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VOLTAIRE. IDÉES CONSTRUCTIVES

mettre dans l’impossibilité d’être intolérantes les Églises, en particulier l’Église romaine « qui a fait nager l’Europe dans le sang pendant des siècles », Instructions, loc. cit., en usant de son autorité qui est « sans partage », Dictionnaire, ibid. En d’autres termes, « que la loi d’État commande à la religion » et « que l’homme d’État soit théiste », Dieu et les hommes, Axiomes, loc. cit. (xxviii, 244 et 243). « Une bonne religion honnête, … bien établie par acte du parlement, bien dépendante du souverain, voilà ce qu’il nous faut et tolérons toutes les autres. » L’A. B. C., 10e entretien, loc. cit., p. 365. Cf. L. Robert, Voltaire et l’intolérance religieuse, Paris, 1905.

4. La liberté politique. Despotisme ? République ? Régime parlementaire anglais ? — « La véritable loi fondamentale » de toutes les nations « est d’être libres ». L’A. B. C., 13e entretien, p. 381. Et « être libre », en ce sens, « c’est ne dépendre que des lois ». Dictionnaire, art. Gouvernement, sect. vi. « Le gouvernement civil est la volonté de tous exécutée par un seul ou par plusieurs, en vertu des lois que tous ont portées. » Idées républicaines, xiii, loc. cit., p. 416 : « Le meilleur gouvernement est celui qui conserve le plus qu’il est possible à chaque mortel ce don de la nature », la liberté. L’A. B. C., 15e entretien, De la meilleure législation, loc. cit., p. 588. D’après ces passages, et si l’on s’en réfère aux Lettres philosophiques. Lettre 8e, Sur le Parlement, édit. cit., p. 89-91, au Dictionnaire philosophique, art. Gouvernement, sect. vi, Tableau du gouvernement anglais, il aime le gouvernement anglais parce qu’il assure à tous les citoyens la liberté sous la protection des lois qu’ont faites leurs représentants ; ils sont ainsi à l’abri de l’arbitraire et peuvent avoir les idées religieuses qui leur plaisent. L’A. B. C., loc. cit., p. 386-387 ; cf. Instructions pour le prince royal, loc. cit., p. 442. Le despotisme éclairé de Frédéric II, de Catherine II, est loin de lui déplaire, non seulement parce qu’il trouve vanité à ses relations avec ces deux souverains, mais parcequ’il juge ceux-ci acquis au philosophisme, hostiles à l’Église, gagnés à la tolérance. Cf. Profession de foi des théistes, loc. cit., p. 551 ; Dictionnaire, art. Puissance, sect. i, Les deux puissances ; Lettre sur les panégyriques par Irénée Aléthès, 1767 (xxvi, 306 sq., 312-313). Le despote éclairé est d’ailleurs la condition du progrès. Voir col. 3411. « Un véritablement bon roi, — il dit cela à propos de Louis XIV — est le plus beau présent que le ciel puisse faire à la terre. » Commentaire sur l’Esprit des lois, 1777 (xxx, 455). La monarchie française est loin de lui déplaire. Il n’a rien de révolutionnaire. Il tendrait plutôt à fortifier son absolutisme : il n’admet pas, contrairement à Montesquieu, de lois fondamentales la limitant ; Dictionnaire, art. Loi salique (xix, 608) ; Commentaire sur l’Esprit des lois, [i. 157 ; il vent voir réduits à l’obéissance ces corps intermédiaires, dont parle encore Montesquieu, et qui limitent l’autorité royale : les parlements : il ne leur pardonne pas leur jansénisme, leur orgueil ; il dénonce les cruautés, les abus, les erreurs de la justice ; il dénonce nomme une absurdité la vénalité des charges qui assure l’indépendance de la magistrature ; Commentaire, p. 425-426 ; Dictionnaire, art. Esprit des lois (xx, p. 2-3) ; il applaudit en conséquence à la fameuse réforme de Maupcou. Cf. Très humbles et très resperliiruses remontrances du grenier à sel (xxviii. loi) ; Réparue aux remontrances sur la cour des Aides, ibid., p. 387 : I, ’Equivoque, ibid.. p. 122-423 ; la tragédie Les lois de MtttOS, 1773 ; Histoire du l’orientent de Paris. 1769, le Chapitre i.xrx. ajouté

eti 177°), juge favorablement l’œuvre de Maupcou.

