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CANON DES LIVRES SAINTS


rite infaillible pour régler la foi et les mœurs des fidèles. Voir Inspiration. La canonicité est la constatation que l’Eglise fait officiellement, par une décision publique, ou équivalemment, par l’usage et la pratique, de cette origine divine et de cette autorité infaillible. La canonicité suppose l’inspiration et ne peut exister sans elle. L’Eglise ne peut rendre inspiré un livre qui ne l’est pas ; mais elle peut déclarer inspiré un livre qui l’est et lui donner ainsi un caractère officiel, une autorité canonique qu’il n’avait pas auparavant, car un livre inspiré a pu ne pas être reconnu par tous dès l’origine, et, de fait, on a douté longtemps, en certains milieux, de l’origine divine de quelques livres bibliques. L’Église, s’appuyant sur une tradition réelle et constante, a déclaré divins des livres dont l’origine divine était en quelques lieux et pendant quelque temps demeurée douteuse, et a fait cesser ces doutes. Tel a été renseignement précis des théologiens et des controversistes après le concile de Trente. F. Sonnius, De verbo Dei, c. xii. La plupart ont résumé cette doctrine au moyen d’une distinction très claire. Ils distinguaient deux sortes de canonicité : l’une, in actu primo, d’après laquelle les Livres saints sont canoniques quoad se, par le seul fait qu’ils ont Dieu pour auteur ; l’autre, in aclu secundo, qui les rend canoniques quoad nos, lorsque l’Église déclare qu’ils sont inspirés. La première leur confère l’autorité divine et la vérité infaillible et les rend aptes à être inscrits au canon, la seconde les inscrit au canon et leur confère réellement la canonicité. Stapleton, Princip. fidei releclio, 1. V, q. v, a. 1, Anvers, 1596, p. 505-507 ; Serarius, Prolegomena biblica, c. vii, Paris, 1701, p. 35-36 ; A. Contzen, Comment, in quatuor Evangelia, In Luc, I, q. IV, v, 1626 ; .1. de Sylveira, Upusc., I, resol. i, q. ii, iv, Lyon, 1687 ; A. Duval, Tractatusde fîde, q.i, A.5.De Scriplura, Paris, 1636, t. il, p. 137-138 ; Salmeron, Comment, in evang. hist., 1. I, prol. i, xxxii, Cologne, 1602, p. 5-7, 414-415 ; .1. Bonfrère, Præloquia, c. ni, sect. iii, dans Migne, Cursus Script, sac, t. i, col. 11.

IL Critérium de la canonicité. — Depuis que le concile de Trente, sess. IV, Decretum de canonicis Scripluris, a défini que tous les Livres saints, dont il a dressé la liste, sont sacrés et canoniques, c’est-à-dire ont Dieu pour auteur et, par suite, sont une des sources infaillibles de la révélation, aucun théologien catholique ne doute que l’Église seule possède le droit de déterminer et de fixer, par ses organes officiels, le pape ou un concile œcuménique, ou par son magistère ordinaire, le canon des Livres saints, et qu’elle soit, en matière de canonicité scripturaire, l’unique autorité compétente. Cela résulte de la notion même de canonicité. Si déclarer canonique un livre de l’Écriture, c’est affirmer qu’il est inspiré et imposer à tous les fidèles, comme vérité de foi, le tait de son inspiration, cette affirmation ne peut émaner que de l’autorité publique, infaillible et universelle de l’Église. Les Pères et les docteurs ont toujours, nous le verrons bientôt, reconnu et attesté ce droit de l’Eglise. C. Chauvin, Leçons d’introduction générale, p. 76-78. Les protestants, qui opposaient la Bible à la tradition et à l’autorité de l’Église et faisaient d’elle la seule règle de la foi, ont prétendu pour la plupart que l’Ecriture ne tenait pas son autorité de l’Église, mais de Dieu et non des hommes, et qu’elle l’avait par cela seul qu’elle était la véritable parole de Dieu. Il y a eu toutefois quelques exceptions. Carlstadt, De canonicis Scripluris libellus, Wittemberg, 1520, tout en soutenant l’autorité exclusive de l’Ecriture, mettait à la base de la canonicité des Livres saints leur réception dans l’Église et admettait sur ce point la valeur de la tradition ecclésiastique. Le 39e article de l’Église anglicane dit expressément : « Sous le nom d’Écriture sainte nous entendons les livres de l’Ancien et du Nouveau Testa-’meut de l’autorité desquels l’Église n’a jamais douté…

