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CASSIODORE


mense bibliothèque. Ceux de ses disciples qui aspiraient à vivre en anachorètes, trouvaient sur les lianes du mont Castellum, au-dessus du monastère, des cellules isolées, pour y goûter le bonheur de la retraite absolue. Dans le cloître, sous la conduite et à l’exemple de l’abbé, qui n’était autre que Cassiodore, les cénobites se vouaient à l’élude des sciences et des lettres aussi bien qu’aux exercices de la vie religieuse. On ne sait trop quelle règle Cassiodore avait adoptée. On reconnaît tout au moins entre la règle de saint Benoît et celle qui était en vigueur à Viviers, une profonde analogie. Cassiodore, sans doute, fait du travail de l’esprit, et non du travail des mains, le premier, le plus rigoureux devoir de ses moines ; le travail des champs et des jardins est le partage de quiconque ne saurait étudier ou transcrire les manuscrits. Mais, à Viviers et dans les cloîtres bénédictins, même sollicitude affectueuse envers les voyageurs, les pauvres et les malades du voisinage ; même préoccupation du bien-être temporel et spirituel des paysans des terres monastiques ; même culte pour la psalmodie nocturne et quasi perpétuelle, etc.

Après avoir tout disposé et mis en branle, Cassiodore résigna son titre d’abbé et vécut, simple moine, à Viviers. Il y mourut en odeur de sainteté, vers 570 (ou 575, à l’âge de quatre-vingt-treize ans. Le martyrologe romain n’a pourtant pas enregistré son nom.

II. Ouvrages.

Avant et surtout pendant sa retraite à Viviers, Cassiodore a laissé nombre d’ouvrages, qui rclletent moins l’originalité du génie que le savoir encyclopédique de l’auteur, et qui, sans avoir tous survécu, témoignent de son zèle infatigable pour maintenir l’éducation publique et la vie intellectuelle en Italie. On peut les distinguer en : 1° ouvrages profanes ; 2° ouvrages religieux.

Ouvrages profanes.

Le premier en date des ouvrages de Cassiodore est une courte Chronique, Clironicon ab Adanio usque ad annurn 519, P. L., t. lxix, col. 1214-1248, dédiée à Eutharic, le gendre de Théodoric et le mari d’Amalasonthe, consul en 519 pour l’Occident. On dirait, d’après le titre, une chronique universelle. En réalité, ce n’est qu’une liste des consuls de Rome, avec une préface qui rattache la liste à la création du monde. Cassiodore y met d’abord à profit des travaux antérieurs, notamment ceux d’Eusèbe, de saint Jérôme et de saint Prosper ; mais, à partir de 496, il ne puise plus que dans ses souvenirs personnels. Tout respire le désir de réconcilier la race victorieuse et la race vaincue.

Le même esprit animait un autre ouvrage bien plus étendu et plus important, De origine actibusque Getarum sive Golhorum. Cette histoire des Goths en XII livres, écrite sur les instances du roi Théodoric, entre 526 et 533, ne nous est pas parvenue. Nous n’en avons qu’un abrégé très imparfait par l’Alain Jornandès (551), P. L., t. lxix, col. 1251-1296, réédité par Momm-Ben, Monumenla Germaniæ. Auct. antiquits., t. v, p. 53-138. Des panégyriques de Cassiodore en l’honneur « des rois et des reines des Goths », il ne nous reste que des fragments suspects.

l’ar contre nous possédons, sous le titre de Varia (epistolœ), le recueil, en XII livres, des ordonnances que Cassiodore avait rédigées, soit comme questeur ou magislcr officiorum, au nom de Théodoric et de ses successeurs, soit comme préfet du prétoire, en on propre nom. P. L., t. lxix, col..7)1-880. Ce recueil, dont l’intérêt historique saute aux yeux, contient environ quatre nuis pièces. L’auteur le publia, entre 534 et 538, à la prière de ses amis. Les digressions auxquelles il s’abandonne sur toute sorte de terrains, but ceux de la politique, ( ! > la Bcience, de l’art, voire des arts mécaniques, ne datent probablement, du moins en grand" partie, que de la publication du recueil.

