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CALIXTE III


voire même allait au 100 p. 100. Card. J.-B. de Luca, De usuris et intéresse, dise. VI, n. 1. Aussi déjà au moyen âge et plus tard, sous l’influence des lois ecclésiastiques et civiles, qui interdisaient sévèrement l’usure, vit-on peu à peu se substituer au prêt à intérêt d’autres modes d’utiliser l’argent, comme le cens, le contrat de compagnie ou de société. Toutefois, dans le contrat du cens (nous ne parlons que du cens consignatif ou désignait), l’acheteur donne une somme au vendeur, qui doit en retour lui payer une pension annuelle : n’y avaitil pas là plus qu’une analogie avec le prêt à intérêt ? Aussi les docteurs du temps, moralistes et canonistes, en France, en Espagne, en Pologne, discutaient-ils beaucoup sur la légitimité de ce contrat ; et un certain nombre, Henri de Gand, Hottomann, Jean André, Innocent, Antoine de Butrio, et d’autres, cités par Schmalzgrueber, t. V, tit. xix, n. 166, ne voyaient dans le cens consignatif réel qu’un prêt usuraire mal déguisé. Et si le désaccord existait déjà à propos du cens désignatif réel, il s’accentuait fortement au sujet du cens personnel, voir Lessius, loc. cit., dub. iv ; de Lugo, loc. cit., disp. XXVII, sect. ii, n. 22 sq. ; Villalobos, loc. cit., tr. XXIII, diffic. 2 ; et célèbre fut en Allemagne la discussion entre théologiens et canonistes sur la licéité du cens personnel avec hypothèque. J.-B. de Luca, De censibus, dise. XXXII, n. 8.

Sur ces entrefaites, en 1414, se réunit à Constance le concile, qui mit fin au grand schisme d’Occident par l'élection du pape Martin V en 1417. Les Pères du concile se préoccupèrent de la question du cens ; ils la traitèrent cependant en dehors des sessions conciliaires. Et ce ne fut pas seulement la question de la quotité de la renie permise qui fut discutée à Constance, mais bien la question de droit naturel. Le cens était-il, oui ou non, un contrat licite au point de vue du droit naturel ? Après mûr examen, les Pères du concile se prononcèrent pour la licéité du contrat. Mais ce jugement n’a pas la portée d’un acte, d’un décret conciliaire, puisqu’il n’a pas été rendu dans une session régulière du concile. Après cette décision, il y eut un moment de calme, qui ne dura guère.

En effet, en 1425, sept ans à peine après le concile de Constance, la controverse reprit, moins sur la question de fond, résolue au concile, que sur la quotité de la rente permise. Et sous prétexte d’usure, un certain nombre de débiteurs refusaient de payer les arrérages, au grave préjudice des créanciers, ecclésiastiques ou civils. C’est alors que le pape Martin V intervint, et par la constitution Regimini, en 1425, c. i, t. III, De empt. et vendit., tit. v, Extravag. com., déclara légitime le cens consignatif, rachetable au gré du vendeur, et fixa le 10 p. 100 en moyenne comme quotité de la rente annuelle. En 1452, Nicolas V, second successeur de Martin V, à la demande d’Alphonse I er, roi des Deux-Siciles, par une bulle spéciale, const. Sollicitudo pastoralis, étendit à ce royaume la disposition de son prédécesseur, relative à la quotité de la rente annuelle (le 10 p. 100 en moyenne) ; et ainsi, remarque le cardinal de Luca, loc. cit., dise. XXXII, n. il, approuva implicitement la licéité du contrat lui-même. Tamburini donne un commentaire dél lillé de cette constitution. L. IX, tr. II, De censibus, c. v, n. 2 ; c. vi. Cf. S. Alphonse de Liguori, De contract., n S', :, .

