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CANON DES LIVRES SAINTS

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Les écrits apostoliques formaient donc alors dans toutes les Églises une collection qui était mise sur le même rang que l’Ancien Testament ; mais l’étendue de cette collection n’était pas encore partout identique, f.es quatre Évangiles, les Actes des apôtres, treize Épitres de saint Paul, la I re de saint Pierre et peut-être les trois de saint Jean étaient reçus partout. L’Épitre aux Hébreux faisait partie du recueil des Épîtres de saint Paul à Alexandrie ; Tertullien l’attribuait à saint Barnabe. La IIe Épitre de saint Pierre était reçue à Alexandrie et probablement aussi à Antioche. La lettre de saint Jude était plus répandue et on la tenait pour un écrit apostolique à Alexandrie, à Rome et en Afrique. Celle de saint Jacques ne se trouve qu’à Alexandrie. A Rome, Caius discute l’Apocalypse, reçue partout ailleurs comme propbétie et comme œuvre de l’apôtre saint Jean. Mais à côté des livres canoniques, on trouve alors cités et employés un grand nombre d’apocrypbes, considérés comme tels, et d’autres écrits, traités en certains lieux comme Ecriture, mais plus tard délinilivement exclus du canon. Clément d’Alexandrie, en particulier, faisait un fréquent usage des apocryphes. Il connaissait les Évangiles des Égyptiens et des Hébreux, les Actes de Jean, les Traditions de Matthias, la Prédication et l’Apocalypse de Pierre. Mais il ne recevait pas ces ileux Évangiles apocryphes à l’égal des canoniques ; il ne désigne jamais comme Ecriture la Prédication de Pierre qu’il cite souvent, liien qu’il reconnaisse comme inspirée l’Apocalypse de Pierre, il accorde cependant un plus grand crédit à l’Apocalypse de Jean qui est pour lui la révélation par excellence. Il cite fréquemment le Pasteur et n’a aucun doute sur son inspiration ; il emploie aussi l’Épitre de saint Clément et appelle son auteur un apôtre ; et il analysait la 11° lettre dans ses Hypoly poses. Il s’est inspiré aussi de la Didachè. Mais i |i ment n’est pas un fidèle témoin de la tradition de l’Eglise d’Alexandrie. Sa prédilection personnelle pour les apocrv plies l’a amené à citer des écrits que son Église ne recevait pas. Celle-ci n’employait officiellement que le Pasteur, la I re Epitre de Clément, l’Épitie de Barnabe et la Didachè. Dausch, op. cit., p. 3338. L’évéque de Rome, peut-être saint Victor (189-198), qui a écrit le traité De alcatoribus, 4, P. L., t. IV, col. 830, allègue le Pasteur comme Ecriture divine et cite la Didachè au milieu de témoignages empruntés à saint Paul. S.iint Irénée, Cont. hær., iv, 20, P. G., t. vii, col. 1032, cite aussi le Pasteur comme Ecriture. Il estimait l’épître de saint Clément aux Corinthiens, mais il ne la plaçait pas avec les Écritures, iii, 3, col. 850. Tertullien, encore catholique, était favorable au Pasteur d’Hermas et ne blâmait pas ceux qui admettaient son inspiration, De orat., 16, P. L., t. I, col. 1171 ; mais devenu montaniste. il le traite d’apocryphe et affirme que l’Eglise catholique le tenait alors pour apocryphe, en vertu, semble-t-il, d’une déclaration officielle et récente. De pudicilia, 10, P. L., t. ii, col. 1000. Tertullien n’admettait pas non plus l’autorité des Actes de Paul et de Thècle. L’auteur du canon de Muratori parait, lui aussi, oppose’- au Pasteur. Il fait ressortir son origine récente et s’il permet de le lire, il déclare qu’on ne doit pas l’employer, dans les réunions publiques de la communauté, avec 1rs prophètes dont le nombre est clos, ni avec les apôtres. Il réprouve deux lettres fausnt attribuées à saint Paul. Au rapport d’Eusèbe, II. /.’., vi, 12, /’.’.., I. xx, col. 545, l’évéque d Antioche, Sérapion (vers 190-210), trouva dans la ville de Hossos l’Évangile de Pierre entre les mains des chrétiens ; croyant ceux-ci orthodoxes, il leur permit de lire cet apocryphe ; mais averti qu’ils étaient suspects d’hérésie, il le lui et le condamna a cause des erreurs qu’il reconnut. Saint Denys de Corinthe, dans une lettre au pape Soter, dit que son Kglise lit régulièrement la lettre de saint Clément et qu’elle lira désormais publiquement

