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VOLTAIRE. P HINCIPALKS ŒUVRES


tion, les sens de révolution et de rotation des planètes du système solaire, faits primitifs pour nous, irréductibles à une nécessité logique. » Voltaire note avec joie que « de toutes les preuves de l’existence de Dieu, celle des causes finales fut la plus forte aux yeux de Newton, parce qu’il connaissait mieux que tous les desseins variés à l’infini qui éclatent dans les plus petites parties de l’univers ». C. i. Il félicite Newton d’avoir fait de l’espace et de la durée des attributs nécessaires, immuables de l'Être éternel et immense. Descartes niant la possibilité du vide était condamné à n’admettre d’autre Dieu que la matière. C. n. Newton fait de Dieu l'Être infiniment libre ; en d’autres termes, il soutient que Dieu a fait beaucoup de choses sans autre raison que sa volonté. A quoi Leibnitz objectait que rien ne se fait sans raison suffisante. Voltaire qui sympathise avec l’idée newtonienne ne tranche pas le débat. C. m.

De cette volonté libre, disent Newton et Clarke, Dieu a communiqué « une portion limitée » à l’homme, capable aussi « de vouloir quelquefois sans autre raison que sa volonté ». Contre cette vue s'élève Anthony Collins (1669-1722), dans son Discourse of Free-Thinking, 1713. Il soutient que l’homme est déterminé par des raisons d’agir. Voltaire admet la liberté d’indifférence dans les choses indifférentes, « de spontanéité dans tous les autres cas, c’est-à-dire que, lorsque nous avons des motifs, notre volonté se détermine par eux. Je fais volontairement ce que le dernier dictamen de ma volonté m’oblige de faire. » C. iv.

Enfin Newton fut aussi un fervent partisan de la religion naturelle, entendant par là « les principes de morale communs au genre humain ». Persuadé avec Locke que nos idées nous viennent par les sens, et tous les hommes ayant les mêmes sens, il concluait à la présence chez tous des mêmes sentiments, des mêmes notions grossières qui sont partout les fondements de la société et qui se résument en cette loi : « Fais ce que tu voudrais qu’on te fît, ou traite ton prochain comme toi-même. C’est de ce principe qu’il faisait le fondement de la religion naturelle, que le christianisme perfectionna ». C. vi.

Pour Newton enfin, l'âme est « une substance incompréhensible ». Il aurait accepté cette théorie de Locke que nous n’avons pas assez de connaissance de la nature pour oser prononcer qu’il soit impossible à Dieu d’ajouter le don de la pensée à un être étendu quelconque. Ennemi des systèmes d’ailleurs, il ne jugeait de rien que par analyse et, lorsque ce flambeau lui manquait, il savait s’arrêter et douter (xxii, 422).

11° Le siècle de Louis XIV, 1751 (xiv et xv) et Essai sur les mœurs, 1756 (xi, XII, xiii). — 1. Le siècle de Louis XIV. — Voltaire avait pris le goût de l’histoire au cours de ses études et l’avait développé chez les Caumartin. Il se fit la main avec l’Histoire de Charles XII, 2 vol. in-12, Basle (Rouen), 1731. Dès septembre 1732, il annonce son projet du Siècle de Louis XIV, cf. à Formont (xxxiii, 192). « Il commença cet ouvrage, dit A. Rébelliau, Introduction au Siècle de Louis XIV, édition annotée par A. Rébelliau et M. Marion, in-12, Paris, 1894, p. viii, dans un état d'âme violent, aigri, douloureux, surtout par esprit de réaction contre le siècle présent. » Cf. Lettre à Formont, derniers jours de 1732. De même que, dans les Lettres philosophiques, il vantait l’Angleterre pour mieux critiquer la France, il voulait exalter le siècle du Grand Roi, qu’il admirait d’ailleurs, pour le mieux opposer au régime du présent, médiocre et faible, à son gré. Vers 1738, le livre suivait ce plan : « D’abord les grands événements politiques et diplomatiques, les victoires et les conquêtes, puis la personne, les

