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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. PIERRE LOMBARD

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c. xxii. C’est là d’ailleurs une conception conforme à la définition qu’il donne de la personne : l’être qui possède une nature. Ibid., t. IV, c. XI, col. 937 B. La formule ne présenterait pas plus d’intérêt que la oolunlas genuit voluntatem de saint Julien de Tolède, si l’on n’avait quelque raison de penser que Richard a visé ici Pierre Lombard qui, au moment où Richard écrivait son traité, enseignait que « la divine essence n’a pas engendré l’essence. En effet, puisque la divine essence est une chose unique et suprême, si l’essence divine a engendré l’essence, une chose s’est engendrée elle-même ; ce qui est absolument impossible. Mais le Père seul a engendré le Fils, et du Père et du Fils procède le Saint-Esprit ». Sent., t. I, dist. V. Le IVe concile du Latran a donné raison à Pierre Lombard contre Joachim, abbé de Flore, qui attaquait précisément la position prise par le Maître des Sentences. En condamnant Joachim, le concile n’a pas atteint Richard ; voir ici, t. xiii, col. 2694. Ce qui fut condamné, c’est le trithéisme qui se cachait sous la formule de l’abbé de Flore. (Voir plus loin, col. 1727.)

De Pierre Lombard au IVe concile du Latran.

Pierre Lombard († 1160) est un initiateur ; il entend réagir contre les abus des dialecticiens, restituer à la révélation le primat sur la raison, faire un appel modéré à la philosophie dans le seul but d’éclairer le dogme, interroger surtout l’Écriture et les Pères. Son œuvre présente un programme relativement complet et ordonné de la théologie, dans lequel il s’efforce de concilier en une synthèse cohérente les éléments traditionnels parfois disparates ou divergents.

A tous ces titres, le livre des Sentences de Pierre Lombard marque le début d’une période nouvelle. Si le Maître a eu des continuateurs, des commentateurs ou imitateurs, il existe toutefois encore des auteurs indépendants. Enfin, l’ère des hérésies n’est pas close ; plusieurs erreurs attaqueront encore, à la fin du xiie siècle, le dogme de la Trinité et auront leur solution au IVe concile du Latran.

1. Pierre Lombard et son influence immédiate.

La doctrine trinitaire de Pierre Lombard a été exposée t. xii, col. 1991-1992. Le plan du 1. I er, consacré à la Trinité, appelle de sérieuses réserves ; Pierre se justifie en disant que l’objet de notre jouissance devant être finalement la Trinité, il est bon d’en commencer l’étude dès le principe. La distinction du De Deo uno et du De Deo trino, si souhaitable, n’est donc pas réalisée.

a) Maître Bandinus (XIIe s.) mérite à peine une mention : abréviateur plutôt que continuateur de Pierre Lombard, il donne de simples notes dans le De sacrosancta Trinitate qui forme le 1. I er de ses Sentences. P. L., t. cxcii. col. 871-1028. Voir ici t. ii, col. 140.

b) Pierre de Poitiers († 1205), au contraire, s’est appliqué à mettre en relief et à expliquer la doctrine du Lombard dans cinq livres de Sentences. P. L., t. ccxi, col. 791 sq. Sauf quelques chapitres (i-ii, vm-xvi), le 1. I er est entièrement consacré à la Trinité. L’auteur aborde les problèmes doctrinaux plutôt de biais, en fixant la terminologie avec exactitude. C’est, en somme, un véritable traité des notions divines et des noms divins. La seconde partie du c. III en indique le plan :

Il y a neuf genres de termes qu’on applique à Dieu. Les uns désignent l’essence et présentent toujours une signification essentielle, par exemple l’essence, la divinité, etc. D’autres désignent l’essence (le texte de Migne porte existentiam ? ), et cependant ont parfois une acception personnelle, par exemple : la puissance, la sagesse, la bonté. Quelques-uns, et par leur expression et par leur signification, s’appliquent aux relations de toute éternité ; par exemple : Père, Fils. Il y en a qui s’appliquent collectivement aux trois personnes sans pouvoir être dits d’aucune d’entre elles, comme la Trinité. Certaines expressions marquent un rapport de la divinité aux créatures et conviennent à toutes les personnes : Créateur, Seigneur. Mais d’autres, qui impliiruent pareillement un rapport aux créatures, rapport ne se réalisant que dans le temps, ne conviennent pas à toutes les personnes, par exemple : être envoyé. D’autres conviennent à une personne et dans le temps, sans rapport aux créatures : être incarné, fait homme. Dans ce dernier genre se rencontrent des expressions métaphoriques, comme « agneau », » lion », « caractère », etc. C’est de toutes ces énonciations qu’il sera ici traité. Col. 795 AB.

