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VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES


mondes possibles. Devant un tremblement de terre à Lisbonne, Pangloss explique : Ce qu’on appelle le mal vient de ce que tout est lié dans la nature. « Les malheurs particuliers font le bien général, de sorte que, plus il y a de malheurs particuliers, plus tout est bien. » P. 27. Et à propos d’un homme qui se noie accidentellement : « La rade de Lisbonne a été formée exprès pour que cet homme s’y noie. Tout est bien. » Mais pour ce mot qui nie le péché originel et ses châtiments — c’est là en effet une des objections faites à l’optimisme — Pangloss est arrêté par l’Inquisition et pendu.

Quelle conclusion tirer de cet univers qui se définirait si bien incohérence, méchanceté, folie ? « Je suis manichéen, dira Martin à Candide. Je pense que Dieu a abandonné ce monde à quelques êtres malfaisants. — II y a pourtant du bien, dira Candide. » P. 143.

A Constantinople, où, pour finir, réunis, tous les acteurs du drame, discutent les choses, Martin dira : « Travaillons, sans raisonner, c’est le seul moyen de rendre la vie suffisante », Pangloss répétera : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles. Car enfin, si nous n’avions pas été chassés d’un château, … vous ne mangeriez pas ici du cédrat ». Alors Candide : « Cela est bien dit, mais cultivons notre jardin. » P. 223.

Eldorado est le seul pays heureux. C’est qu’il a la religion vraie, le déisme. « Pas de moines… qui disputent, qui gouvernent…, qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis. » P. 128. À signaler aussi ces jugements sur le Paraguay : « Les Padres y ont tout et le peuple rien… C’est le chef-d'œuvre de la raison et de la justice. » P. 84-86. Son jugement touchant Paris et la France : « Toutes les contradictions…, vous les verrez dans le gouvernement, dans les tribunaux, dans les églises, dans les spectacles de cette drôle de nation. Jansénistes contre molinistes, gens du Parlement contre gens d'Église… c’est une guerre éternelle. » P. 153.

Candide fit scandale. Cette fois encore Voltaire se défendit d'être l’auteur. Cf. Lettres à Thiériot et à Thibouville des 10 et 15 mars 1759 (xl, 58 et 61). A Genève, Candide fut condamné par le Grand Conseil ; à Paris, l’avocat général, Joly de Fleury, le dénonça comme contenant « des traits et des allégories également contraires à la religion et aux bonnes mœurs ». L’abbé Guyon qui, en 1759, avait publié une critique générale des idées de Voltaire, dans L’oracle des nouveaux philosophes, pour servir de suite et d'éclaircissement aux œuvres de M. de Voltaire, 2 in-12, Berne, y ajouta, en 1760, une Suite de l’oracle des nouveaux philosophes, in-8°, Berne, où il critique entre autres Candide.

14° La Pucelle, 1762 (ix, 309). — À cette œuvre « d’irrévérence et de polissonnerie…, qu’il affectionna entre toutes ses œuvres, Voltaire travailla sans cesse sans jamais l’achever », G. Ascoli, op. cit., 15 juin 1924, vi, p. 419. Il la commença en 1730. De 1730 à 1755, des copies de chants plus ou moins nombreux circulèrent en France et dans les cours allemandes, bien que, dès 1730, Mme du Cbatelet se fût efforcée d’en empêcher la diffusion. En 1755, un éditeur de Lausanne, Grasset, tenta de faire imprimer à Genève une des copies les plus complètes. Voltaire le fit emprisonner, sous le prétexte d’interpolation et de falsili cation, en réalité parce que la copie en question renfermait des Vers Injurieux contre saint Louis, i grillant en enfer… et le méritant bien, homme pieux, sans être homme de bien. contre les Bourbons. contre le féroce Calvin, … l’orgueilleux sectaire », en enfer également, des allusions contre Louis el

Mme de Pompadour, contre Frédéric il. Trois éditions n’en parurent pas moins en 1756° : l’une à Paris,

14 chants, une autre à Louvain, une troisième, s. 1., toutes deux en 15 chants, trois autres encore en 1756. A force de mensonges, Voltaire, qui a même envoyé à l’Académie une lettre de protestation contre l’abus fait de son nom, le 14 novembre 1755, échappe à toute sanction. En 1762, il se décidera à donner une édition avouée, intitulée La Pucelle d’Orléans, Poème divisé en vingt chants avec des notes, in-8°, s. 1. (Genève). En 1771, il en donnera une édition en vingt et un chants, avec les notes de M. de Morea (Voltaire), in-8°, Londres ou s. 1. (Genève). Le fameux Chant de l'âne est le xxe.

