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VŒUX DE RELIGION

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voeux de pauvreté et de chasteté des moines ». Cité q. lxxxviii, a. 11, sed contra. Saint Thomas « crut devoir, dans la Somme, rendre raison de cette indispensabilitas par quelque chose qui fût soustrait à l’autorité de l’Église et donc par autre chose qu’une œuvre de l’homme, par une intervention divine qui dirimait le mariage et l’appropriation ». Cajétan, In 7/ am -// a’, q. lxxxviii, art. 10, où le texte parle, en effet, d’une « certaine consécration ou bénédiction spirituelle : aussi nul supérieur ecclésiastique ne peut faire que celui qui a émis un vœu solennel soit soustrait aux offices auxquels il a été consacré…, bien que certains juristes par ignorance, disent le contraire ». C’est pour saint Thomas un vœu consécration. Cette conclusion théologique venait de l’idée très haute qu’il se faisait de la donation totale du religieux : elle ne pouvait s’opérer, pensait-il, que par une reprise par Dieu de tout notre être, en sa racine productive elle-même : son corps, ses biens. Cf. Mennessier, p. 440. Conclusion en harmonie avec le droit canonique de l’époque, simple raisonnement néanmoins que les juristes du xiiie siècle sentaient bien n’être pas le dernier mot de l’Église.

c. — Voilà, en effet, le grand juge en la matière, le pape, qui s’exprime ainsi par le décret De volo de Boniface VIII († 1303) : « Nous, considérant que la solennité du vœu a été inventée seulement par la constitution de l’Église… » Cité dans les Décrétales. Et, ce que l’Église a institué, elle peut le réglementer, comme l’ont fait Grégoire XIII et ses successeurs jusqu’à nous. Tellement que l’opinion s’est faite unanime entre les théologiens que l’Église est seule juge des conditions et sanctions à mettre au vœu solennel. Sotemne votum est si ub Ecclesia ut taie fuerit agnilum, can. 1308, § 2. Est-ce à dire que cette « reconnaissance » officielle soit l’essence même du vœu solennel, comme le dit Sanchez ? La question continue d’être controversée, car aliud est solemnilas voti, aliud voti solemnis essentiel, comme disent subtilement les théologiens de Salamanque, tr. XX, disp. IV, n. 52 : à l’exemple du mariage, où l’Église déclare les conditions de validité sans pour autant lui conférer son caractère de contrat indissoluble, il apparaît plus probable qu’on peut continuer à reconnaître au vœu solennel une valeur particulière, étant « l’acte par lequel le religieux se consacre totalement à Dieu ». P. Janvier. Confér. de N.D.. 1023. p. 348.

c) Sa dispense. Mais dès là que l’Église a reconnu cette donation à Dieu comme spécialement définitive, garde-t-elle encore pour elle le droit d’en dispenser, comme l’admettent la législation et la pratique actuelles de l’Église ? Oui, devons-nous dire, parce que, si totale que soit notre donation, elle reste envers Dieu une obligation d’ordre moral contractée par le moyen d’une promesse : l’Église pourra en dis penser, comme de toute autre promesse faite à Dieu, s’il y a une raison légitime, dont elle sera juge au nom de Dieu. I. Mennessier. op. eit.. p. 130. Ce serait toutefois plus manifeste encore si. comme l’insinue gaini Thomas, q. lxxxviii, a. 0. ad.’i" m. la promesse est faite aux prélats de l’Église et tombe sous le vœu comme matière, c’est-à-dire si l’on fait Vœu a Dieu dans la mesure même où l’on promet a l’Église sou service », donc dans la mesure OÙ celle-ci l’impose et l’accepte, sur cette double traditio, voir P. Mercier, dans Kevue thomiste, avril 1925. l.e vœu solennel n’est pas un vœu conditionné, mais un vœu contrôlé : l’Église, ayant maîtrise sur l’économie dis vœux de religion, peut déterminer elle même la qualité de son acceptation, <-t remettre ensuite la donation qui lui a été faite a elle même Théorie subtile, peut être, mais qui jusl ilier.iil la place donnée Ici à la question du von solennel dans la dispensation sociale des vœux : les vœux de religion sont bien, par leur essence profonde, une donation de l’homme à Dieu, comme on le verra à l’article suivant ; mais la solennité donnée à certains d’entre eux est une institution ecclésiastique par quoi l’on promet à Dieu de servir l’Église selon ses intentions.

