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VOLTAIRE. VIE, FERNEY

à M. de Brenles, des 8 et 20 février (ibid., 32 et 42) ; à M. de Haller, 18 février (ibid., 36). Il se vit attaqué par le pasteur Jacob Vernet, auteur avec Turrettin d’un Traité de la religion chrétienne, 10 vol. in-8°, Genève, 1730-1788, dont le t. viii défend contre l’Essai sur les mœurs certaines preuves du christianisme, auteur aussi de Lettres à M. de Voltaire, in-8°, La Haye, 1757, à propos du même ouvrage, de treize Lettres critiques d’un voyageur anglais sur l’article Genève, 6 vol. in-8°, Utrecht, 1766. Voltaire publiera contre lui, en 1761, un Dialogue entre un prêtre et un ministre, le second de ses deux Dialogues chrétiens ou Préservatif contre l’Encyclopédie (xxiv, 134), le ridiculisera dans la satire l’Hypocrisie, 1766 (x, 137), dans la Guerre civile de Genève, 1768 (ix, 507), après l’avoir pris à partie dans une de ses Lettres sur les miracles, sous le nom de Robert Govelle (xxv, 407). Voltaire s’aliéna ainsi le corps des pasteurs, et même la bourgeoisie. Et quand, en 1762, la condamnation de l’Emile et du Contrat social eut donné corps à Genève à des divisions latentes, et surtout, après qu’en 1764, devant l’indignation des pasteurs et de la bourgeoisie, le Grand conseil eut condamné, « comme impie et destructeur de la révélation », le Dictionnaire philosophique, il intervint dans les luttes intérieures de la cité contre « les loups » huguenots et « les bonnets carrés » de la bourgeoisie, soutenant les êtres les moins recommandables comme « M. le fornicateur » Covelle, horloger du nom de qui il signera plusieurs de ses pamphlets. Cf. Rapport de M. de Montpéroux, représentant officiel de la France à Genève. Cité par F. Baldensperger, op. cit., p. 584. C’est à ce moment qu’il pensera à Moyland. Il se vengera de ses ennemis genevois par la tragédie des Scythes, 1766, et par le poème satirique la Guerre civile de Genève, 1768 ; cf. F. Baldensperger, Voltaire contre la Suisse de Jean-Jacques : la tragédie des Scythes, dans Revue des cours et conférences, 15 juillet 1931, p. 673 sq., et en attirant à Ferney, où lui-même a fondé une fabrique de montres, les meilleurs ouvriers de la cité.

Le plus illustre ennemi de Voltaire fut Rousseau. Ils sont bien ensemble jusqu’en 1756. Ne servent-ils pas la même cause ? En 1755, Rousseau fait aux Genevois l’éloge de Voltaire ; il lui envoie aux Délices son Discours sur l’inégalité et Voltaire répondra par la lettre railleuse mais aimable du 30 août 1755 (xxxviii, 446) ; cf. ici t. xiv, col. 105-106. Plus tard, Voltaire regrettera encore que Rousseau fût devenu « un fauxfrère ». Les hostilités commencèrent avec la Lettre sur la Providence du 18 août 1756, ici t. xiv, col. 106, qui répondait au Désastre de Lisbonne. Voir plus loin, col. 3420. Voltaire ne ripostera qu’en 1759, par (.’(// ! dide, mais, dans l’intervalle, l’article Genève et la Lettre à d’Alembert sur les spectacles, ici t. xiv, col. 107, ont achevé la scission. La Lettre sur la Providence, tenue secrète par Rousseau, ayant été publiée en 1700, peut-être par Voltaire, Rousseau s’excusera d’une indiscrétion, où il n’est pour rien, par une Lettre du 17 juin (xl, 422-423), qui est une véritable déclaration de guerre. Cf. Confessions, t. X, et Lettre de Voltaire à Mme d’Épinaꝟ. 14 juillet 1760 (xl, 460). A partir de ce moment, bien que Voltaire, si du moins on l’en croit, ait offert à Rousseau dès 1759 un asile sur son domaine, Rousseau, chassé par Genève puis par Berne, verra la main de Voltaire dans toutes ses mésaventures. De son côté, Voltaire déversera sur lui les plus violentes injures dans sa Correspondance, dans sa brochure, le Sentiment <lrs citoyens, ici t. xiv, col. 121-122, s’y vengeant d’un passage des Lettre » de la montagne, I" partie, lettre v, où Rousseau s’étonne que lui, chrétien, soit persécuté à Genève, tandis que ces messieurs de Genève entourent de prévenantes, le chef des philosophes antiehrétieiis. l’an teur du Sermon des cinquante, et il désigne Voltaire. Dans la Guerre civile de Genève, celui-ci accusera celui-là des pires méfaits religieux, des pires tares physiques et morales. Pas un livre de Rousseau ne paraîtra qu’il n’en oppose un, qui est une critique ironique et malveillante : à la Nouvelle Héloïse, les Lettres critiques sur la Nouvelle Héloïse ou Aloïsia de J.-J. Rousseau, citoyen de Genève, par le marquis de Ximenès, in-8°, s. 1., 1761 (xv, 146) ; au Contrat social, les Idées républicaines, in-8°, s. I. (Genève ?), s. d. (1762) (xxiv, 413) ; à la Profession de foi, le Sermon des cinquante. Voltaire approuvera cependant certaines pages de la Profession de foi, - y retrouvant ses idées. Cf. Notes inédiles de Voltaire sur la Profession de foi’, publiées par B. Bouvier dans les Annales de J.-J. Rousseau, 1905, p. 272-284. On attribuera aussi à Voltaire la Lettre au docteur Pansophe, in-12, Londres, 1766 (xxvi, 17-19), qui parut en anglais et en français, les deux textes en regard ; cf. Brunetière, Voltaire et J.-J. Rousseau, dans Revue des Deux Mondes, 10 juillet 1887, p. 208 sq. En 1770, Rousseau voulut souscrire à la statue que désiraient élever à Voltaire ses admirateurs. L’offre ne fut pas acceptée. Cf. A. Feugère, Rousseau et son temps. La Lettre à d’Alembert. La querelle de Rousseau et de Voltaire, dans Revue des cours et conférences, décembre 1932.