A quatre-vingt-treize ans, Cassiodore écrivait encore,

sur la demande et pour les besoins des moines de Viviers, un traité De orthographia, P. L., t. lxx, col. 12391270. Pure compilation, sans ordre systématique.

M. Holder a retrouvé en 1877, dans la bibliothèque de Carlsruhe, un fragment important d’une page à peine, débris d’un opuscule de Cassiodore, aujourd’hui perdu et qui renfermait, avec une généalogie de l’auteur, le catalogue de ses œuvres et celles de ses amis. Voir Usener, Anecdolon Holderi, Bonn, 1877 ; cf. Boèce, col. 920.

Ouvrages religieux.

L’opuscule De anima, P. L., t. lxx, col. 1279-1308, qui suivit de très près les Variée, semble comme un pont jeté entre les deux phases de l’activité littéraire de Cassiodore. Le vieil homme d’État, devenu philosophe, sans cesser d’être un esprit pratique, y étudie la nature de l’âme, qu’il tient pour immatérielle, puis les vertus de l’âme, son origine, son siège ici-bas et son immortel avenir. L’influence de saint Augustin et de Claudien Mamert est partout visible. En plus d’une page et spécialement vers la liii, Cassiodore laisse percer ses aspirations à la vie contemplative dans le silence du cloître. D. de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, Paris, 1695, p. 351-361, a vengé son héros du soupçon d’avoir reculé au jour du dernier jugement la vision béatifique des élus et les souffrances de l’enfer.

Les Instilutiones divinarwm et sœculariuni lectionum ou litterarum, publiées en 544, furent le premier fruit de la retraite de Cassiodore à Viviers. L’auteur, imprégné de la lecture du traité de saint Augustin, De doctrina christiana, P. L., t. xxxiv, col. 15-122, proclame l’union de la science sacrée et de la science profane, pour former un enseignement complet et véritablement chrétien. Faute de pouvoir appliquer ces idées à Rome, comme il l’avait rêvé, il voulait du moins, en les consignant par écrit, laisser dans une certaine mesure un maître et un guide aux moines de Viviers. L’ouvrage se compose de deux livres. Le I er, P. L., t. lxx, col. 11051250, dont Richard Simon, Hist. critique du Vieux Testament, t. III, c. x, Rotterdam, 1685, n’a pas contesté le mérite, nous offre une introduction à l’étude de la théologie, partant à celle de l’Écriture sainte sur laquelle la théologie repose, en même temps qu’un catalogue des ouvrages latins ou traduits en latin, nécessaires à l’acquisition de la science théologique. Le II" livre, qui, dans la plupart des éditions, porte son titre spécial, De artibus ac disciplinis liberalium litterarum, P. L., t. lxix, col. 1IÎ9-1220, n’est qu’un résumé concis, pour l’éducation générale des moines peu lettrés, des sept arts libéraux, grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, musique, géométrie, astronomie.

En écrivant ses Instilutiones, Cassiodore avait déjà sur le métier son volumineux commentaire des Psaumes, Complexiones in Psalmos, P. L., t. lxx, col. 9-1056, qu’il ne termina que longtemps après. Il s’y est inspiré surtout des Enarrationes de saint Augustin, son maître préféré, non sans puiser aux autres sources que lui ouvrait son érudition. Il y explique toujours plusieurs versets à la fois ; d’où le titre de l’ouvrage. La large place réservée à l’exégèse allégorique, au sens mystique des nombres et aux figures de rhétorique dont les Psaumes fourmillent, fait l’originalité et l’intérêt de ce travail. Notker le Bègue, De interpret. div. Script., c. il, P. L., t. cxxxi, col. 995, y retrouve toute la sagesse du siècle et loue la douceur et la variété du style.

Les Complexiones in Epislolas et Acta apostolorum et Apocalypsin, P. L., t. lxx, col. 1321-1418, datent aussi de Viviers. Malgré la mention que l’auteur en a faite dans la préface de son traité’De orthographia, n. 6, cette explication courte et claire des Épltres, des Actes et de l’Apocalypse de saint Jean est restée inconnue du moyen âge. Scipion Maffei l’a retrouvée dans la bibliothèque du chapitre de Vérone et publiée pour 1 ?, première fois à Florence, en 1721. Le commentaire