Ainsi la théologie du vœu, comme beaucoup d’autres thèses de théologie morale, tout en réservant leur place, à la suite de Suarez et de saint Alphonse, aux notations précises de la casuistique, gagnerait à développer son exposé des principes en s’inspirant de saint Thomas. Comme celui-ci ne néglige jamais, surtout en pareille matière, de marquer les connexions de la pensée théologique avec l’ascétisme du Moyen Age et la spiritualité des Pères de l’Église, c’est tout naturellement que s’opère, à ces hauteurs, l’harmonie désirée. L’enseignement du « Docteur commun » sait allier l’élan de la pensée grecque à la solidité de la doctrine des Pères latins.

Le texte expliqué est celui de la Somme théologique, II*-II", q. lxxxviii, avec références au traité parallèle du Commentaire sur les Sentences, !. IV, dist. XXXVIII. Les textes patristiques afférents à chaque thèse ont été réunis sommairement par Suarez. Les anciens scolastiques ont traité du vœu à propos des empêchements de mariage. In Sent., I. IV, dist. XXXVIII ; c’est le cas de saint Bonaventure, d’Albert le Grand, de Durand, etc. Grégoire de Valencia a disposé le sien en forme de Commentaire in II h -II iii, t. m ; de même Cajétan, qui est le plus sur interprète de la pensée de saint Thomas, qu’il développe dans des applications morales originales ; Hilluart, De religione, dissert. IV ; Pègues, Commentaire littéral de la Somme. Les théologiens postérieurs ont fait des traités originaux : S. Antonin, Summa major, p. II, t. xi ; Lessius, De justifia et jure, 1. VII ; Soto, De justifia, 1. VII ; Sanchez, Inprœcepl. Deeal., tr. IL Suarez a placé son De volo dans son grand traité De relicjione, dont ce tractatus IV occupe 400 pages de l’édition Vives, t. xiv, p. 750-1179 ; ajouter son De voto du t. xv, p. 820 sq. Après les moralistes modernes, La Croix, Busembaum, S. Alphonse de Liguori, Theol. mor., I. III, n. 200 sq. ; Lemhkuhl, Theol. moral., p. I, tr. II, c. 3 sq. ; Merckelbach, t. ii, p. 728 sq. ; Noldin, I. ii, p. 210 ; Vermeersch, t. ii, p. 162 sq., deux monographies : C. Kirchberg, De voti natura, obligations, honestate, Munster. 1022, et celle du Dictionn. apolog., avec un appendice apologétique du P. Plus. En français, signalons :.1. Didiot, l.u vertu île religion, p. 323-393, Vittrant, Précis de théol. morale, I. ii, p. 27.’i sq., et Jones, etc., et surtout dans les Conférences de Moire-Dame, de Mgr d’Hulst, la 1° conférence du Carême 180.’!, p. 131-145 avec les notes ; dans celles du P. Janvier, de 1923, la conférence sur l’état de perfection, p. t 10-121 avec les notes techniques. Nous axons utilisé les notes, les renseignements techniques du H. P. L. Mennessier, dans son édition de la Somme théologique île la Revue des Jeunes », Paris, 1934 : La religion, t. ii, p. 373 sq. et I2 : î sq. Voir encore (). Lottln, L’âme du eulle, 1920. Pour l’antiquité classique, voir l’art. Votum du Dictionn. des antiq. grecq. <’romaines de Daremberg-Saglio.

P. SÉJOURNÉ.


VŒUX DE RELIGION.
Il importe de distinguer le vœu en général, considéré en lui-même et dans sa nature propre, et les trois vieux essentiels de religion, i dont l’harmonieuse synthèse constitue i ensemble sni generis. au régime de vie bien caractérisé. Cette distinction s’impose ; car. à l’efficacité propre au vœu en tant que tel, s’ajoute l’efficacité spéciale à l’ensemble. G. Lemattre, Sacerdoce, prr fection et vœux, 1032. p. 55. L’Église ne contrôle que de 1res loin les vu-ux privés laissés à l’initiative de chacun, pane qu’ils n’engagent qu’une toute petite part de l’activité des fidèles ; tandis que les vœux de religion ne se limitent pas a un objet déterminé : chacun d’eux a une quasi universalité dans son objet, et. tous ensemble, ils i envahissent l’activité tout entière du religieux, et assujettissent pour toujours la personne même ». (). I.ollin. La me spirituelle.