines (Saint-Front de Périgueux, cathédrale d’Angoulème, Saintllilaire de Poitiers), romanes (Notre-Dame de Poitiers, Saint-Benoit-sur-Loire, Saint-Êtienne de Cæn, cathédrale de Cantorbéry, églises Saint-Géréon, des Saints-Apôtres à Cologne), gothiques de tout style, depuis le style Plantagenet à voûtes domicales (Saint-Serge d’Angers, nef de Sainte-Radegonde et cathédrale de Poitiers), le style de l’Ile-de-France (Sainte-Chapelle, cathédrales de Paris, Chartres, Amiens, Le Alans), jusqu’au style Tudor (chapelle de Saint-George de Windsor). Il suffisait d’être habile architecte pour bien cons-Iruire un temple païen ; mais pour être vraiment maitre dans l’art de construire, de meubler et de décorer des églises, il faut connaître, outre les règles de l’architecture, le missel, le rituel, le pontifical, le cérémonial des évêques et ce qu’ils supposent de théologie.

Les édifices sacrés sont aux cérémonies ce que le vêtement est au corps ; les cérémonies ne doivent donc pas avoir à s’y adapter ; ils doivent au contraire être construits pour leur convenir. C’est à l’architecte de les prévoir toutes et dans toutes les circonstances de temps et de personnes où elles doivent s’accomplir.

Une cathédrale doit se reconnaître aux vastes dimensions du chœur, pour y permettre les prostrations des ordinands, à la largeur et à la profondeur des transsepts (Chartres, Reims) pour que les sacres puissent être vus d’un plus grand nombre de fidèles. Les grandes églises paroissiales sont d’autant mieux appropriées à leur destination que de la grande nef très spacieuse, on peut moins voir ce qui se passe dans les nefs latérales et les chapelles rayonnantes, car les fonctions les plus opposées du saint ministère doivent pouvoir s’y accomplir simultanément : baptêmes, enterrements, mariages, catéchismes, confessions.

Les églises qui ont été bâties dans les siècles de foi sont si bien adaptées aux (cérémonies liturgiques, leur raison d’être, que V. Pugin, l’illustre restaurateur de l’art médiéval en Angleterre au ux’siècle, sefaisait fort de prouver par leur architecture méi pie les antiques cathédrales n’avaient pu être construites que par des catholiques pour les cérémonies de l’Église. L’accomplissement parfait de ces cérémonies était le premier idéal de l’architecte. Pans l’architecture, la décoration