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    1. VULGATE##


VULGATE. VALEUR CRITIQUE ET LITTERAIRE

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d’introduire des corrections dans le texte et même d’indiquer les variantes dans les marges. Pourtant les recherches dans les manuscrits en vue de l’amélioration du texte de la Vulgate n’étaient pas défendues : dès 1605, Luc de Bruges publiait un choix de variantes. En 1860, un barnabite, le P. Vercellone, édita avec l’encouragement de Pie IX, une nouvelle liste de variantes : Varia* lectiones Vulgatæ latinæ Bibliorum editionis. D’autre part, deux savants anglais, J. Wordsworth et H.-J. White, ont donné une édition critique de la Vulgate du Nouveau Testament, basée sur l’examen de très nombreux manuscrits : Novum Testamentum D. N. Iesu Christi latine secundum editionem sancti Hieronymi, Oxford, 1889. Enfin, en 1907, Pie X, en vue de préparer l’édition d’un texte de la Vulgate plus conforme au texte original de saint Jérôme, a confié à l’ordre bénédictin le soin de collationner les manuscrits de la Vulgate, de les classer en familles, et de remonter le plus possible, d’après les méthodes actuelles de la critique textuelle, au texte primitif de saint Jérôme. En réalité, d’après les principes posés par dom Henri Quentin, président, après le cardinal Gasquet, de la Commission de la Vulgate, on s’est attaché surtout à reconstituer le texte de l’archétype de chaque famille de manuscrits, texte qui ne concorde pas nécessairement avec le texte original. Entre 1920 et 1939 ont paru quatre volumes, contenant le Pentateuque, Josué, les Juges et Ruth.

II. Valeur critique et littéraire de la Vulgate.

Il y a lieu de distinguer entre les parties de la Bible, où la Vulgate ne représente qu’un travail de revision (Nouveau Testament, Psautier), et celle où saint Jérôme a fait œuvre propre de traducteur (Ancien Testament).

Nouveau Testament et psautier.

