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CARACTÈRE SACRAMENTEL


patrislique et ne pouvait se démontrer que par l’autorité de l’Église, c’est-à-dire par le décret d’Innocent III, mais de cette opinion à la thèse protestante, il y a visiblement fort loin. Les théologiens précités ne taxent point l’enseignement d’Innocent III d’innovation dogmatique ; ils y adhèrent tous ; ils y voient même une détermination, c’est-à-dire une définition doctrinale, et s’ils font des réserves sur la valeur de la preuve scripturaire ou patristique, elles montrent simplement qu’à leurs yeux les vérités révélées confiées au magistère de l’Église ne sont pas toutes contenues dans les Livres saints ou dans les écrits des Pères. Au reste, la masse des théologiens de l’époque précédente a ignoréces réserves. Cinquante ans avant Scot, saint Thomas témoignait que l’existence du caractère était admise de tous : Omnes moderni confitentur, In IV Sent., t. IV, dist. IV, q. I, et un demi-siècle avant saint Thomas lui-même, Guillaume d’Auxerre (1223) avait écrit sur ce sujet dans sa Somme, t. IV, des pages si précises qu’on est fondé à se demander s’il ne s’est pas inspiré de travaux antérieurs. Cꝟ. 0. Laake, Vber den sakramentalen Charakter, Munich, 1903, p. 58-105.

Quoi qu’il en soit, on peut l’affirmer en toute certitude : l’enseignement d’Innocent III n’était que le prolongement de la tradition des premiers âges de l’Église. Tous les principes sur lesquels reposent le dogme et la théologie du caractère sacramentel avaient été exposés au Ve siècle par saint Augustin dans ses écrits contre les donatistes et il est à remarquer que le saint docteur s’appuie non sur la foi de la seule Église d’Afrique, mais sur celle de l’Église catholique. De baptismo, t. VI, c. i, P. L., t. mu, col. 197. Voir t. i, col. 2417-2418. Et en effet, moins les développements et les précisions que n’exigeait alors aucune polémique, la doctrine des Pères grecs et latins du ive siècle est identique à celle d’Augustin. Il est même possible de remonter jusqu’au IIe siècle le courant traditionnel, malgré le peu de monuments qui nous restent de l’époque apostolique. Cela seul suffit à établir que la présente doctrine était contenue dans la prédication des apôtres ; mais les Épitres de saint Paul fournissent à cet égard des indications qui deviennent saisissantes lorsqu’on les rapproche de la tradition des siècles suivants. Ces différents points se prouvent comme il suit.

1 » Les donatistes reconnaissaient avec toute l’Église que le baptême, la confirmation et l’ordination, une fois validement reçus, ne pouvaient pas être réitérés, mais ils niaient qu’on pût les administrer ou les recevoir validement au sein du schisme ou de l’hérésie. A leurs yeux, le baptême, c’était surtout de ce sacrement qu’il s’agissait, était nul si le baptisé ne recevait pas la grâce du Saint-Esprit. Or, disaient-ils après saint Cyprien, ceux qui sont séparés de l’Église sont, par le fait, séparés du Saint-Esprit ; donc leur baptême est nul et doit être réitéré. S. Augustin, De baptismo, t. III, c. xin sq. P. L., t. mu, col. 148 sq. ; t. V, c. xxiii, n. 33, col. 194 ; cꝟ. t. VI, c. i, col. 197. L’évêque d’Hippone fut donc amené à expliquer pourquoi le baptême et les deux autres sacrements, une fois conférés sous le rit voulu, ne pouvaient jamais être réitérés, étaient valides niéiiie quand ils ne produisaient pas la grâce.

1. Le baptême, conféré en dehors de la communion catholique, dit le saint docteur, est un vrai baptême, mais il est illicite, De baptismo, t. I, c. ni, iv ; et celui qui le reçoit ainsi sciemment n’en tire point de profit, C. v, n. 7, mais s’il entre dans la communion de l’Église, on ne doit point le rebaptiser : par le fait de son retour à l’unité’, l’effet de rémission des péchés sera produit en lui par le sacrement qui ne pouvait lui être utile tant qu’il était dans le schisme, c. xii.