Malgré toutes ces décisions pontificales, certains esprits ne se montraient pas satisfaits. Principalement en Allemagne, ceux qui jusqu'à présent avaient douté de la légitimité des contrats censuels étaient loin de s’avouer vaincus. Dans de telles conjonctures, rien d'étonnant de voir la discussion renaître. Elle (ut vive en Allemagne, surtout dans quelques diocèses. Pour mettre fin à i malheureuse querelle, qui engendrait un malaise génétal, parce qu’elle avail une répercussion Gâcheuse sur la direction des ron'-ricnrr’s et sur les affaire ! ellesmêmes, lévêque de Mersebourg (Haute-Saxe) avec son |

clergé recourut au souverain pontife, lui exposa dans une supplique l'état de la question et lui demanda une décision. C’est pour répondre à cette supplique que Calixte III, en 1455, publia la bulle Regimini. Comme l’indique l’inscription historique, lnscript. Iiist., c. ii, t. III, tit. v, Extravag. com., édit. Friedberg, elle fut adressée aux clergés de Magdebourg, de Nuremberg et d’Halberstadt. (Mersebourg était un évéché suffragant de Magdebourg.)

VII. Conditions du contrat du cens approuvé par cette constitution. — Dans cette constitution, le pape expose d’abord le cas soumis à son jugement. Il s’agit dans l’espèce d’un contrat censuel passé dans certaines conditions que nous indiquons, en tenant compte de la const. Regimini de Martin V, qu’elle confirme :

1° Celui qui vend la rente ou plutôt s’en charge, désigne quelque maison, ou possession, ou quelque autre bien productif, sur lequel la dite rente est fondée, constituée : Ma ex domibus… ef/icaciler obligantes. Il s’agit donc d’une rente consignative réelle, ou d’un contrat par lequel moyennant une somme convenable versée, le crédi-rentier acquiert le droit à une pension annuelle, constituée sur un bien productif du vendeur (débi-rentier).

2° La seule chose désignée et spécifiée dans le contrat demeure obligée et hypothéquée pour la rente, et non pas les autres biens ni la personne : illæx domibus…, prœdiis… quæ in hujusmodi contractibus expressa fuerunt…, efficaciter obligantes.

3° Celui qui achète ou constitue la rente doit payer un prix juste, qui peut varier selon les époques, nous dirions aujourd’hui selon la valeur du loyer, de l’argent, du taux de l’intérêt : certum competens pretium…, secundum temporis qualitatem.

4° L’acheteur doit payer immédiatement, argent comptant, en espèces, in numerata pecunia.

5° Celui qui se charge de la rente peut la racheter en toutou en partie, quand il lui plaira ; in illorum voidentium favorem hoc adjecto, quod ipti pro rata, qua hujusmodi per eos veceptam dictis emenlibus restituèrent intotovel in parte pecuniam, a solutione redituum seu censuum, hujusmodi restitutam pecuniam contingentiunt, liberi forent penitus et immunes. C’est aussi ce qu’indique le sommaire : Contractum quemdam emplionis et venditionis, præcedenli similem. Summar., c. il, t. III, tit. v, Extravag. com. Or le précédent, approuvé par Martin V, était un contrat de cens consignatif réel, avec faculté pour le débiteur de se libérer en tout ou en partie quand il lui plairait. C. i, t. III, tit. v, Extravag. com.

6° Celui qui constitue la rente (le crédi-rentier ou l’acheteur) ne peut pas obliger l’autre (le débi-rentier ou le vendeur) à racheter la rente en tel temps ou quand il lui plaira ; cette condition est clairement indiquée dans la constitution de Martin V : Sed ad hoc hujusmodi vendentes inviti nequaquam per emptorcs arclari vel adstringi râlèrent. C. I, t. III, tit. V, Extravag. mm.

7° Si le bien hypothéqué périt en tout ou en partie, la rente se perd également, ou subit une réduction proportionnelle ; les acheteurs ou crédi-rentiers n’ont pas le droit de recourir aux tribunaux pour recouvrer la somme qu’ils ont donnée comme prix : Sed iidem émeutes, etiamsi bona, domus, terr.r, agri, possessiones et hxreditates hujusmodi, processu temporis <nl omwimodiB destructionis sive desolationis reducerentur <> ; >probrium, pecuniam ipsam etiam agendo repelere non valerent.

8° La rente ne doit pas excéder le revenu du bien hypothéqué', et régulièrement les arrérages sont payables chaque année : annuos… redilui seu census vendentes.

vin. Valeur juridique de la décision du pape ta

. — Dans cette constitution, Calixte Ml déclare qu’un

contrat censuel, fait dans ces condition*, est licite, et