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CALVIN

ajouté immédiat. Calvin sortit de Genève le jour même ou le lendemain.

Après un court séjour à Berne pour expliquer à leur point de vue ce qui s’était passé, Farel et Calvin se rendirent à Zurich ; et le synode de cette ville décida qu’il interviendrait auprès de Conseil de Berne pour qu’à son tour celui-ci s’entendit avec celui de Genève Cette démarche eut lieu ; mais, malgré les efforts des députés bernois qui essayèrent de faire rentrer dans la ville Calvin et Farel, le Conseil général confirma la sentence d’exil rendue le mois précédent.

Le courage et l’intransigeance dont il faisait preuve à Genève, Calvin l’exigeait de ses coreligionnaires de France persécutés. Quelques-uns d’entre eux croyaient pouvoir par prudence assister aux cérémonies papistes ; des prêtres, comme Gérard Roussel, qui avaient

« connu l’Évangile », conservaient ou acceptaient des

dignités ecclésiastiques. Calvin les traite les uns et les autres de nicodémites, et leur adresse ces deux lettres-traités, de 1537, en latin : De fugiendis impiorum illicitis sacris et De papisticis sacerdotiis vel administrandis vel abjiciendis.

IV. Calvin à Strasbourg, 1538-1541. — Farel et Calvin se rendirent à Bâle ; Calvin y séjourna deux mois et demi ; puis il alla à Strasbourg, où l’appelaient Bucer, Capiton et Sturm. Le Conseil de la ville l’autorisa à donner des leçons publiques sur l’Écriture sainte, puis à organiser en Église les réfugiés français, au nombre d’environ 1500, que la persécution avait jetés dans Strasbourg. Il en fut le premier pasteur.

Calvin n’oubliait pas d’ailleurs son Église de Genève, comme en témoigne sa lettre du 1er octobre 1538 : A mes bien aimés frères en N.-S. qui sont les reliques de la dissipation de l’Église de Genève, où il exhorte les Genevois demeurés fidèles à persévérer malgré les efforts des méchants. Après son départ, les Conseils de Genève s’étaient empressés d’établir le rite bernois et avaient profité de leur victoire pour administrer plus que jamais, sans ou contre les ministres, les affaires de l’Église. C’est par l’autorité et par la force qu’eux aussi entreprenaient d’implanter la réforme religieuse telle qu’ils l’entendaient. Cependant, les catholiques cachés, un peu moins opprimés, reprenaient quelque espérance, d’autant qu’ils se sentaient soutenus par les partisans de la liberté. C’est cet état d’esprit qui détermina la fameuse démarche du cardinal Sadolet, sa lettre aux Genevois du 18 mars 1539. Calvin y opposa une fort longue réponse, en date du 1er septembre, où, malgré trop de vivacités et d’attaques personnelles, il traita avec une grande richesse de connaissances théologiques et une forte éloquence toutes les questions agitées entre la Réforme et le catholicisme. Cette lettre ne pouvait que grandir encore l’importance de Calvin dans le camp réformé. Aussi fut-il député par l’Église de Strasbourg à la conférence de Francfort, en 1539, aux colloques de Haguenau en 1540, de Worms et de Ratisbonne en 1541. C’est alors qu’il entra en contact avec les hommes et les choses de l’Allemagne, avec Mélanchthon en particulier (Calvin et Luther ne se sont jamais vus) et qu’il s’initia au mouvement général de la Réforme. Il est inutile de faire remarquer l’importance de ce fait, au moment où Calvin allait être rappelé à Genève et en faire cette fois, comme on l’a dit, la Rome du protestantisme.

Calvin ne devait pas rentrer seul à Genève ; il s’était marié au mois de septembre 1540. Son mariage n’est pas un scandale comme celui d’autres réformateurs, de Luther et de Bucer par exemple, puisqu’en le contractant Calvin ne violait aucun engagement sacré. Sa femme, Idelette de Bure, veuve d’un anabaptiste de Strasbourg, que Calvin avait converti, paraît avoir été une fort honnête personne ; Calvin eut la douleur de la perdre au bout de neuf ans (1549) ; il n’avait eu d’elle qu’un fils qui vécut seulement quelques jours.

