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VŒU. ETUDE THEOLOGIQUE

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omne opus quod agitur ut sanctti societale inhæreamus Deo. Le but du vœu qu’est-il, en effet, sinon que « celui-là se voue, qu’il se donne et qu’il se consacre uniquement à Dieu ? » Enarr. in Psalm., cv, 13, t. xxxvii, col. 1494. Et à quel prix ? Au prix d’un renoncement à la liberté.

C’est à saint Augustin que sont dues tant de formules pieuses, qu’il faudrait citer en latin parce que, plus ou moins modifiées au gré de ses innombrables disciples, elles sont devenues le bien commun des auteurs ascétiques du Moyen Age. Tel l’adage de Prosper d’Aquitaine :

Optima vota Deo, quorum est dator Ipse, voventur : Hoc sursum dignum est ire, quod inde venit.

Epigram., c. liv, P. L., t. li, col. 514 ; ou cet autre, toc. cit., col. 503 :

Quid voveat Domino quisquis bene corde volutat, Ipsum se totum prseparet et voveat.

Saint Anselme emprunte aussi à saint Augustin le meilleur de sa doctrine des vœux, qui est un long plaidoyer, plus fertile en affirmations qu’en références : « Car il est certain que celui qui bene vovet ipso volo Deo placet. Que celui donc qui a fait un bon vœu ne le regrette point, puisqu’il a fait là de quoi plaire à Dieu… » Epist., t. II, ep.xii, P. L., t. clviii, col. 346. Voilà l’utilité du vœu dans son émission : ipso voto Deo placet ; et voici l’utilité de l’accomplissement fidèle : éviter l’enfer réservé aux apostats, échapper aux foudres de l’Église, ou mieux, « garder de bon cœur ce qu’on a voué, et mener une sainte vie, par nécessité, dira-t-on, mais moi je dis : avec la même liberté que l’on a mise jadis en sa promesse 1° Cur Deus homo, t. II, c. i, P. L., t. clvii, col. 403. Disons que c’est une liberté surveillée. L’abbé du Bec aura souvent à revenir, en effet, sur l’objection des libertaires, et aussi sur les tergiversations des indécis. Voir la lettre citée plus haut, et tant d’autres où revient comme un leit-motiv le mot du psalmiste : Vovele et reddite, avec les gloses ordinaires. On a prêté longtemps à saint Anselme le joli mot sur le geste du fidèle qui donne, non seulement les fruits de son jardin, mais l’arbre avec les fruits. La comparaison, qui est probablement du Maître, se lit dans le livre de son disciple Eadmer, De simitiludinibus, (. vin ; cf. c. xxxiv, P. L., t. clviii, col. 786.

Les partisans de la liberté n’ont jamais manqué au Moyen Age ; et l’argument dont ils usaient était toujours le même, mais il était de poids, du moins comme argument d’autorité. On prêtait, en effet, cette sentence à Prosper d’Aquitaine : « Nous devons faire abstinence ou jeûner, mais sans nous soumettre a la nécessité de le faire, de peur de faire sans dévotion et à contre cœur rem voluntariam, une chose qui doit se faire de plein gré. » De vita contemplation, t. II, c. xxiv, P. L., t. lix, col. 470. Le manuel De la vie contemplative ne pouvait être du disciple d’Augustin et son auteur est Julien Pomère, voir ici t.xii, col. 2537 sq.

Dans la théologie.

