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VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES

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Résumé. C’est que, si « tout ce qui peut dépendre de la coutume est différent, tout ce qui tient à la nature humaine se ressemble d’un bout de l’univers à l’autre » et « la nature a mis dans le cœur des hommes l’intérêt, l’orgueil et les passions ». Ibid. Le progrès vers la civilisation est cependant possible mais il ne peut être que social : « Il y a un amour de l’ordre qui anime en secret le genre humain et qui a prévenu sa ruine totale. C’est un des ressorts de la nature qui reprend toujours sa force. » Ibid.

Par quels moyens établir l’ordre sauveur ? « Il n’y a que trois manières de subjuguer les hommes : les policer en leur donnant des lois ; employer la religion pour appuyer ces lois ; égorger une partie d’une nation pour gouverner l’autre ». Essai, c. xiii. Cette troisième manière s'écarte d’elle-même. De bonnes lois imposées au nom de la religion constitueraient le procédé le plus efficace, la religion étant l’opinion, laquelle est toute-puissante. Cf. Rem., vi et vu. Malheureusement les religions amènent des querelles, donc des désordres. Reste ainsi l’autorité d’un homme sage et sans préjugés, imposant des lois à des peuples déjà à demi sages et à demi sans préjugés. Cela ne peut être assuré que par le progrès de la raison : « la seule manière d’empêcher les hommes d'être absurdes et méchants c’est de les éclairer ». Rem., xv, p. 569.

Encore que Voltaire se défende de toute partialité, l’on peut redire de cette œuvre, pour tout ce qui concerne le christianisme, et en particulier le catholicisme, ce qui a été dit du Siècle de Louis XI V, suite d’ailleurs de l’Essai, que les préoccupations de la propagande philosophique et de la guerre contre « L’Infâme » y ont rendu Voltaire tendancieux et injuste envers les hommes, les papes par exemple, les institutions comme l’institution monastique, les époques, comme le Moyen Age, et l’ont amené à ne voir dans les seize premiers siècles chrétiens et même plus que « des temps de fureur, d’avilissement et de calamités », tous malheurs dont la religion est une cause.

C. CLXX.

Ce livre est à l’origine de la guerre entre Voltaire et le jésuite Nonnotte. Cf. ici, t. xi, col. 795-796. Nonnotte, en 1757, publia un Examen critique ou Réfutation du livre des mœurs, in-8°, Paris, qui deviendra, en 1762, les Erreurs de Voltaire, 2 vol. in-12, Avignon, plusieurs fois réédité et toujours augmenté. Voltaire y répondit, sous le nom de Damilaville, par des Éclaircissements historiques, auxquels il ajoutera une Addition aux observations littéraires, ouvrages publiés ensemble par l’auteur à la suite de son écrit, Un chrétien contre six juifs, 1770, sous ce titre : Incursion sur Nonotli ; et s’en vengea par la xxie et la xxiie des Honnêtetés littéraires, où il accuse Nonnotte de lui avoir offert, contre mille écus, de ne pas publier les Erreurs. Nonnotte ripostera par des Réponses aux Eclaircissements historiques et aux Additions, 1767. En 1797, il publiera encore un livre intitulé l’Esprit de Voltaire, qui, joint aux Erreurs, donnera V Esprit de Voltaire dans ses écrits, 3 vol. in-8°, Paris, 1820. Cf. Pal. Ilaydu. Un chapitre de la lulte de la Compaqnie de Jésus contre Voltaire. ClaudeFrançoit Nonotle, in-8°. Budapest, 1935. De Nonootte, dani ni plaisanteries, Voltaire ne sépare pas un autre jésuite. PatoulUet, qu’il accuse d’avoir écrit un mandement qui lui déplaît de M. de Montillet, archevêque d’Auch. Cf. i<i t. jci, col. 2251-2253.

