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VŒU. ÉTUDE THÉOLOGIQUE

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Cette autorité peut déclarer que la promesse entrave, hic et nunc, un plus grand bien, qu’elle n’existe pas de la part de telle personne, ou n’a pas son application opportune en tel cas.

Espèces.

1. L’irritation d’un vœu, c’est-à-dire son annulation ou sa suspense, est le fait de celui qui a pouvoir dominatif, soit sur la volonté de celui qui a fait vœu, un enfant, une femme dans la famille, can. 1312, § 1, un religieux sous un supérieur, can. 1315, soit sur la matière du vœu, « quand l’accomplissement du vœu lui porte préjudice », can. 1312 § 2. Les deux cas avaient déjà été prévus par saint Augustin pour les mineurs, Quæsl. in Heptat., q. lvi, P. L., t. xxxiv, col. 744 ; pour les gens mariés « qui ne peuvent vouer la continence nisi exconsensu etvoluntate communi », Episl., cxxvii, ad Armentarium, P. L., t. xxxiii, col. 487 ; Epist., ccxx, n. 12, ad Bonijacium, ibid., col. 997 ; pour les biens de la famille, Epist. ad Ecdiciam, ibid., col. 1078. Dans les deux cas, les vœux, dès leur origine, sont « empêchés par cette condition qui va de soi : si celui dont je dépends, moi ou mes biens, n’y contredit point ». A. 8. Pour les vœux privés des religieux, cf. a. 12, ad 2um. Voir aussi Suarez, op. cit., p. 1088, qui conclut à un pouvoir de droit naturel. Saint Augustin avait dit aussi : Hoc enim Deus voluit.

2. La dispense est toute autre chose : c’est l’affranchissement d’un vœu qui était valide, sur lequel Dieu, et parfois des tiers, avait acquis des droits : ce ne peut être le fait que d’une autorité spirituelle qui, au nom de Dieu, prononce que tel vœu a cessé d’obliger. Cela suppose pouvoir de juridiction, can. 1309, 1313, et exige, au moins pour la licéité, a. 12, ad 2um, une juste cause : le bien de l’Église, ou de telle communauté ou de la personne dispensée, le danger de transgression, l’imperfection du vœu… Le pouvoir de dispenser est tellement le privilège de l’autorité sociale en tant que spirituelle qu’elle a tenu à faire exception poulies droits acquis d’un tiers, bénéfices temporels acceptés par lui principalement à son avantage. On pourrait rendre compte par cette exception du fait que le pouvoir soit réservé au Saint-Siège de dispenser des vœux de religion, contrats onéreux à l’égard d’un ordre religieux… Cf. Suarez, op. cit., c. xv, n. 7, p. 1115. Tandis que la commutation consiste à remplacer une obligation par une autre généralement moins onéreuse, la dispense est la remise entière et définitive, faite au nom de Dieu, des obligations envers lui contractées. Après de longues controverses, l’avis unanime des théologiens c’est que le pouvoir de dispenser des vœux a été donné à l’Église avec le pouvoir des clefs, Matth., xvi, 19, ce pouvoir s’étendant à tous les liens spirituels qui ne sont pas insolubles de leur nature ou de droit divin. Mais « ce n’est pas une dispense à la loi naturelle qui oblige à tenir ses promesses envers Dieu ; simplement, c’est un cas où cette loi ne s’applique plus, par suite de la rémission de la dette par Dieu ». Merckelbach, op. cit., p. 738 ; cf. IP-II*, q. lxxxviii, a. 10, ad 2um, qui dit plus prosaïquement que « la décision de l’autorité spirituelle délimite ce qui tombait vraiment sous l’obligation d’une délibération humaine qui n’a pu tout passer en revue, omnia circumspicere ». Le rôle de l’Église est déjà assez grand dans la dispense des vœux : elle ne parle pas ici au nom de Dieu, mais, avec son agrément, elle décide dans le sens du bien commun de tout ce qui concerne l’ordre général de nos obligations morales. Elle s’interpose comme la mère de famille pour « dispenser, c’est-à-dire pour faire une répartition bien proportionnée ou pour adapter les ressources communes aux besoins de chacun », A. 10, corp. Elle use d’ailleurs de son pouvoir avec discrétion, et pour en atténuer les inconvénients moraux, elle procède souvent par voie de commutation.