Cependant le parti au pouvoir à Genève avait sacrifié en partie aux Bernois l’indépendance politique de la ville comme son indépendance religieuse ; aussi plusieurs membres du parti national revinrent-ils à Calvin ; des divisions se produisirent parmi ses adversaires ; l’anarchie où tomba Genève acheva leur défaite. Les élections du commencement de 1540 furent favorables aux amis des ministres bannis. À partir du mois de septembre, ils négocièrent le retour de Calvin ; celui-ci ne céda qu’au bout d’un an (août 1541) à leurs appels réitérés. Le 13 septembre 1541, les registres du Conseil nous apprennent que « Maistre Jehan Calvin est arrivé de Strasbourg ».

V. Calvin à Genève de 1541 a 1555 ; organisation de l’Église et de la cité ; luttes politiques et religieuses ; triomphe de Calvin. — Au moment où Calvin rentrait à Genève, ses idées étaient nettement arrêtées ; âgé de 32 ans, malgré des infirmités prématurées, il se sentait l’avenir devant lui ; il avait compris qu’après tant de révolutions Genève accepterait une sorte de despotisme, pourvu qu’il ne rappelât en rien celui des autorités contre lesquelles elle avait lutté ; il sentait que, par réaction contre les mœurs faciles de l’époque précédente, on accepterait aussi que ce despotisme eût des allures puritaines ; avec cela, il pouvait constituer la cité modèle du protestantisme, non pas sans se heurter encore à de très grandes résistances, mais, de ces résistances, il triomphera.

La première de toutes les œuvres pour lui devait être, en rentrant à Genève, de procéder à la constitution de la nouvelle Église. Il n’y perdit pas de temps ; il était rentré le 10 septembre 1541 ; le 13, il demandait que l’on rédigeât par écrit les ordonnances destinées à régler l’organisation de l’Église réformée de Genève et à assurer la pratique de la vie chrétienne de la part des habitants de la république. Le 16, cette proposition était adoptée par le grand et le petit Conseils et il était convenu que six membres du Conseil s’entendraient avec les ministres ou seigneurs prédicants pour rédiger

« les ordonnances sur l’ordre de l’Église, avec un mode

de vivre, afin de savoir comment un chacun se devra conduire selon Dieu et justice ». Le 20 novembre, le travail était achevé et sanctionné.

« Il y a, dit l’ordonnance, quatre ordres ou espèces

de charges que N.-S. a institués pour le gouvernement ordinaire de son Église, assavoir les pasteurs, puis les docteurs, après les anciens, quartement les diacres. » L’ordonnance détermine les fonctions de ces quatre ordres et spécifie l’appel « au magistrat » pour mettre lin aux controverses doctrinales.

À côté, en dehors, et peut-être faudrait-il dire au-dessus de ces fonctions régulières, Calvin établit une institution qui porte plus spécialement encore l’empreinte de son esprit, et qui était destinée à tenir une grande place dans la société religieuse inaugurée à Genève : c’est le Consistoire.

Le Consistoire, qui n’est plus aujourd’hui que le corps administratif de l’Église, était, sous Calvin, le gardien des ordonnances et particulièrement un tribunal des mœurs. Composé de six pasteurs et des douze anciens. il s’assemblait chaque semaine ; il mandait à sa barre les pécheurs publics ; quant aux fautes cachées « que nul n’amène son prochain au Consistoire » avant d’avoir taché, selon l’ordre de Jésus-Christ, de « l’amener en secret à repentance ». Sera excommunié, c’est-à-dire exclu de la cène, quiconque refusera de se reconnaître coupable et de s’amender ; seront bannis ceux que l’excommunication n’aura pu vaincre ; chaque année, en compagnie d’un ministre, les anciens devaient aller dans les familles exiger des formulaires de foi ; des délateurs subalternes, gardiens de ville ou gardiens de campagne, devaient prendre note des péchés