Un anonyme avant publié, en 1755, une Critique <i<l’Histoire universelle de M. de Voltaire, au sujet de Mahomet ou du Mahomilitme, in-P 1, Voltaire répondit par une Lettre civile et honnête à l’auteur malhonnête de lu critique de /' Histoire universelle de M. de

oltaire, qui n’a jamais fait V Histoire universelle. Le tout un mi pi dr Mahomet,

En 1767, parurent trois réfutations de la Philosophie de l’histoire : 1° Défense des livres de l’Ancien Testament contre l'écrit intitulé la Philosophie de l’histoire, in-8°, Amsterdam, d’un chanoine de Rouen, Clémencet ; 2° Supplément à la Philosophie de l’histoire, in-8°, Amsterdam, d’un hellénisant, Larcher ; 3° Réponse à la Philosophie de l’histoire. Lettres à M. le Marquis de C***, par le P. Louis Viret, cordelier conventuel, in-12, Lyon. En 1766, l'évêque de Gloucester, Warburton, ami et disciple de Pope, qui avait publié à Londres, de 1736 à 1741, son fameux ouvrage, Divine Légation of Moses. Demonstraded of the Principles of a Religious Deist, 5 vol. in-8°, ayant donné une seconde édition de cet ouvrage et y contredisant les chapitres que l’Introduction à l’Essai consacrait à Moïse et à la religion juive, Voltaire lui répondit ainsi qu'à Larcher, dans la Défense de mon oncle (xxvi, 369).

12° La religion naturelle, poème en quatre parties. Au roi de Prusse, par M. V***, Genève (Paris), 1756, 24 p. in-12. Appelé aussi Poème sur la loi naturelle. Voltaire le composa à Berlin, pour rentrer dans les bonnes grâces de Frédéric II, qui d’ailleurs n’en fut pas satisfait. Il y a une loi morale, universelle, antérieure et supérieure aux morales qui reflètent ou les religions ou la vie des sociétés ; le respect de cette loi constitue la vraie religion. Elle seule peut assurer la tolérance, donc la paix sociale.

I rc partie. Dieu existe. Qu’il ait créé le monde ou « arrangé la matière éternelle », que notre âme soit « un de nos sens ou subsiste sans eux », il est. Quel culte attend-il de nous ? Tous les peuples lui en rendent un différent. « Cherchons donc par la raison si Dieu n’a pas parlé. » Dieu, par la nature, a ordonné l’homme à toutes ses fins. « La morale uniforme en tout temps, en tout lieu, parle au nom de ce Dieu. D’un bout du monde à l’autre, elle parle, elle crie : Adore un Dieu, sois juste et chéris ta patrie. « Autrement, comment expliquer le remords qui poursuit le coupable « en tout temps, en tout lieu » ?

I Ie partie. Cardan, Spinoza répondent : Le remords n’est qu’une illusion créée par l’habitude sociale. Non, riposte Voltaire : « Tous ont reçu du ciel avec l’intelligence ce frein de la justice et de la conscience. » Mais, insiste-t-on, l’enfant reçoit ses pensées de sou éducation : « Il n’a rien dans l’esprit, il n’a rien dans le cœur. » Voltaire reconnaît l’influence de l'éducation ; « mais, observe-t-il, les premiers ressorts sont faits d’une autre main ».

IIIe partie. Où en est-on aujourd’hui ? « L’univers est un temple où siège l'Éternel. Là chaque homme à son gré veut bâtir un autel. Tous traitent leurs voisins d’impurs, d’infidèles. Des chrétiens divisés les infâmes querelles, ont, au nom du Seigneur, répandu plus de sang que le prétexte vrai d’une utile balance n’a désolé jamais l’Allemagne et la France. (".'est que « de la nature on étouffe la voix ; que l’homme fit Dieu à son image. …injuste, emporté, vain, …barbare comme nous ». Hors de l'Église, point de salut. Mais i tant d’esprits élevés seront-ils donc damnés ? »

/ V" partie. « La paix que l’on trouble et qu’on aime est d’un prix aussi grand que la vérité même ». I.a paix religieuse, c’est au souverain à la maintenir dans ses États, non sans doute en portant la main sur l’encensoir, mais en imposant à tous, prêtres ou citoyens. ped de la loi.

Le poème se. termine par cette Prière : « () Dieu qu’on méconnaît, ô Dieu que tout annonce, mon cœur peut s'égarer, mais il est plein de toi. Kt je ne

puis penser qu’un Dieu qui m’a fait naître, quand nies jours sont éteints me tourmente à jamais. » Si l’on en croit le duc de Luynes, Mémoires. 1 et In