Pour apprécier la valeur des travaux de saint Jérôme sur le Nouveau Testament, on dispose actuellement de l’édition critique de la Vulgate, publiée par Wordsworth et White, qui permet une reconstitution assez sûre du texte hiéronymien original. Ces deux critiques, au terme de leurs recherches, ont reconnu nettement la valeur de la Vulgate du Nouveau Testament. Il y a lieu sans doute de faire quelques distinctions entre les divers livres. On a vu plus haut que le travail de revision avait été moins poussé par saint Jérôme en ce qui concerne les épîtres et l’Apocalypse que pour les évangiles, et que parfois il s’était contenté de polir le style. D’autre part — les déclarations mêmes de saint Jérôme précédemment citées en font foi — la préoccupation de revenir à une traduction plus rigoureuse du texte grec a été combattue chez lui par le souci de heurter le moins possible les habitudes du peuple chrétien, de sorte qu’il laissait subsister, tant que le sens était suffisamment respecté, le latin des anciennes versions qu’il se proposait de corriger. > Il a tenu sa parole de ne pas s’attaquer à des vétilles qui ne changent pas le sens », dit le P. Lagrange, qui appuie cette déclaration sur un Important travail de M. Vogels : Vulgatastudien. Die Evangelien der Vulgata antersucht ou/ ihrr lateinische und r/rirchische Vorlage, Munster, 1928. Saint Jérôme s’est surtout appliqué à faire disparaître les leçons harmonisantes, qui s’étaient introduites dans les anciennes versions latines, même dans celles du type italien qu’il avait prises pour base et qui donnaient un texte meilleur que celles du type africain. Mais, s’il se trouvait en race d’une leçon incorrecte, il n’a pas toujours rétabli la leçon qui correspondait nu texte original, alors même que le sens était différent, pourvu que la divergence ne fût pal tics notable. Le I’. Lagrange cite cet exemple : « Sur Luc, x, 42, Jérôme savait très bien que le texte était : iuici milrm n saria sunt, aut unum (on le voit par ses commentaires), et néanmoins il a laissé : porro unum est necessarium. » Il est vrai qu’il pouvait alléguer à l’appui de cette leçon certains manuscrits grecs (elle figure dans les Papyrus Chester Beatty). — Le travail de revision du Nouveau Testament latin n’a donc été fait par saint Jérôme que d’une façon partielle. Reste à savoir — c’est le point essentiel pour en apprécier la valeur — d’après quel texte grec la correction a été faite. L’accord n’est pas tout à fait établi entre les critiques qui ont étudié ce problème. On est unanime à reconnaître que saint Jérôme a rejeté nettement les leçons dites occidentales (type D du texte grec, ainsi désigné d’après le manuscrit D qui en est un des principaux témoins). Mais, parmi les recensions orientales, M. Vogels serait disposé à admettre une influence assez importante sur la Vulgate de la recension antiochienne, représentée spécialement par l’Alexandrinus. Tandis que la plupart des critiques, à la suite de Wordsworth et White, estiment que les manuscrits auxquels saint Jérôme donna la préférence devaient être du type représenté par les deux grands onciaux : Vaticanus et Sinailicus, qui sont ceux qu’on tient aujourd’hui pour les plus fidèles témoins du texte original. « C’est bien en ce recours aux manuscrits que nous jugeons encore les meilleurs que consiste la supériorité de la Vulgate. C’est en particulier grâce à ce fait que les critiques catholiques ont pu s’appuyer sur elle non seulement contre le texte D, mais contre le texte reçu. » (R. P. Lagrange.) — On a vu plus haut que le texte des Psaumes qui figure dans la Vulgate n’est pas celui de la ersion faite sur l’hébreu par saint Jérôme, mais celui du Psautier dit gallican, seconde revision faite par celui-ci d’après la recension hexaplaire des Septante, et non d’après le texte original, de l’ancienne version latine, qui était ellemême une traduction du grec. Or, la traduction du Psautier dans les Septante est une des parties les moins satisfaisantes de cette version : en beaucoup d’endroits l’interprète s’est trouvé en face d’un texte hébreu déjà altéré, difficile à comprendre, de sorte que les contresens et même les non-sens y sont fréquents. De plus saint Jérôme, en revisant le Psautier, n’a corrigé que très incomplètement — gêné qu’il était par les habitudes des fidèles, — les incorrections du latin de la version qu’il se proposait d’améliorer. Il eût été certainement préférable que, pour le Psautier comme pour les autres livres protocanoniques de l’Ancien Testament, ce fût la version faite sur l’hébreu par saint Jérôme, qui ait été adoptée dans la traduction ecclésiastique officielle. Mais on conçoit aisément que la substitution d’un texte notablement différent au texte auquel on était habitué ait été beaucoup plus difficile pour les Psaumes, que leur usage liturgique avait rendus familiers à la masse des fidèles.

Ancien Testament.

Pour apprécier la valeur de la version que saint Jérôme a faite de l’Ancien Testament d’après l’hébreu et qui figure actuellement dans la Vulgate, on examinera en premier lieu la méthode qu’il a suivie dans son travail, puis le rapport avec l’original du texte hébreu qui a servi de base à sa traduction.

1. Principes suivis par saint Jérôme. — Rappelons d’abord que, comme pour le travail de revision fait par saint Jérôme sur le Nouveau Testament, tous les livres de l’Ancien n’ont pas été traités avec un égal soin. Les livres historiques qu’il traduisit les premiers sont aussi ceux pour lesquels le résultat de son travail est le meilleur. Il y a beaucoup plus de libertés de traduction dans le Pentateuque et les Juges qu’il traduisit en dernier lieu. Et on ne saurait s’étonner que, pour le livre de Tobie qu’il déclare lui même n’avoir mis qu’un jour à traduire, son