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pseudo-Ignace. Ad PMI., P. G., t. v, col. 937. Or, en dehors de ces témoignages il ne reste rien. Tertullien fait même clairement entendre que le jeûne quadragésimal n’existait pas de son temps, quand il reproche aux psychiques de n’ohserver que le jeune de Pâques et quelques autres demi-jeûnes pendant que les montanistes jeûnaient plusieurs semaines. La Didascalie des apôtres donne la même impression. On sait que les Constitutions apostoliques sont un remaniement de cet Ouvrage, vers la fin du IVe siècle. Or, pendant que les Constitutions apostoliques mentionnent le carême, en même temps que le jeûne de la semaine, la Didascalie, qui traite si longuement du jeûne de la semaine sainte, ne fait pas la moindre allusion au jeûne quadragésimal. C’est donc sans aucun fondement historique qu’on a attribué aux apôtres l’institution du carême.

Les Canones Hippolyti, que nous lisons dans Duchesne, Origines du culte chrétien, 2e édit., p. 505-521, d’après l’édition d’Achelis, Texte und Untersuchungen, t. VI, fasc. 4, p. 38 sq. ; la Constitution apostolique égyptienne, en copte, dont M. Achelis a donné une version allemande, op. cit. ; le Testamentum D. N. J. C, que M’J r Rahmani a publié récemment, Mayence, 1899, ne modifient aucunement cette conclusion. L’âge de ces divers ouvrages et leur dépendance naturelle sont difficiles à déterminer. Voir là-dessus Achelis, op. cit., et Realencyclopàdie, 3e édit., 1896, t. 1, p. 737 ; Duchesne, op. cit., p. 504 ; dom Morin, Revue bénédictine, 1900, p. 241 ; Mo r Rahmani, op. cit. ; M9 r Batiffol, Canons d’Hippolyte d’après des travaux récents, dans la Revue biblique, t. x (1901), p. 252 ; Le Testament du Seigneur, ibid., t. ix (1900), p. 253 ; Funk, Das Testamentum unscres Hernn und die verwandten Schriften, Mayence, 1901. Les critiques qui reportent les canones Hyppolyti au in # siècle les considèrent comme interpolés ; M. Funk les fait descendre beaucoup plus bas, jusqu’au Ve siècle. C’est encore à la même date que Funk fixe l’apparition du Testamentum D. N., I. C, tandis que Mo r Rahmani le fait remonter jusqu’au iiie siècle. Selon Funk, les Canons d’Hippolyte dépendraient de la Constitution apostolique égyptienne ; d’après Achelis, ce serait la Constitution apostolique égyptienne qui serait dans la dépendance des Canones Hippolyti. En raison de telles divergences, il est impossible de trouver dans les textes fournis par ces divers écrits un argument qui ruine la conclusion d’autres ouvrages mieux datés. Le jeûne pascal n’y est d’ailleurs signalé qu’en termes peu explicites : les Canones Hippolyti s’expriment ainsi : Diebus jejunii qui constituti suul in canonibus, feria quart a et sexta et quadraginla… Can. 20, n. 154, Duchesne, p. 51 i.IlebdomasquaJudœiPaschaaQunlabornni populosummo cum studio observetur, caveantque imprimis ut illis diebus jejuni maneant ab omni cupiditate, etc. Cibus autem qui tempore Ilâir/a convenit ut panis cum solo sale et aqua. Can. 22, Duchesne, n. 195, 197. Dans le système de Funk, le mot quadraginla n’olfre aucune difficulté ; il a trait aux quarante jours du carême, qui vers 400 était en pleine vigueur. Dans le système d’Achelis et de Duchesne, quadraginla serait une interpolation. La semaine pascale dont il est ici question marque en tout cas une relation étroite entre 1rs Canones Hippolyti et la Didascalie îles apôtres transformée en Constitutions apostoliques vera la fin du iv siècle. La Constitution apostolique égyptienne, can. 55, dans Achelis, p. 115-116, mentionne la Paque et deux jours de jeûne. Il s’agit évidemment ici des deux premiers jours de la semaine sainte, où un jeûne strict était obligatoire. On peut supposer avec Funk, que cette mention n’excluait pas peur le reste de la semaine un jeûne moins sévère. Dans le Testamentum D. N..I. C, le jeûne y est mentionné à plusieurs reprises, mais d’une fæon, -isseI. vague : Paschæ solalio fiai medui nocle, qux sequitur sabbalum, t. II, n. 12,