2. Comment le baptême peut-il exister sans conférer la sanctification du Saint-Esprit ? C’est que, d’après saint Augustin, parmi les eflets du baptême, il en est un qui

se produit indistinctement chez les bons et chez les méchants, donc, indépendamment de la grâce qui n’est reçue que par les bons. Cum ergo aliud sit sacramentum quod eliam Simon Magus habere potuit ; aliud operatio Spiritus quse in malis etiam hominibus fteri solet, sicut Saul habuit prophetiam ; aliud operatio ejusdem Spiritus quant nisi boni habere non possunt… quodlibet hæretici accipiant, charitas quse. cooperit nndtitudinem peccatorum, proprium donum est catholica unilatis, t. III, c. xvi, col. 149. Plus loin, t. V, c. xxiv, col. 193, il s’explique, s’il est possible, plus clairement encore, à propos du texte, Gal., iii, 27 : Quicumque in Christo baptizati estis Christum induislis. lnduunt autem liomines Christum aliquando usque ad sacramenti perceptionem, aliquando et usque ad vilse sancti ficationem ; atque illUd primum et bonis et malis potest esse commune, hoc altcrum proprium est bonorum et piorum. Et pour achever la réfutation des donatistes, il les enferme dans le dilemme suivant : Quapropter, si baptisma sine Spiritu esse non potest, habent et Spiritum hæretici, sed ad perniciem, non ad salutem, sicut habuit Saul… Si autem non habent avari Spiritum Dei et tamen habent baptisma, potest esse sine Spiritu baptisma. lbid.

Or, cet effet, commun aux bons et aux méchants, n’est pas seulement indépendant de la grâce, il est permanent et indélébile ; ainsi l’on peut dire que le baptême persiste après avoir été donné : ceux qui l’ont reçu le gardent, il demeure en eux, il inhère à leur âme : c’est pourquoi il ne peut plus être répété. Saint Augustin ne se lasse pas de répéter cette doctrine ; ainsi, De bapt., t. VI, c. ix, n. 14, P. L., t. xliii, col. 201 : Si non esset baptisma unum et verum nisi in Ecclesia, non utique esset in eis qui ab unitate discedunt. Est autem in eis, nam id non recipiunt redeuntes non ob aliud nisi quia non amiserant recedentes. Et ailleurs prenant comparaison du signe corporel, stigma, dont on marquait autrefois les soldats, il écrivait, Cont. epist. Parmen., t. II, c. xiii, n. 29, P. L., t. xliii, col. 72 : An forte minus hærent sacramenta christiana (baptême et ordination dont il est question au n. 28), quant corporalis hsecnola cum videamus nec apostalas caret < baptismale, quibus ulique per pœnitenliam redeuntibus non restituitur, et ideo amitti posse non judicatur ? Il n’en est pas ainsi de l’imposition des mains, accompagnée de la prière, qui constitue le sacrement de pénitence : Manuum autem impositio non sicut. baptismus, repeli non potest. Quid est enim aliud nisi oralio super homine ? De bapt., t. III, c. XVI, col. 149. Le baptême se distingue donc, d’après saint Augustin, des sacrements purement transitoires ; il n’est pas seulement permanent au sens qu’une fois conféré, il est toujours vrai qu’il a été conféré, mais il laisse dans le baptisé une trace ineffaçable. Voir col. 204-206.

4. D’ailleurs, outre le baptême, deux autres sacrements possèdent cette propriété spéciale. Il y a d’abord le sacrement du chrême ou de la confirmation : Sacramentum chrismatis in generc visibilium signaculorion sacrosanctum est sicut ipse baptismus, sed potest esse et. in hominibus pessimis. Cont. litt. Petit., t. II, n. 239, P. L., t. xliii, col. 342. Il y a en outre l’ordination : Episcopi redeuntes ex schismate non rurtus ordinati sunt, sed sicut baptismus, in eis ita ordinalio mansit intégra, et quand même ils ne sont pas replacés à la tête de leurs églises, non eis ipsa ordinationi » sacramenta delrahuntur, sed marient super eos. Cont. litt. Parmen., t. III, c. XIII, n. 28, col. 70 ; cf. De bapt., I. I, c. i, n. 2, ibid., col. 109.

5. Mais enfin, en quoi consiste donc cet effet singulier de ces trois sacrements ? Saint Augustin en donne une double idée. Le baptême et l’ordination, dit-il, sont une sorte de consécration : utrumque sacramentum est et