3. La solennité.

Si l’Église peut ainsi adoucir les obligations de certains vœux, elle peut aussi, par contre, en « solenniser » certains autres, pour signifier par certains rites la gravité de l’engagement contracté, à savoir le vœu de continence du sousdiacre qui reçoit l’ordre sacré, et celui des religieux « dont elle a reconnu la profession comme solennelle ». Can. 1308, § 2. Sur la nuance qui subsiste entre les deux, cf. Billuart, De voto, diss. IV, art. 5, p. 967 de l’édit. de Paris, 1853.

a) Sa signification. —

Elle n’est guère contestée, ni sa portée sociale : si l’Église a solennisé certains vœux, c’est qu’ils ont à ses yeux un caractère officiel et définitif qui établit les personnes dans un ministère essentiel ou un état de vie intéressant au plus haut point ses activités propres, non pas en vue d’activités cultuelles, comme les ordres sacrés, mais pour signifier leur état d’application au service de l’Église. Suppl., q. xl, a. 2, ad l um. Ce qu’exprime la solennité du vœu, c’est donc la valeur sociale particulière que l’Église lui reconnaît, comme engagement définitif.

b) Son essence. —

Le mot est de Sanchez, qui situe très bien les trois positions des théologiens à cet égard : « elle consiste : 1) pour les uns dans une certaine bénédiction divine ; 2) pour d’autres dans la donation actuelle de celui qui voue… ; 3) pour beaucoup de théologiens, la solennité du vœu relève du seul droit ecclésiastique, encore que l’obligation même envers Dieu soit de droit naturel ». Sanchez, In prœceptis Decalogi, t. ii, 1. V ; cf. De matrimonio, t. VII, disp. XXV, n. 1. Pour découvrir la raison profonde de cette reconnaissance officielle, il était de toute prudence de se fier à la discipline de l’Église : c’est elle qui, en se développant, a résolu la question.

a. — Du temps des grands scolastiques, il n’y avait de vœux de religion que les vœux solennels : « par le vœu solennel on devient moine ; par le vœu simple on promet de le devenir. » IIa-IIæ, q. clxxxix, a. 2, ad l um. Il était naturel que saint Thomas ait cherché « l’obligation plus forte du vœu solennel », q. lxxxviii, a. 7, ad l um, dans ce qui distingue à première vue tous les vœux de religion des vœux privés. Cf. Quodl. viii, a. 10 ; Quodl. iii, a. 18 et surtout In IV am Sent., dist. XXXVIII, q. ii, a. 2, qu. 3. Il faut, pense-t-il, chercher la solennité du vœu ex parle voventis, car « la solennité de ces vœux tient à la donation de la chose même que l’on promet, si bien que, dans l’espèce, promesse et exécution ne font qu’un ; tandis que la promesse de livrer temporaliter quelque jour ou pour quelque temps « par exemple un pèlerinage, cela ne peut être un vœu solennel ». In /V um Sent., loc. cit., ad l um. « Le vœu solennel, ex sui natura », promesse gagée de son corps et de ses biens, emporte l’incapacité au mariage et le transfert en possession. Ibid., ad 2um et 3um. Voir la démonstration juridique (et historique !) en sens contraire de Sanchez, loc. cit. Et puis surtout l’Église, par la bulle Ascendente Domino de Grégoire XIII († 1585), reconnaîtra qu’on peut être constitué dans l’état religieux par des vœux simples et que certains d’entre eux impliquent l’aliénation des biens et la nullité du mariage. La tradition totale de la personne n’est donc plus l’essence ou du moins l’apanage propre du vœu solennel ; la mise à disposition immédiate est la caractéristique de tout vœu de religion.

b. — Mais ce qui donnait le plus de confiance aux défenseurs des vœux solennels de religion et le plus de tablature aux juristes, cf. Alain de Lille, cité par Raymond de Penafort, Summa, t. I, c. ix, c’était la lettre d’Innocent III, insérée aux Décrétales : elle avouait que le « pape lui-même ne peut dispenser des