Aux développements que les grands scolastiques ont donnés à la question de l’utilité du vœu, on sent que les affirmations de saint Anselme et les envolées’de saint Augustin laissaient encore certains esprits soucieux, surtout au moment de la levée « le boucliers contre les ordres mendiants. Saint Bonaventure, on le sait, a consacré le meilleur et la partie la plus originale de son œuvre théologique à la défense des vœux. Cf. Qiuettiones diêputatse < ! * perfectionne evangelica, surtout q. iv, a. 2. Apologia pauperum, op. omnia, Quaracchi, t. iv, p. 183-189. Salnl Thomas, en plus de la question lxxxviii de la II » - II*, du Cont. Cent.. I. III. c. cxxxix, du Quodtib. iii, a. 2, lui a consacré trois opuscules : Contra impugnanles Dei cultum et religionem, Contra pestiferam doclrinam hominum retrahentium a religionis ingressu, De perfectione vitæ spiritualis. Ces ouvrages, dont les titres marquent suffisamment le caractère occasionnel et aussi les préoccupations majeures de chaque auteur, ne négligent pas les points de vue traditionnels et ne donnent qu’une place restreinte aux arguments d’ordre divers qui alimentent trop souvent la polémique moderne. À comparer les trois chefs de preuves de nos deux grands Docteurs, on a l’impression que la théologie scolastique avait réussi, malgré la diversité des attaques, à établir une ligne de défense sur les positions marquées jadis par Augustin — qui parlait du vœu en général et singulièrement du vœu de virginité — et plus récemment par saint Anselme — qui traitait des vœux monastiques.

1. Les trois arguments.

a) Avec saint Bonaventure, faisant l’apologie du vœu de pauvreté, c’est saint Anselme d’abord, puis saint Augustin que l’on entend défendre la « perfection évangélique ». « Le vœu ne diminue pas la perfection en nous obligeant, mais la porte plutôt à son comble. 1. Il fait avec quelque chose de temporel quelque chose d’éternel… en offrant à Dieu, non seulement l’acte, mais la volonté (= Eadmer) ; 2. il fait de ce qui est nôtre quelque chose de divin : il offre et soumet tout aux droits divins (= S. Augustin, Epist., cxxvii) ; 3. enfin il présente à Dieu la moelle du sacrifice, puisqu’il sacrifie la volonté intime des biens, offrande parfaite et totale souverainement agréable au Dieu de toute bonté, » (S. Augustin, In Ps., cxxxi.) Apologia pauperum, c. h. Ces trois arguments, disposés en crescendo, s’appliquaient autant et plus aux actes voués qu’au vœu lui-même ; c’était bien ainsi que les anciens Pères avaient parlé. Mais les adversaires du xiiie siècle rétorquaient que ces trois mérites d’une œuvre parfaite pouvaient être acquis par les bonnes dispositions d’une âme, aussi bien sans vœu que par vœu.

b) Saint Thomas, qui a confondu, lui aussi, les deux points de vue dans ses ouvrages de polémique, a distingué soigneusement, dans la Somme, les mérites propres du vœu, q. lxxxviii, a. 4 et 5, et les mérites dérivés du vœu sur les œuvres qui en découlent.

a. — L’émission du vœu est, pour nous-mêmes, d’une grande utilité si « elle affermit notre volonté immuablement à ce qu’il nous est bon de faire », a. 4 ; c’est là, pour ainsi dire la bonté générale du vœu. Sa bonté spécifique tient à ce que cette offrande du premier moment est, « par mode de commandement, un acte de religion » ordonné lui-même au culte de Dieu, et « qui ordonne à son tour à cette même fin les autres actes » promis, de quelque nature qu’ils soient, a. 5, corp. et ad l um. Nous ne sortons pas de l’acte propre de vouer, qui est essentiellement une promesse, c’est-à-dire une assurance verbale et une ordinutio réelle : l’assurance est pour stabiliser notre liberté dans le bien, mais « l’ordonnance » en est faite au culte de Dieu. C’est toute la doctrine de saint Augustin sur le vœu ascèse et sur le vœu offrande qui, avec saint Thomas, a pris définitivement sa bonne place dans la réhabilitation des vœux. Constat quod Deo promitlunttir sub ratione revrrentiæ, quoniam promittuntur ut offerendum Deo, Cajétan, in h. loc. Cf. I. Mennessicr, op. cit., p. 380, qui applique cette vue religieuse au vœu conditionnel : « La promesse en ce cas a le caractère honorant d’une action de glaces anticipée… exprimant alors la disposition à remercier et à reconnaître les bienfaits divins. »

b. Quant à l’accomplissement du vœu, « à ce jeûne qu’on est dans la nécessité de faire ». a. ». obj. l a, à ces » pratiques pénibles, qu’on fait parfois