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VOLTAIRE. PRINCIPALES ŒUVRES


Maupertuis et La Baumelle, in-8o, 1753. Ce dernier ripostera par une Réponse au Supplément, in- 12, Colmar, 1754, qui deviendra dans une nouvelle édition Lettre de M. de La Beaumelle à M. de Voltaire, in-12, Londres.

2. L’Essai sur les mœurs.

A Cirey, dès 1740, Voltaire entreprit pour Mme du Châtelet un abrégé de l’histoire du monde. Le Mercure en donna des fragments, en 1745-1746, sous ce titre : Nouveau plan d’une histoire de l’esprit humain ; en 1750-1751, sous cet autre titre : Histoire des croisades. En 1753, Néaulme publia à La Haye, sans l’aveu de l’auteur, un Abrégé de l’histoire universelle depuis Charlemagne jusques à Charlequinl par M. de Voltaire, 2 vol. in-12, que l’auteur désavoua, puis compléta par un Essai sur l’Histoire universelle, tome troisième, in-12, Dresde. En 1756, Voltaire donnera de son œuvre un premier texte complet : Essai sur l’histoire générale et sur les mœurs et l’esprit des nations depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, 7 vol. in-8o, s. 1. (Genève), qui englobait le Siècle de Louis XIV et un Essai sur le règne de Louis XV. En 1765, il publiera la Philosophie de l’histoire par jeu M. l’abbé Bazin, qui sera l’Introduction de l’œuvre. En 1769, dans la Collection complète des Œuvres de M. de Voltaire, 45 vol. in-4o, Genève et Paris, 1768, aux t. viii et ix, il donna le texte définitif de Tissai, sous son titre actuel : Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. La Philosophie de l’histoire servait d’Introduction. Dans l’intervalle, en 1763, il avait publié des Remarques pour servir de supplément à l’Essai, in-8o, s. 1. (Genève).

Dans sa pensée, Avant-propos (xi, 158), et I ie Remarque, l’Essai doit s’opposer à l’Esprit des lois, et, plus encore, compléter et corriger le Discours sur l’histoire universelle : le compléter, parce que celui-ci s’arrête à Charlemagne, et surtout parce que, sous le nom d’Histoire universelle, il n’offre que l’histoire de trois ou quatre nations, « aujourd’hui disparues », laissant dans l’ombre « comme barbares » les Arabes, qui cependant ont changé la face de l’Asie, de l’Afrique et de la plus belle partie de l’Europe », dans le silence « les anciens peuples de l’Orient, Indiens, Chinois, si considérables avant que les autres nations fussent formées » ; le corriger, car il commet des cireurs : ne fait-il pas des Égyptiens, « peuple très borné », un peuple « policé » ? Ne sacrifie-t-il pas l’univers « oublié » au minuscule peuple juif, « faible et barbare », dont il fait le pivot de l’humanité. Plus que tout, Voltaire élimine de l’histoire toute finalité providentielle. Les événements « sont l’effet nécessaire des lois éternelles et nécessaires ». Rem., ix. Nous ne pouvons d’ailleurs nous placer au point de vue de Dieu mais seulement rattacher le cours des clioses à des causes vériflablea : de petits faits ou de grands hommes au milieu de circonstances favorables ; à des causes, plus difficilement saisissables. c’est vrai : les forces d’action et de réaction latentes en toute société et dépendant d’elle-même et le hasard, rencontre imprévue de certaines causes. C’est Irt sa conception de l’histoire. Son œuvre sera ainsi « l’histoire de l’esprit humain i, Rein., n. ou de l’humanité et de ses mouvements généraux plutôt que de ceux qui ont détenu l’autorité et « du détail des faits » sans importance d’ailleurs ni certitude. C. cxcvn. L’Essai, théoriquement, commence à Charlemagne ; en f ; iit. dana le* premiers chapitres ci surtoul dans la

Philosophie de l’histoire, Voltaire remonte aux origines.