mœurs de la vie de la Cour, puis le gouvernement intérieur et les institutions qui avaient augmenté le bienêtre de la nation, les affaires ecclésiastiques », rapidement traitées, en deux chapitres, « enfin la merveilleuse floraison des sciences, des lettres et des arts, la plus grande et la plus vraie gloire du Grand Roi » (J.-R. Carré, loc. cit., l « r juillet 1738, La philosophie de l’Histoire, p. 608). Cf. Lettre à l’abbé Du Bos, 30 octobre 1738 (xxxv, 30). En 1739, pour tâter l’opinion, il publia l’Introduction et une partie du c. I er de son livre, dans un Recueil de pièces fugitives en prose et en vers par M. de V., in-8°, s. 1. (Paris), 1740 (1739), où se trouvait également une Ode sur l’ingratitude, contre Desfontaines. Ce Recueil fut supprimé par arrêt du Conseil, le 4 décembre 1739, à cause de cette Ode. Voltaire feignit de croire que c'était à cause de ses chapitres d’histoire et il ne publiera le Siècle de Louis XIV qu'à Berlin en 1751, sous ce titre : Le siècle de Louis XIV publié par M. de Francheville, conseiller aulique de Sa Majesté et membre de V Académie royale des sciences et belles-lettres de Prusse, 2 vol. in-12, Berlin. Mais le livre s’est transformé. Sous l’influence de Frédéric, les préoccupations philosophiques de Voltaire se sont accentuées. Sans renoncer à faire l’apologie du siècle, il en réduit un peu la gloire : il diminue la part faite aux arts ; il accroît celle des anecdotes tendancieuses ou « des sottises de l’esprit humain ». Surtout, il rejette à la fin les affaires ecclésiastiques, leur consacre cinq chapitres au lieu de deux, comme étant l’envers d’un beau règne. « C'était un siècle de grands talents bien plus que de lumières », dira-t-il dans son Épître à Boileau, 1769 (x, 397), et qui laissait encore un progrès à accomplir. « Le livre était donc comme un groupement de tous les faits du xviie siècle, sous deux idées : d’un côté, la glorification de l’intelligence humaine, réalisant un progrès rationnel, infiniment supérieur à tout ce qui le précédait (cf. P. Hazard, La crise de la conscience européenne (1685-1715), 3 vol. in-8°, s. d. (1935), t. i, Préface) de l’autre « un fragment des folies de l’esprit humain, les hommes s’entre-déchirant dans des querelles qui portent sur des objets invérifiables. » J.-R. Carré, ibid. Cf. Rébelliau, op. cit., p. 20.

Si, en effet, on ne peut reprocher à un homme de son temps d’avoir soutenu un gallicanisme avancé, et c’est son cas, on peut blâmer Voltaire « de faire un exposé plus moqueur que fidèle des disputes religieuses du xviie siècle. S’il termine son livre par le chapitre, Disputes sur les cérémonies chinoises, c’est bien pour laisser cette impression que les manifestations du sentiment religieux sont des actes d’imposture ou d’imbécillité et ne peuvent aboutir qu'à de vaines ou funestes querelles ; l'éloge de Confucius et des Chinois vient en réalité pour diminuer le christianisme. Dans l’intention de Voltaire comme dans son inspiration, le Siècle de Louis XIV, entrepris pour lui-même, était devenu la suite de l’essai sur les mœurs. En 1756 et en 1761, d’ailleurs, le Siècle paraîtra conjointement avec l’Essai, devenu Essai sur l’histoire générale, 7 vol. in-8°, s. 1. (Genève). Cf. E. Bourgeois, Introduction à son édition du Siècle de Louis XIV, in-12, Paris, 1890.

En 1752, parut à Francfort Le siècle de Louis XIV par M. de Voltaire. Nouvelle édition, augmentée d’un très grand nombre de remarques par M. de la B. (La Beaumelle, un des ennemis que Voltaire s'était fait à la cour de Frédéric II), 3 vol. in-8°, 1753. Voltaire répondit par un Supplément au Siècle de Louis XIV, in-8°, Dresde, 1753, où il injurie son adversaire et qu’il fera réimprimer dans le Siècle politique de Louis XIV ou Lettre du vicomte Bolingbrocke sur ce sujet. Avec les pièces qui forment l’histoire du Siècle de M. F. de Voltaire et de ses querelles avec MM. d e