Sur les origines et les commencements de Jeanne d’Arc, Voltaire adopte les imaginations de Girard du Haillon, qui vivait cent soixante ans après Jeanne d’Arc, et tout le long du poème, il rend ridicules ou odieux les dogmes, les hommes et les institutions de l'Église.

15° Le testament de Jean Mestier, in-8°, s. 1. n. d. (Genève, 1761), comprenant : 1° un Abrégé de la vie de l’auteur, p. 1-4 ; 2° V Avant-propos de l’auteur, p. 4-5 ; 3° l’Extrait des sentiments de Mestier adressé à ses paroissiens sur’une partie des abus et des erreurs en général et en particulier, p. 4-64 (xxiv, 293). — Mestier (1664-1729), curé d'Étrepigny-en-Champagnc, de 1692 à sa mort, avouait à ses paroissiens, dans son Avant-propos, n’avoir jamais cru. « Plus d’une fois, j’allais dessiller vos yeux, leur dit-il. mais une crainte… me contenait soudain. » Des copies de son manuscrit couraient à Paris, quand Thiériot le signala à Voltaire.

Ce n’est qu’en 1762 cependant, « qu’ayant plus que jamais l’Infâme en horreur », Lettre à Damilaville, 18 septembre (xlii, 238), et en pleine affaire Calas, il le publia. « Je ne crois pas que rien, écrira-t-il au même, le 10 octobre (ibid., 259), puisse faire plus d’effet que le testament d’un prêtre qui demande pardon à Dieu d’avoir trompé les hommes. » Il ne publia pas le manuscrit intégral, « trop long, trop ennuyeux et même trop révoltant » — il sera donné en 1864 à Amsterdam en 3 in-8° par Budolph Charles (B. C. d’Ablaing von Giessenburg) ; il corrigea également le style « dur, dense et cahoteux » des extraits qu’il publia. Surtout, il en transforma l’esprit. « Mestier était athée, communiste et libertaire. Son gros manuscrit est le réquisitoire le plus copieux et le plus enragé qu’on puisse imaginer contre le trône et l’autel. » L' Avant-propos se termine par ces mots, qu’approuve Naigeon, Dictionnaire de philosophie, t. iii, p. 239, art. Mestier, et dont Diderot a tiré deux vers connus : « Je souhaiterais que tous les tyrans fussent pendus avec des boyaux de prêtres. » « Il est possible même que Mestier n’en ait tant voulu aux prêtres que parce qu’ils étaient l’appui des rois… et perpétuaient l’injustice sociale. » « Voltaire bâillonna la voix révolutionnaire du bonhomme et grima ce farouche athée en prêcheur anodin d’un déisme bourgeois. » G. Lanson, dans Revue d’hisl. litl., 1912. p. 12 ; Cf. P. Bliard, Revue d’apologétique, 15 avril 1020 : l’n singulier adversaire de l’Eglise : 'le curé Jean Mestier, p. 88 sq.

Voltaire-Mestier invoque contre le christianisme les arguments suivants : 1° Si Dieu a donné aux hommes une religion, il a dû la marquer de caractères visibles. De tels caractères, le christianisme ne les a pas, puisque les christicoles sont toujours divisés, op. cit., p. 207-298. - 2° lue religion qui a pour fondement un

principe d’erreur ne peut être divine, or, le christianisme, le catholicisme RUTtOUt, en réclamant une foi aveugle sous le prétexte qu’il vient de Dieu, s’appuie sur le principe d’erreur de tous les Imposteurs religieux. P. 208 290. 3° Les quatre preuves extrinsèques qu’il Invoque de son origine divine : les miracles, l.i ordance entre la vie de Jésus (.ht M et les pm