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CANISIUS


commission et agréa les modifications proposées par le cardinal. Sickel, op. cit., p. 498 sq. Pie IV, instruit de tout ce qui s’était passé, exprima sa satisfaction de la conduite du Bienheureux et l’en fit remercier.

Une nouvelle discussion, que provoqua une requête présentée par les utraquistes de Bohême dans le dessein d’obtenir la communion sous les deux espèces et le mariage de leurs prêtres, mit encore une fois Canisius en lutte avec les autres membres de la commission. Seul contre tous, il ne craignit pas de désapprouver une concession qui, dans les conditions où se faisait la demande, lui paraissait entraîner de graves inconvénients. Il comprit bientôt que l’empereur trouvait son opposition importune et ne lui témoignait plus la même confiance qu’auparavant. L’avis définitif de la commission, ou Liber in matériel reformationis, du 5 juin, contenait plusieurs points qu’il avait combattus. Sickel, op. cit., p. 520 sq. Après de nouvelles consultations faites à Vienne, Ferdinand s’adressa enfin au pape. Au mois d’avril 1561, Pie IV accorda, non le mariage des prêtres, mais l’usage du calice pour l’Autriche, la Bohême et divers diocèses d’Allemagne. L’expérience prouva que le Bienheureux ne s’était pas trompé dans ses appréhensions ; les désordres et les abus furent tels que, trois ans plus tard, le saint pape Pie V se voyait contraint de révoquer la concession faite par son prédécesseur.

La mort de Ferdinand I", survenue le 22 juillet 1564, livra le pouvoir à son fils Maximilien, dont la politique n’était pas celle que prêchait Canisius. L’œuvre que celui-ci avait commencée en Autriche continua à s’y faire par les membres de son ordre, mais son influence personnelle s’exerça désormais ailleurs, surtout en Bavière et dans le Tyrol, où ses prédications à la cour de l’archiduc Ferdinand II portèrent d’heureux fruits et contribuèrent beaucoup à la sanctification des cinq archiduchesses, sœurs de ce prince. Mais la plus belle récompense que ménagea la providence à celui qui avait eu tant de zèle pour le concile de Trente, fut de le choisir comme instrument pour en compléter l’œuvre en Allemagne. Venu à Rome en 1565 pour l’élection d’un nouveau général, Canisius fut créé par Pie IV nonce apostolique, avec mission de promulguer les décrets du concile et d’en promouvoir l’exécution. Augsbourg, Cologne, Nimègue, Osnabruck, Mayence, Trêves, plus tard Wurzbourg et Strasbourg furent les principales étapes de ce voyage apostolique, où le Bienheureux n’obtint assurément pas tout ce qu’il aurait désiré, mais ce qu’on pouvait attendre dans les circonstances difficiles où se trouvaient les Eglises qu’il visita. Cette mission eut comme son couronnement dans la diète d’Augsbourg de 1566, où Canisius assista comme théologien du cardinal Commendon. Les décrets du concile de Trente y furent acceptés par les catholiques, et le Bienheureux y contribua une fois de plus à l’entente commune. Cette grave question ayant été posée : « La confirmation de la paix d’Augsbourg est-elle contraire aux droits de l’Église ? » il n’hésita pas avec deux autres théologiens de son ordre à donner une réponse négative, et prévint ainsi une rupture désastreuse entre catholiques et protestants. Éclairé lui-même par le cardinal Commendon, l’empereur Maximilien revint à de meilleurs sentiments envers la Compagnie de Jésus.

7° Action littéraire ; apostolat de la plume. — depuis treize ans Canisius dirigeait son ordre en Allemagne. Le nombre des sujets ei des maisons augmentant, deux rejetons s’étaient détachés du tronc primitif : la province d’Autriche-IIongrie, en 1562, et la province de la Basse-Allemagne ou du Rhin, en. 1564. Le Bienheureui était resté à la tête du tronc primitif, appelé désormais province de la Haute-Allemagne. Gouvernement d’une durée anormale dans la Compagnie de Jésus, mais nécessaire pour la consolidation de l’œuvre commencée. Souvent

