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CANON DES LIVRES SAINTS


t. ii, col. 1010-1041. Le canon complet de l’Ancien Testament est ainsi constitué, ù l’exclusion des apocryphes, dans les Églises d’Afrique et d’Italie. Seuls, quelques docteurs occidentaux partagent les doutes de l’Orient au sujet des deutérocanoniques. Ces doutes eux-mêmes ont été provoqués, en partie du moins, par la nécessité de la polémique avec les juifs ; ceux-ci, qui n’acceptaient pas les deutérocanoniques, ne pouvaient être convaincus par des arguments tirés de ces livres. Des hésitations ont pu se produire dans l’esprit des docteurs catholiques et même dans la pratique des Églises particulières, parce qu’aucune décision officielle touchant la canonicité des écrits de l’Ancien Testament n’était encore intervenue et parce que la tradition pratique des Églises n’avait pas été jusqu’alors uniforme. A Alexandrie notamment les deutérocanoniques servaient à l’instruction des catéchumènes. On en vint à douter de leur inspiration et de leur canonicité et à ne plus les regarder que comme des livres utiles et édifiants. Rutin et saint Jérôme exagérèrent cette distinction, et le dernier ne citait les deutérocanoniques que pour se conformer à l’habitude des autres écrivains ecclésiastiques. On peut expliquer de la même manière l’emploi des deutérocanoniques par saint Athanase et saint Cyrille de Jérusalem. La tradition favorable aux deutérocanoniques avait subi une éclipse dans certains milieux, dans lesquels on constate une opposition réelle, au moins théorique, sinon toujours pratique, à ces écrits. Mais nous ne pouvons dire avec M. Loisy, Hist. du canon de l’A. T., p. 124, 133, etc., que les Pères de cette époque, tout en admettant l’inspiration des deutérocanoniques, ne leur reconnaissaient cependant qu’une autorité inférieure, propre à l’édification et à l’instruction des néophytes, et non à la confirmation des dogmes de la foi. Cette distinction était de la part de ces Pères la négation de l’inspiration des livres, simplement utiles et édifiants et non divins et canoniques. Cet oubli local de la tradition est amplement compensé par l’emploi continu des deutérocanoniques dans les Églises et par les affirmations plus explicites de l’Occident. Il n’y a donc pas eu interruption complète et totale dans la tradition ecclésiastique à ce sujet ; il y a seulement obscurcissement et déviation dans les milieux où l’influence juive s’était fait sentir davantage et avait conduit à restreindre le canon de l’Ancien Testament aux limites de la Bible hébraïque.

2° De la fin du ve siècle à la fin du XIe, les doutes sur les deutérocanoniques de l’Ancien Testament persistent chez les docteurs occidentaux ; mais ils ne sont guère que la répétition atténuée des affirmations de saint Jérôme ; ils demeurent, du reste, dans le domaine de la théorie et ne parviennent pas à modifier la tradition pratique et constante des Eglises. En Orient, au contraire, les deutérocanoniques reprennent faveur et les Grecs adoptent le canon occidental.

Le pape Hilaire (461-468) compte 70 livres dans la Bible entière, au témoignage du Codex Amiatinus. Voir S. Iierger, La Bible du pape Hilaire, dans le Bulletin /<"’, 185)2, t. un, p. 147. Saint Patrice, Confessio, n. 2, 3, 16, P. L., t. LUI, col. 802, 803, 809, cite Tobie et l’Ecclésiastique. Julien Pomère, De riia conteniplalira, I. ii, c. VIII, /’. L., t. i.ix, col. 452, cite aussi l’Ecclésiastique, ainsi que saint Léon le Grand, Serm., i.xx, c. v ; LXXXI, C. M, /’. /-., t. i.iv. col. 384, 121. Kenys le Petit, Codex ru, , , ml., 24, /’. /, ., t. i.xvii, col. 191 ; une collection de canons, formée en Gaule au vie siècle, /’. /.., t. i.vi. col. 128, 721 ; Cassiodore, Itut. div. Un., 12-1 i. /’. L., t. i.xx, cul. U23-U26, admettent les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Junilius, Départ. div. legis, i, 3-7, /’. L., t. i.xviii, col. 16 sq., dislingue au point de vue de l’autorité canonique trois class< livres : les livres d’autorité parfaite reconnus de tous ; les livres d’autorité’moyenne, reconnus par plusieurs,

DICT. DE TIIÉOL. CATHOL.