la lettre qu’elle a reçue de l’Église romaine. Eusèbe, II. E., iv, 23, P. G., t. xx, col. 388. En résumé donc, les apocryphes proprement dits, qui constituent la littérature pseudo-apostolique, sont rejetés à peu près universellement. Seuls, des livres écrits par des chrétiens connus ou inconnus dans un but d’édification sont encore regardés en certains milieux comme Écriture divine et même sont lus publiquement dans quelques Églises. Toutefois, le crédit de quelques-uns, notamment du Pasteur, est déjà en décadence, et tous finiront par être définitivement exclus du canon au cours du IVe siècle. A. Hilgenfeld, Novum Testamentum extra canonem receptum, Leipzig, 1866, a édité et annoté ces livres qui ont passé longtemps pour inspirés.

L’hérésie montaniste a favorisé ce triage entre les Écritures canoniques et les apocryphes. Ses partisans ne rejetaient aucun livre de l’Ancien ou du Nouveau Testament ; mais ils y ajoutaient de nouvelles prophéties, qui devaient former le Testament du Saint-Esprit ou du Paraclet. Les catholiques furent donc amenés à leur opposer la véritable notion de la révélation chrétienne qui avait été parachevée par Jésus-Christ et les apôtres. Il en résulta pour le Nouveau Testament que tout écrit qui n’était pas garanti par l’autorité apostolique, devait être exclu du nombre des documents officiels de la révélation chrétienne. C’est ainsi que le Pasteur, si estimé au IIe siècle, fut rejeté à la fois par les montanistes et les catholiques occidentaux. La réaction antimontaniste suscita même de l’opposition aux écrits authentiques de saint Jean. Saint Irénée, Cont. hær., iii, II, P. G., t. vii, col. 890, signale des adversaires du quatrième Évangile. Saint Philastrius, Hier., 60, P. L., t. xii, col. 1171, dit que ces hérétiques l’attribuaient ainsi que l’Apocalypse à Cérinthe. Saint Epiphane, Hær., li, P. G., t. xi.i, col. 888 sq., les appelle des aloges. Voir t. i. col. 898901. Caius de Rome leur emprunte des arguments cou Ire l’Apocalypse, et il est réfuté par saint Hippoljte. Voir t. I, col. 1464-1465. Le canon du Nouveau Testament n’était donc pas encore fixé définitivement ; la discussion va même s’élever dans la suite à propos des deiltérocanoniques.

11’PÉRIODE, DISCUSSION DES DEUTÉROCANONIQUES D 1 VS

quelques églises. — 1° En Orient. — C’est en Orient que cette discussion commence au Me siècle ; elle passe en Occident et se prolonge durant tout le IVe et jusqu’au milieu du V e. Elle a pris son origine dans la comparaison des traditions diverses des Eglises. Origène, le premier, constate ces divergences et soulève des doutes au sujet des livres controversés. Il partage le Nouveau Testament en deux parties, l’Evangile ou les Évangiles et l’apôtre ou les apôtres. De pnne, iv, 16, P. G., t. xi, col. 376 ; In.1er., homil. xxi, P. G., t. xiii, col. 536. Il connaît les Evangiles apocryphes, mais il n’approuve que les quatre qui doivent être reçus. In Luc., homil. I, ibid., col. 1803. Il accepte quatorze Kpitres de saint Paul ; il sait toutefois que l’Épitre aux Hébreux est rejetée par quelques-uns comme n’étant pas de Paul. Epis t. ad Afric, 9, P. G., t. xi, col. 65 ; In Matth., comment, séries, n. 28, P. G., t. XIH, col. 1637. Plus tard, il concède que les idées seules sont de l’apôtre, mais que la rédaction est d’un de ses disciples. Il reconnaît les deux Épitres de saint Pierre ; mais la première seule est reçue universellement, et il y a doute sur la seconde. Saint Jean a écrit l’Apocahpse et trois Épitres, quoique tous n’admettent pas que les deux dernières sont de lui. Eusehe. II. / :., vi, 25, P. G., t. xx, col. 581-585. Origène cite les Épilres de saint Jude et de saint Jacques, fout en n’ignoranl pas qu’elles ne sont pas reçues par tous. In Matth., t. XVII, 30, /’.’.'., t. xiii, col. 1569 ; I" -loa., t. xix. 6 ; xx, 10, /’. G., I. iv col. 569, 572. Il croit a l’inspiration du Pasteur, lu Rom., 1. X, /’. G., t. xiv, col. 1282. L’Épltre de Barnabe est une épître « catholique » , Conl. Cclsuiu, i, 03, P. (.’., t. xi, col. 777, et