Il est polygéniste ; les diversités de nues n’empêchent pas cependant une certaine unité de races de l’humanité, il a fallu de longs siècles pour que les hommes passent de l’état de brutes une civilisa tion rudimentaire et pour qu’ils arrivent à une cou

ception rudimentaire de l’âme, Philosophie de l’histoire, c. ii, iii, iv ; puis non à l’idée « d’un Dieu formateur, rémunérateur et vengeur », qui est « le fruit de la raison cultivée », mais à une religion faite de superstitions. « Avec le temps, chaque nation, même la juive, aura ses dieux particuliers ». C. v.

De grands peuples se forment. Dans l’Inde d’abord, étant donné les conditions du climat et le frein de la métempsychose. Ibid., c. xvi. Cf. Essai, c. m et iv ; dans la Chine, où vivait le théisme et qui devait recevoir les hautes leçons de Confucius, c. xviii ; cf. Essai, c. i et n. Surgissent ensuite l’Egypte et la Grèce où vivent l’idolâtrie, les oracles, la magie, les miracles, toutes choses qui supposent imposture et crédulité, mais où, « sous les doctrines ridicules », on retrouve la croyance à un Dieu suprême et à sa justice. C. xix-xxvii. Les Juifs viennent plus tard. Cette nation « ne compte que depuis Salomon, à peu près le temps d’Hésiode ». Leur histoire fourmille de contradictions ; leurs prophètes se livrent à de rebutantes excentricités ; leurs croyances sont empruntées. « Ils doivent tout aux autres nations », c. xxviiixxx. Derniers venus, les Romains, en qui l’amour de la patrie, vanté par Bossuet, consista, plus de quatre cents ans, à dépouiller les autres au profit de la masse commune. Policés avec le temps, ils furent les législateurs des autres peuples.

Alors que le reste de la terre poursuit sa voie, deux religions orientent l’ancien monde dans une direction nouvelle : l’islamisme qui provoquera en Europe, en Asie, en Afrique, une révolution profonde. Mahomet, i un enthousiaste qui appuya par des fourberies nécessaires une religion qu’il croyait bonne », la fit triompher, non parce qu’elle favorisait la volupté — à côté de la religion juive, celle-ci est sévère — mais par les armes, le courage, la tolérance, les dogmes rationnels et le respect des traditions, Essai, c v et vi ; le christianisme d’autre part. Il sort tout constitué d’un berceau de légendes. Constantin, un empereur souillé de crimes, fait de lui la religion dominante. C. viii, ix, x. Puis, tandis que, dans les Gaules, l’empire fait place au royaume barbare des Mérovingiens, c. xi, dans l’Italie, opprimée par les Lombards, les papes, dont l’autorité spirituelle ne repose que sur un calembour et des fables, c. viii, s’érigent en défenseurs de la cité, s’appuyant sur ce Pépin qui vient d’usurper l’autorité des Mérovingiens, le sacrant à Saint-Denis, mais ne recevant pas de lui, quoi qu’on ait dit, le territoire de Saint-Pierre. Usant de l’influence qu’assure la religion sur l’opinion, ils établissent ainsi leur puissance, c. xiii, cependant que l’Orient chrétien se perd en querelles théologiques.

Charlemagne, dont « la réputation est une des plus grandes preuves que les succès justifient l’injustice », ce « fils d’un domestique usurpateur », ce. dur ennemi de ses neveux, ce cruel conquérant des Saxons, vit l’Eglise rechercher son appui, en attendant qu’elle fît de lui un saint. II promit aux papes, par une donation que l’on pourrait mettre à côté de celle de Constantin, un Etat qui eût assuré leur indépendance et Léon III le sacra empereur d’Occident, espérant assn rer la paix de l’Eglise, de l’Italie et du monde par cette alliance entre l’Église romaine et l’empire.

I [élasl car » l’histoire… de ce monde n’est guère que l’histoire des crimes », c. xxiii, « à peine Charlemagne est il au tombeau qu’une guerre civile désole sa famille et l’empire ». Ibid. L’empire se brise en royaumes, les royaumes en seigneuries : c’est le régime féodal, i source de guerres, de violences, de rapines et de misères i, Rome et l’Église connaissent i des scandales et des troubles jamais égalés. (’.. xxiii. XXIV, xxx. XXXVII. L’Angleterre, sauf durant le règne d’Alfred le Grand n’est » qu’un théâtre de car