Nous recevons tous les livres du Nouveau Testament qui sont communément reçus. » La Conlession de Bohême, rédigée en 1535, a. 1, 2e édit., 1558, p. 17, reconnaît comme Ecritures saintes quse in Bibliis ipsis continentur et a Patribus receplæ autorilateque canonica dolalse sunt. La Confessio wirtemburgica, rédigée par Brentz en 1552, dit aussi : Sacram Scripturam vocamus eos canonicos libros V. et N. T. de quorum autorilate in Ecclesia nunquam dubitatum est. Mais ceux qui n’estimaient pas nécessaire de consulter la tradition ecclésiastique pour discerner les livres inspirés de Dieu devaient déterminer quel moyen plus infaillible restait au chrétien pour taire ce discernement et quel critère devait le guider dans son choix. E. Reuss, Histoire du canon des saintes Ecritures dans l’Église chrétienne, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 308-320. Ils ont proposé divers critères, que nous allons exposer avant de les opposer à la doctrine catholique.

I. selon les protestants.

1° D’après Luther et ses premiers disciples. — Dans la question du canon biblique, Luther s’est placé au point de vue dogmatique et a présenté un critère théologique ; ce critère était la doctrine de l’Évangile telle qu’il la comprenait. Selon lui, le christianisme tout entier se résumait dans la thèse du salut gratuit, de la justification par la foi seule en Christ sauveur, à l’exclusion des œuvres. Cette doctrine devint le critère de la canonicité, qui résultait de l’enseignement de chaque livre sur le Christ et le salut des hommes. Les autres critères, les noms et la dignité des auteurs, étaient insuffisants. Luther graduait donc les Livres saints d’après la nature des enseignements qu’ils contiennent. En comparaison des écrits du Nouveau Testament qui montrent le Christ et enseignent tout ce qui est nécessaire au salut, l’Épitre de saint Jacques n’est véritablement qu’une épître de paille, car elle n’a pas la manière de l’Évangile. Vorrede aufdasN. T., 1522, Werke, Erlangen, t. lxiii, p. 114. La véritable pierre de touche pour jugertous les livres consiste à constater s’ilsparlent, oui ou non, du Christ. Toute Écriture doit nous montrer Christ. Ce qui n’enseigne pas Christ n’est pas apostolique, vint-il de Pierre ou de Paul ; ce qui prêche Christ est apostolique, quand même il viendrait de Judas, d’Anne, de Pilate ou d’Hérode. Aussi l’Épitre de saint Jacques, quoique contenant des préceptes utiles, contredit Paul et toute l’Écriture sainte et ne peut être dans la Bible, au moins parmi les livres principaux. Vorrede auf die Epist. Jacobi, ibid., p. 157. Pour la même raison, l’Apocalypse fut d’abord peu estimée de Luther. Il ne la tenait ni pour apostolique, ni pour inspirée. « Mon esprit ne peut s’accommoder de ce livre, et il me suffit de voir que le Christ n’y est ni honoré ni connu, tandis que la première tâche que Jésus ait donnée à ses apôtres est celle-ci : Vous me servirez de témoins. C’est pourquoi j’en reste aux livres dans lesquels le Christ m’est présente clairement et purement. » Vorrede auf die Apokalypse, 1522. Cf. S. Berger, La Bible au xvi » siècle, Paris, 1879, p. 86-107 ; A. Credner, Geschichte des Neutestamentlichen Kanon, Berlin, 1860, p. 330-333. Luther jugeait aussi les livres de l’Ancien Testament d’après ce même principe et il recherchait en eux l’élément évangélique. Il écartait les livres qu’on appelle deutérocanoniques, parce qu’il n’y reconnaissait pas lui-même sa doctrine, plutôt que parce que la Synagogue ne les avait pas reçus. Il appréciait les livres protocanoniques en raison de ce qu’ils prêchaient plus ou moins le Christ. Il mettait donc la parole de Dieu, telle qu’il l’entendait, au-dessus de l’Ecriture, et cette parole, ou la révélation du Christ rédempteur, lui servait à discerner les livres de l’Écriture. Une pareille théorie ne pouvait pas aboutir, i une délimitation rigoureuse du canon biblique, et si Luther exaltait tics haut l’Écriture à l’encontre de la tradition et de l’Église, C’est qu’il prétendait retrouver daus l’Écriture, au sens qu’il lui don-