Il n’admet pas davantage le clergé. On a VU plus haut comment il conçoit les rapports de l’Église et de l’État. Col. 3461. Cf., Commentaire, iv. loc. ni., p. lit,

DICT. DB TIIF.OL. CATIIOL.

la critique de cette pensée de Montesquieu : « Le pouvoir du clergé est convenable dans une monarchie, surtout dans celles qui vont au despotisme. » Dès 1749, il avait pris parti pour Machault d’Arnouville, qui voulait appliquer l’impôt du vingtième au clergé comme aux roturiers, dans sa Lettre sur l’impôt du vingtième (xxiii, 305). Extrait du décret de la Sacrée Congrégation de Rome à rencontre d’un libelle intitulé Lettre pour le vingtième, ibid., 463 ; La voix du sage et du peuple (xxiii, 436). Pour la noblesse, il condamne ses prétentions dès les Lettres philosophiques, cf. Lettre X, Sur le commerce, édit. cit., p. 121. les privilèges dans l’affaire du vingtième, l’extension ridicule par les anoblissements, surtout de magistrats, au c. xcvm de l’Essai, et qu’il ne sépare jamais des deux autres ordres dans ses attaques. « C’est ici, écrit-il encore en 1776, à propos de la condamnation par le Parlement de la brochure de Boncerf, Inconvénients des droits féodaux, la cause de l’Église, de la noblesse et de la robe… L’Église excommuniera les auteurs qui prendront la défense du peuple, fera brûler auteurs et écrits, et, par ce moyen, ces écrits seront victorieusement réfutés. » Lettre du R. P. Polycarpe, prieur des bernardins de Chézery <i M. l’avocat général Séguier (xxx, 333-338). Cf. ses écrits à propos des serfs du Mont-Jura.

On relève aussi dans son œuvre l’éloge du gouvernement républicain et démocratique, « le plus tolérable de tous, parce que c’est celui qui rapproche le plus les hommes de l’égalité », Idées républicaines, xliii, loc. cit., p. 424, mais « la démocratie ne lui semble convenir qu’à un tout petit pays ; encore fautil qu’il soit heureusement situé. » Ibid., xlv, ibid., p. 425.

Voltaire et l’égalité.

Des attaques de Voltaire

contre les classes privilégiées, et de passages comme celui-ci : « Être libre et n’avoir que des égaux est la vraie vie, la vie naturelle de l’homme », L’A. B. C, 6e entretien, Des trois gouvernements, loc. cit., p. 648, l’on aurait tort de conclure qu’il rêva l’égalité des hommes. L’égalité lui paraît à la fois la chose la plus naturelle », puisque tous les hommes ont les mêmes droits naturels, « et la plus chimérique », puisque, étant données « la lâcheté et la bêtise des uns », la friponnerie et l’audace des autres, dans l’état social. elle n’est pas possible. Dictionnaire, art. Égalité. Elle n’est même pas désirable : à côte de ceux qui possèdent, « on a besoin d’hommes qui n’aient que leurs bras et leur bonne volonté ». Ibid., art. Propriété. Et dans une république, « ceux qui n’ont ni terrain ni maisons n’ont pas plus le droit d’avoir leur voix qu’un commis payé par des marchands n’en aurait à régler leur commerce ». Idées républicaines (xxiv. 413). Il aura des paroles dures contre « la canaille qui n’est pas digne d’être éclairée ». Lettre à Frédéric II, 5 janvier 1707. Cf. à d’Alembert, 1 février 1707 : mais c’est quand il voit en elle la force principale de « l’Infâme ». Cf. Dictionnaire, art. Superstitions, sect. v.

Sur toutes ces questions, voir fï. Faguet, Lit politique comparée’le Montesquieu, Rousseau ri Voltaire, ln-12,

Paris, 1902 ; A. Hayct rt Fr. Albert, Les écrivain » poliliques <ln.Y 17/Psiccle, ln-12, Paris, l’.IOI ; il. Sec. L « idées

politiques en France au XVIII’siècle, ln-8°, Paris, 1923 ; A. Maihiez, Les nouveaux courants d’idées dans lu littérature

française à la fin ilu X VIII’siècle, dans.Annules île la Révolution française, mai-juin 1935, p. 13 iq.

Voltaire et l’idée de pairie. Invoquant l’ar ticle Pairie du Dictionnaire, les plaisanteries de Vol taire dans sa lettre de mai 1759 à Frédéric II, à propos de RoSbach XL, 101), d’autres lettres au même, son attitude et ses propos dans toutes les affaires, celles de Pologne, par exemple, OÙ est atlcinl