p. ô. Diebus Paschæ prmsertim ultimis, (nempe) feria sexta et sabbalo, die noctuque fiant lot orationes quot cantica, n. 18, p. 139. Jubeat episcopus proclamari ne quis quidpiam gustet, donec sacrificium expletum fuerit (nuit de Pâques) et nniversum Ecclesiæ corpus novam escam suscipiat, n. 20, p. 141. Si mulier prægnans œgrotet et nequeal observare jejunium illis duobus diebus, jejunet altéra die, sumatque in prima panem et aquam. Ibid., p. 143. Ce dernier passage est à comparer avec la Constitution apostolique égyptienne, can. 55, dans Achelis, p. 115-116. Le Testamentum insiste donc sur les deux derniers jours du jeûne pascal. Son texte n’est pas incompatible avec un jeûne moins strict pour le reste de la semaine. Selon Ma r Rahmani, op. cit., p. 204-205, l’auteur ne connaît pas de jeûne proprement quadragésimal ; les quarante jours de Pâques dont il parle indiquent la durée de la préparation immédiate des catéchumènes au baptême. Dans le système de Funk, il importe peu que les quarante jours soient consacrés par le jeûne, parce que le carême était en vigueur à peu près partout aux environs de 400. Fn toute hypothèse, on n’aurait aucune preuve que le jeûne quadragésimal fût antérieur au IVe siècle, à plus forte raison qu’il remontât aux apôtres.

IL Deuxième période (iv-vie siècles). — On ne connaît pas de document qui mentionne le carême avant le iv c siècle. Le 5e canon du concile de Nicée (325) recommande aux évêques de tenir deux synodes par an pour régler le sort des excommuniés, et marque la date du premier avant la quarantaine, 7tpo ty]ç Tsa-a-apâxoor ?] ;. On n’indique pas en quoi consistent les exercices de cette période de l’année ecclésiastique. Ainsi que l’a observé Ms r Duchesne, la quadragésime fut considérée « d’abord plutôt comme temps de préparation au baptême ou à l’absolution des pénitents, ou encore comme saison de retraite, de récollection pour les fidèles vivant dans le monde. Parmi les exercices de ces semaines sacrées, le jeûne avait naturellement une place importante, mais qui différait beaucoup d’un pays à l’autre » . Origines du culte chrétien, 2e édit., p. 232.

Le chiffre de « quarante » fut évidemment inspiré par le souvenir de la quarantaine du Sauveur dans le désert. Mais deux questions se posèrent dès l’abord pour la pratique : 1° Comment combiner cette quarantaine avec la semaine sainte, avec « le jeûne de Pâques » , déjà existant ? 2° Fn quoi devait consister le jeûne quadragésimal ? A ces questions les Églises chrétiennes répondirent diversement.

A Antioche et dans toutes les Eglises qui subirent son influence on ne comprit pas la semaine sainte dans la quarantaine ; on les juxtaposa, on les coordonna l’une à l’autre. Saint Jean Chrysostome le donne à entendre dans une de ses homélies sur la Genèse. « Voici, dit-il, que nous sommes enfin arrivés à la fin de la sainte quarantaine et que nous avons achevé la navigation du jeûne et que grâce à Dieu nous touchons au port… Maintenant que nous sommes parvenus à la grande semaine il nous faut forcer plus que jamais la course du jeûne. » Homil., xxx, in lien., 1, P. G., t. lui, col. 273. Les Constitutions apostoliques, qui sont de la tin du rve siècle et qui représentent les usages de la Syrie, marquent plus nettement encore la distinction des deux périodes :.< Après le temps de l’Epiphanie il faut observer le jeûne du carême… Mais que ce jeûne soit célébré avant le jeûne de Pâques… Ce jeûne fini, commence la semaine sainte de Pâques, pendant laquelle vous jeûm-rez tous avec crainte et

tremblement, » L. v, c. un, P. g., t. i, col. 860 sq.

Ce qui caractérise l’usage de l’Eglise d’Antioche et des Eglises d’Orient eu général, ce n’est pas tant la distinction établie entre le carême et la semaine de Pâques, que la durée de ces deux périodes. Sozomène déclare que l’Église de Constantinople et les nations qui l’avoi-