C’est à Ferney encore que Voltaire devint pratiquement « l’apôtre de la tolérance » et un redresseur de torts. Il avait toujours réclamé la liberté de la parole, de la presse, de la conscience ; en 1756, il était intervenu — sans succès — en faveur de l’amiral Byng, condamné à payer de sa vie l’échec de Port-Mahon ; mais c’est en 1762, l’année du Sermon des cinquante, avec l’affaire Calas qu’il entre dans ce rôle. Jean Calas, un huguenot de Toulouse, a été condamné à mort par le parlement de cette ville et exécuté le 9 mars, comme ayant étranglé son fils Marc-Antoine, qui voulait se faire catholique. Voltaire a d’abord vu là un drame du fanatisme huguenot et il en plaisante. A.M. Le Bault, 22 mars 1762 (xlii, 69). Mais, sous la pression de réformés, par antipathie pour les parlements, dans le désir aussi de montrer à quelles injustices aboutit le fanatisme, il prend le parti des Calas et à force île Lettres, de Mémoires, d’intrigues, par le Traité sur la tolérance, in-8°, 1763 (xxv, 13) — mis à l’Index, le 3 février 1760 — il fait casser par le Conseil du roi l’arrêt de Toulouse. 4 juin 1764, réhabiliter Jean Calas, 9 mars 1765, sentences que n’enregistrera jamais le parlement visé, du côté de qui n’est peut-être pas l’erreur judiciaire. Cf. H. Robert, Les grands procès de l’histoire, I re série, in- 16, Paris, 1922, p. 269 sq. ; M. Chassaigne, L’affaire Calas, in-12, Paris, 1929. Ce fut ensuite l’affaire Sirven, toute semblable. Près de Castres, dans la nuit du 3 au 4 janvier 1764, on trouva dans un puits le cadavre d’une jeune huguenote, Elisabeth Sirven, qui, elle aussi, parlait de se faire catholique. Ses parents qui s’enfuient ont été pendus en effigie, à Mazamet, le 1 er septembre. Voltaire les fera réhabiliter par le parlement de Toulouse, le 25 novembre 1771. Dans l’intervalle, en 1766, il publiera un Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven (xxv, 516). Cette même année, il s’occupe du jeune libertin l.a Harre, qui, ayant l’habitude d’insulter aux croyances de ses compatriotes, a été condamné à une mort cruelle par le tribu nal d’Abbeville, sentence confirmée par le parlement de Paris, pour avoir affecté de ne pas saluer une procession et mutile, allirma-t-nn, un crueilix sur un pont. Le parti philosophique, Voltaire en premier lieu, était compromis dans l’affaire, Ne devait-on pas brûler avec le cadavre le Dictionnaire philosophique, les Lettres sur les miracles, les Discours de l’empereur Julien, trouvés chez l’accusé. SI Voltaire