Canisius avait supplié ses supérieurs de le décharger d’un fardeau qui pesait lourdement sur ses épaules. Ce fut à Pâques de 1569 seulement qu’ils lui permirent enfin de confier sa province au P. Paul Iloffée. Mais Canisius n’en resta pas moins en Allemagne, suivant la juste expression de Janssens, op. cit., t. v, p. 198, « l’âme de la Compagnie de Jésus. »

Un autre motif avait augmenté son désir d’être déchargé du gouvernement. Saint Pie V l’avait choisi en 1567 pour réfuter les erreurs et les faussetés accumulées par les auteurs des Centuries de Magdebourg dans la grande histoire ecclésiastique qu’ils avaient commencé de publier en 1559. Le Bienheureux souhaitait vivement de pouvoir se donner tout entier à cette tâche ; il le souhaitait non seulement par un sentiment d’obéissance filiale au souverain pontife, mais parce qu’il voyait là un fécond apostolat. Il comprenait toute la puissance de la presse sur la direction des esprits, et voulait que, sur ce terrain comme ailleurs, on s’opposât vigoureusement aux adversaires de l’Eglise catholique. Il alla jusqu’à se demander s’il ne ferait pas bien de laisser le ministère de la prédication, pour se consacrer à l’apostolat de la plume. Epist., t. ii, p. 397. Plus l’attaque et l’erreur se multipliaient, plus il trouvait urgent d’organiser la défense et de servir aux fidèles le contre-poison. Dans les grands centres où il vécut, il se mit en rapport avec les imprimeurs et les libraires, pour leur faire publier et répandre de bons livres ; il dota la ville d’Augsbourg de plusieurs imprimeries catholiques. Il encouragea et aida de tout son pouvoir ceux qui (’clivaient pour la défense de la foi. Ses lettres nous le montrent attentif à leur envoyer les ouvrages dangereux qui paraissaient, ou à les leur signaler, à louer leurs travaux et à les recommander eux-mêmes à la bienveillance des princes catholiques. Pour plusieurs, pour Hosius surtout, il alla jusqu’à la collaboration.

Dans son ordre il excitait ses subordonnés à composer des ouvrages appropriés, pour le genre et pour le style, aux exigences des temps, ou à publier des textes critiques, comme les Actes du premier concile d’Éphèse. Epist., t. iii, p. 31, 402 sq. A plusieurs reprises, il conçut et soumit à ses supérieurs, à saint François de Borgia en 1574, au P. Aquaviva en 1583, le projet d’une société d’écrivains, qui se composerait de sujets capables et réunis de dill’érentes provinces pour travailler de concert à la composition d’ouvrages de controverse et à la réfutation des erreurs courantes. Idée heureuse et féconde qu’il ne lui fut pas donné de réaliser, mais qui lui survécut. Enfin il écrivait lui-même dans la mesure où ses autres occupations le lui permettaient ; la liste de ses écrits en fournira la preuve. Personne n’était plus attentif à saisir l’occasion favorable de lancer ces publications de circonstance qui orientent l’opinion ou l’empêchent de s’égarer. A Worins, à peine les protestants ont-ils fait paraître leur récit fantaisiste du colloque si brusquement interrompu, que le Bienheureux leur oppose son « véridique contre-récit » . A Piotrkow, il voit combien la question de la communion sous les deux espèces et celle du mariage des prêtres préoccupent les esprits ; aussitôt il s’empresse de faire imprimer les Dialogi d’Hosius sur ces deux sujets. Epist., t. il, p. 339, 897 sq. En 1561, les novateurs impriment à Nuremberg la Supplication des prolestants de France au roi Charles IX ; Canisius leur oppose la Supplication der Catholischen au même roi. Ibid., t. iii, p. 780 s.j. Aux légats du concile à Trente il suggère l’idée, favorablement accueillie, d’intéresser le public et de relever le crédit de l’auguste assemblée par quelques publications, où pourraient figurer les discours les plus remarquables. IbitL, p. 325 sq.

Déchargé du provincialat, Canisius s’était retiré au collège de Dillingen, dont son frère Thierry étail alors recteur ; il s’y consacra pleinement à la réfutation des