à savoir les Paralipomènes, Job, Tobie, Esdras, Judith et Esther ; les livres de nulle autorité, reconnus par quelques-uns, tels que le Cantique et la Sagesse. Mais cet écrivain a reproduit le sentiment de Théodore de Mopsueste, condamné au IIe concile général de Constantinople. Ilardouin, Concil., t. iii, p. 86-89. Cf. H. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegelen, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 358-370, 472-480. Saint Grégoire le Grand, Moral, in Job, xix, 21, jP. L., t. lxxvi, col. 119, dit de I Mach., qu’il n’est pas canonique et qu’il a été publié seulement pour l’édification de l’Église. Il cite souvent les autres deutérocanoniques, mais parfois uniquement comme des paroles de sagesse, lbid., i, 26 ; v, 35 ; x, 6 ; xix, 17, P. L., t. lxxv, col. 114, 544, 714, 923. Saint Isidore de Séville, Elym., VI, 1, 19, P. L., t. lxxxii, col. 229, affirme que l’Église du Christ honore comme livre. ; divins ceux qui manquent au canon hébraïque et que les juifs tiennent pour apocryphes. Cf. De ofjiciis eccl., i, 12 ; Liber promm. in V. et N. T., P. L., t. lxxxiii, col. 746, 158. Saint Eugène, Upusc., 59, P. L., t. lxxxvii, col. 394, et saint Ildefonse de Tolède, De bapt., 59, P. L., t. xevi, col. 140, reproduisent les canons de saint Augustin et de saint Isidore. Cependant le Vénérable Bède, qui a commenté Tobie et qui cite les deutérocanoniques, parle de 24 livres seulement de l’Ancien Testament. In Apoc., P. L., t. xciii, col. 144. De même, Ambroise Autpert, In Apoc., P. L., t. xvii, col. 795 ; Haymon d’IIalberstadt, In Apoc, P. L., t. cxvii, col. 1007. Saint Agobard, De privil. et jure sacerdot., P. L., t. Civ, col. 133, les réduit à 22. Le traité De mirabilibus Script, sac., P. L., t. xxxv, col. 2191-2192, répète les jugements de saint Jérôme sur l’épisode de Bel et du dragon et sur les deux livres des Machabées. Alcuin, qui a rédigé des catalogues complets de la Bible, Garni., VI, P. L., t. Ci, col. 101, 731, ne tient pas l’Ecclésiastique pour prophétique et rappelle les doutes de saint Jérôme au sujet de ce livre. Adv. Elipand., i, 18, ibid., col. 254. La Dispulalio puerorum, contemporaine d’Alcuin, ibid., col. 1120 sq., copie saint Isidore. De même Baban Maur, De cleric. instit., ii, 53, P. L., t. cvii, col. 365, qui a commenté la Sagesse, l’Ecclésiastique, Judith et les deux livres des Machabées. VValafrid Strabon, Glossa ordinaria, P. L., t. exiv, col. 66, etc., reproduit les idées de saint Jérôme. Notker le Bègue, De interpret. div. Script., 3, F’. L., t. cxxxi, col. 996, semble s’inspirer de Junilius. Tandis que quelques savants étaient l’écho des anciens doutes, la pratique ecclésiastique conservait les deutérocanoniques, et le catalogue complet de l’Ancien Testament était maintenu dans les collections de canons, dans celle de l’Église franque, aussi bien que dans Hurchard de Worms, Décret., iii, 217, P. L., t. cxl, col. 715-716, et dans Yves de Chartres, Décret., iv, 61, P. L., t. CLXI, col. 276-277.

Durant cette période, les deutérocanoniques se répandent de plus en plus en Orient. L’Église syrienne en possède une traduction, faite sur les Hexaples d’Origène. Léonce de Byzance, De sectis, /’. (.’., t. i.xxxvi, col. 1200, reproduit le canon de saint Athanase ; il cite toutefois comme Écriture la Sagesse et l’Ecclésiastique. Le concile in Trullo (692) cite les conciles de Carthage à côté du 85e canon apostolique et du concile de Laodicée. Mansi, Concil., t. xi, col. 939. Il admet donc des autorités contradictoires. Saint Jean Damascène, De orthod. fuie, iv, 17, P. G., t. xciv, col. I ISO. maintient rue, ire le canon de 22 livres et mentionne la Sagesse el l’Ecclésiastique comme des livres c excellents et fort beaux » . Ni céphore, Si icho met., ! ’.(’, ., {. C, col. 1056, connaît aussi ces 22 livres, et range les deutérocanoniques parmi les antilégomènes ou livres discutés. La Synopse, ai tri buée i saint Athanase, dépend du canon de cet évoque d’Alexandrie. P. < ;., t. xxviii, col. 284 sq. Photius, Sijntagma canonum, P. G., t. CIV, col. 589 sq., repro II.