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VŒUX DE RELIGION. OBLIGATION CRÉÉE


a. 4, 5, 6, sur le mérite du vœu et de l’œuvre vouée, comparée à celle qui ne l’est pas. Voir l’art. Vœu, col. 3226. Deux comparaisons complémentaires éclairent cette question du péché contre le vœu : 1. entre les œuvres du religieux, quelles sont celles qui vont précisément contre le vœu ? « Est-ce que le religieux, en transgressant des points de règle, pèche toujours mortellement ? » a. 9 ; — 2. de l’œuvre mauvaise d’un religieux et de celle d’un séculier dans le même genre de péché, laquelle est la plus grave ? a. 10.

Étendue de l’obligation du vœu.

A priori, on ne peut pas croire qu’ « une transgression quelconque de la règle religieuse soit toujours un péché mortel, ce qui ferait de l’état religieux, à cause de la multitude des observances, le plus périlleux de tous ». Sed contra, a. 9. La loi religieuse, comme toute loi, ne doit pas obliger toujours sous peine de mort. Ad 2um. Il faut donc en revenir à ce qu’on a dit plus haut du caractère externe ou directif des vœux de religion, a. 7, ad l um et 2um, et distinguer dans la règle deux domaines.

1. Ce qui est la fin de ladite règle, à savoir les choses qui regardent les actes des vertus, actes extérieurs que la règle peut rappeler, pour atteindre la perfection intime de telle vertu ; et là-dessus, le religieux est à la même enseigne que le séculier : « pour les choses qui tombent sous le précepte pour tous les fidèles, péché mortel ; pour ce qui dépasse pour tous la nécessité de précepte », par exemple les actes insignes des vertus de charité, de pénitence, etc., « pas de péché grave, à moins qu’il n’y ait mépris de ces consignes, ce qui serait renoncer à tendre à la perfection », a. 9, corp. : renoncer formellement à ce qui est la raison d’être des vœux de religion serait une faute plus grave encore que l’infraction passagère à l’un de ces vœux : ce serait, en effet, aller contre la charité et la perfection propre à son état de vie, contre telle vertu, voire contre tout progrès spirituel ; ce serait même renoncer à l’observation fructueuse de ses vœux et en mettre en péril l’observation tout court ; mais ce ne serait pas, en rigueur de termes, une faute contre les vœux, ni contre la vertu de religion.

2. « D’une autre façon sont contenues, dans la règle, des choses qui regardent l’exercice extérieur, comme sont toutes les observances extérieures », domaine propre de la perfection religieuse, ea qmr exterius aguntur, les seules choses dont l’Église se fait législateur et juge. Or, « parmi ces exercices extérieurs, il y a des points auxquels le religieux est obligé par son vœu de profession », donc au nom de la vertu de religion : « les directives principales de ce vœu sont très nettes : la pauvreté, la chasteté et l’obéissance ; tout le reste des observances est ordonné à cela ; et, à cause de cela », puisque ce sont les points essentiels de la législation religieuse, « la transgression de ces trois vœux entraîne péché mortel ». Il s’agit, d’après saint Thomas, de péchés externes contre la pauvreté, la chasteté et l’obéissance : mais ces trois domaines déterminés sont de façons fort diverses commandés par chaque vœu : alors que le vœu de chasteté s’étend aussi loin que la vertu de continence parfaite, et qu’il interdit, selon la définition théologique, l’œuvre « le chair, ni plus ni moins, le vœu d’obéissance ne s’applique, comme la vertu d’obéissance proprement dite, qu’aux choses commandées par le supérieur ; quant au vœu de pauvreté, comme il n’a i > ; is pour le régler une vertu spéciale la pauvreté n’étant pas une vertu pour saint Thomas — ut les ertus annexes de justice, de libéralité, de désintéressement, qui fixent assez largement les limites que le religieux doit garder. Aussi bien, les règles religieuses, si expéditives sur le chapitre de la chasteté, ont dû donner des directives détaillées conformes aux fins de leur ordre sur la pauvreté et l’obéissance.