Pierre de Poitiers et son maître Pierre Lombard, ainsi qu’Abélard et Gilbert de la Porrée, furent l’objet de vives attaques de la part de Gauthier de Saint-Victor, dans son ouvrage Libri contra quatuor Labyrinlhios Francise, P. L., t. cxcix, col. 1127 sq. (simples extraits) ; voir ici t. vi, col. 1171. Les critiques concernant le 1. I er sont restées inédites en presque totalité. C’est par une note de dom Mathoud qu’on en connaît les plus pertinentes, P. L., t. ccxi, col. 785 CD786 A. La plus importante est à coup sûr celle qui concerne l’habitation personnelle du Saint-Esprit, identifié avec la charité, dans l’âme juste. Voir l’article suivant, col. 1841.

c) Sur Gandulphe de Bologne, voir t. vi, col. 11461150, où J. de Ghellinck résume les conclusions de son livre Le mouvement théologique au xue siècle, p. 178 sq. Comme Pierre Lombard, Gandulphe traite de la Trinité dans le 1. I er, ordonné comme celui du Maître des Sentences : Dieu, la Trinité, les attributs divins, la science divine, la prédestination, la volonté divine.

d) Faut-il rapporter à Gauthier de Châtillon (f vers 1201) un traité De Trinitate, P. L., t. ccix, col. 575 sq. ? L’auteur, quel qu’il soit, semble avoir composé cet écrit contre ceux qui prétendaient qu’en Dieu des propriétés ou des relations sont des réalités différentes de la substance divine. C. xi. Seraient-ce des disciples attardés de Gilbert ? La conception de trois personnes constituées en Dieu par trois propriétés absolues distinctes virtuellement de l’essence divine n’était pas inouïe à cette époque. Voir ci-dessous, col. 1731, un texte significatif de Robert Grossetête, évêque de Lincoln.

Ce De Trinitate s’inspire visiblement de Pierre Lombard et comprend treize chapitres. Après avoir démontré les perfections essentielles de Dieu (c. i), l’auteur prouve qu’il y a trois personnes dans l’unité de la substance divine (c. il). Le Père est sans principe ; le Fils est engendré ; le Saint-Esprit procède de l’un et de l’autre (c. iii). D’où il suit que le Père ne tient de personne ce qu’il a ; que le Fils tire du Père ce qu’il possède et que le Saint-Esprit tire, non par grâce, mais naturellement, ce qu’il a et du Père et du Fils, sans que ces mutuelles dépendances marquent la moindre infériorité dans la seconde et la troisième personne (c. iv). La Trinité n’a qu’une opération ad extra commune aux trois personnes (c. v) ; donc tout ce qu’on dit substantiellement de Dieu peut être dit du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En passant, l’auteur examine s’il est permis de dire qu’il y a dans la Trinité trois » substances » individuelles de nature raisonnable (définition de la personne par Boèce). Sa solution est négative, en raison de l’usage (c. vi). Ce qui convient à Dieu de toute éternité par rapport à sa nature peut être attribué à chacune des personnes ; il faut en dire autant de ce qui convient à Dieu dans le temps par rapport à la créature. L’incarnation est à part, car elle n’implique pas en Dieu de rapport à la créature (c. vu). Le c. viii rappelle que les prédicats relatifs concernent les personnes et qu’il faut en conséquence parler de Dieu trine et non de Dieu triple. Les c. ix et x montrent les similitudes de la Trinité dans l’âme humaine : seuls les bienheureux dans le ciel auront une connaissance parfaite de la Trinité. Le c. xii explique en bonne part un texte de saint Jérôme et certaines expressions de la préface de la messe de la Trinité (cette préface date de l’époque carolingienne). Enfin (c. xiii) l’auteur réfute l’erreur de ceux qui, attribuant au Père seul la puissance, au Fils seul la sagesse, au Saint-Esprit seul la bonté, se vantent de comprendre le mystère : une telle prétention est folie et la transcendance du mystère exige de nous une foi plus humble.