Rappelons enfin que les vœux de religion — comme le vœu en général, voir l’art, précédent — sont des obligations graves ex génère suo, mais comportent légèreté de matière et défaut de connaissance ou de consentement parfaits : Religiosus peccatum duplex commitlit, contra virtutem scilicet et contra religionem ; si prius sit veniale, ita etiam de secundo dicendum erit. Gury, Casus conscientiæ, t. ii, p. 74, 75, 65. Cf. Vermeersch, De religiosis.

3. « Les autres infractions à la règle », celles qui portent sur les points secondaires ordonnés à la garde des vœux, « ne comportent point de péché mortel, sinon à cause du mépris de la règle, parce que ce mépris va directement contre la profession, par laquelle on a voué la vie régulière, ou encore à cause du précepte qu’en ferait le supérieur…, parce que ce serait agir alors contre le vœu d’obéissance >. Op. cit., a. 9, corp. On ne saurait être plus net pour décharger le religieux de fautes graves imaginaires : sauf les trois points particuliers dont il s’est fait une obligation personnelle, il n’a, tout comme les séculiers, qu’à pratiquer les vertus chrétiennes et à remplir ses devoirs d’état. Il y a sans doute deux écueils à éviter :

a) le mépris formel, qui, de soi, s’étend à toutes ces précautions et équivaut à un renoncement à cette « vie régulière qui est l’essence même des trois vœux », ad l um : car, qui dit mépris dit « contravention à la règle par la volonté de se soustraire à sa sujétion ». Ad 3um.

b) « la simple désobéissance, au contraire, vient d’une cause particulière : désir désordonné, colère, etc. ; bien que, à force de se répéter sur un même point, elle dispose au mépris de cette prescription, c’est tout de même très différent du mépris total ». Ad 3um.

Ces distinctions ne sont point prises d’Aristote, mais des auteurs ascétiques, comme saint Anselme, Geoffroy de Vendôme, Rupert de Deutz etc., aux endroits cités plus haut. Eux-mêmes étaient tributaires d’une longue tradition monastique qui avait interprété « la loi monastique sous laquelle on veut militer », Reg. monach., c. 58, dans le sens large d’une vie régulière, vivere secundum régulant ; cꝟ. 1). Kothenhausler, dans les Hcitràge de D. Herwegen, iii, p. 20-22, 1912 ; D. P, de Puniet, La spiritualité bénédictine, dans Cahiers thomistes, 1928, p. 667. La règle de saint François devait être interprétée par le concile de Vienne en ce sens que « les seuls conseils évangéliqucs d’obéissance, de chasteté, de pauvreté, avaient force obligatoire, ainsi que les autres proposés dans la règle suh perbis obligaloriis ». Iiulle Exivl de paradiso du 5 mai 1312 : « Mais il est encore plus prudent que la règle spécifie, comme on le fait en certains ordres, que l’on fait profession d’obéissance secundum rcgulam : de cette façon, on ne va contre sa profession qu’en transgressant ce qui est donné dans la règle sous forme de précepte ; les autres omissions son ! péché véniel. Dans la règle’les frères prêcheurs, c’est encore mieux ; une telle transgression ex suo génère n’entraîne aucune faute, ni mortelle, ni vénielle, mais une peine déterminée. » Ad l" m. Noir là-dessus Lemonnyer, L’/ Vie humaine, p. 522. Les gens du dehors s’étonneront de la discrétion des législateurs religieux ; mais les théologiens seront d’avis qu’on iioii assurer aux religieux le maximum du vœu : toutes les fois qu’Us obéissent à leurs constitutions, ils font acte de la vertu de religion ; avec un minimum de risques : quand on enfreint la règle, on pèche rarement île ce seul fait, et généralement pas contre le