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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LE QUICUMQUE

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divines par les processions : « Le Fils, dit-il, est envoyé par le Père, non le Père par le Fils, parce que le Fils est né du Père et non le Père du Fils. De même le Saint-Esprit est dit envoyé par le Père parce qu’il procède du Père et du Fils. » Contra Fabian., fragm. 29, ibid., col. 797.

Comme saint Augustin, il montre qu’il y a dans la vie de l’âme une image de la Trinité et il reprend l’exemple emprunté à l’intelligence, la mémoire et la volonté : Sunt enim quædam tria in mente humana, quæ ad agnitionem Dei proficiant, si non sibi obduratio humani cordis lumen veritalis abscondat. Hsec autem sunt tria quæ dixi : memoria, intelligeniia et volunlas : quæ propriis ita discernuntur vocabulis, ut nulla in eis sit diversitas naturalis. Alia quippe est memoria, alia intelligentia, alia volunlas ; et tamen non sunt hsec veraciter tria, non est mentis diversa sed una natura, quoniam ista, quæ irina sunt, in una mente humana consistunt. Contra Fabian., fragm. 18, col. 771-772. Ailleurs, dans le De Trinilale ad Felicem, 7, ibid., col. 504, Fulgence cite deux autres trinités naturelles : numerus, mensura et pondus pour le corps ; memoria, consilium et voluntas quam diximus esse amorem pour l’âme. Ce qu’il y a de plus remarquable chez saint Fulgencc, c’est la plénitude de ses formules. On lui a parfois attribué la composition du symbole Quicumque vult et, bien que cette attribution soit peu vraisemblable, I’évêque de Ruspe n’était pas indigne d’elle.

Les Italiens. Boèce. —

Parmi les Italiens de la fin du v « et du début du vr » siècle, il n’y a guère que Boèce qui mérite d’être cité, à cause des efforts qu’il a faits pour éclairer et justifier par la philosophie les données les plus obscures du dogme trinitaire. Le Quomodo Trinitas unus Deus ac non 1res dii, P. L., t. lxiv, col. 12471256, explique que les relations étant quelque chose d’extérieur en quelque sorte à la substance, la substance et partant l’unité divine n’est pas touchée par les relations personnelles qui constituent la Trinité. La brève dissertation sur la question Ulrum Pater et Filius ac Spiritus Sanctus de divinitate subslantialiler prsedicantur répond négativement à cette question parce que, la substance divine étant quelque chose d’absolu et d’unique, tout ce qui est énoncé de Dieu substantialiter l’est absolument des trois personnes. Or, les trois personnes divines ne peuvent être énoncées indépendamment l’une de l’autre et sont essentiellement quelque chose de relatif : Quo fit, conclut Boèce, ut neque Pater neque Filius neque Spiritus Sanctus, nec Trinitas de Deo substantialiter prsedicentur sed, ut dictum est, ad aliquid. P. L., t. lxiv, col. 1302.

On sent, dans ces formules, que la scolastique n’est plus très loin. Il faut ajouter d’ailleurs que les expressions employées par Boéce ne sont pas toutes également heureuses. C’est ainsi que, dans son traité De persona et duabus naturis, Boèce propose une définition de la personne qui a été adoptée par les philosophes et les théologiens des siècles suivants d’une manière presque unanime : Persona est naturse ralionalis individua substantia. Ibid., iii, col. 1343 D. Le mot substantia a cependant toujours fait dresser l’oreille aux théologiens et ce n’est qu’à force de distinctions subtiles qu’ils parviennent à Innocenter le maître : le terme subsistentia serait seul correct, mais Boèce ne l’emploie pas et il déclare qu’il n’est pas possible de confondre substantia et subsistentia.

Il explique même que Dieu, lui aussi, comme l’homme, est ouata, c’est-à-dire essence ; car il est, et cela d’une manière suprême, puisque c’est de lui que provient l’être de toutes choses. Il est oùotwoiç, c’est-à-dire subsistence, car il subsiste sans aucun secours. De plus il est substance (oçtara-rai, subslat enim). Aussi nous disons que, flans la divinité, unique’.t(t. et’t’ialtamç, c’est-à-dire l’essence et la subsistence ; mais qu’il y a trois tooai’xGa.c, , c’est-à-dire trois substances. Et de fait, suivant cette manière de voir, on a dit autrefois une seule essence de la Trinité, trois substances et trois personnes. L’usage actuel de la langue ecclésiastique exclut trois substances. Et pourtant il semble que l’on pourrait appliquer à Dieu le mot substance, non qu’il soit le suppôt des autres choses, mais, parce qu’en même temps qu’il domine toutes les créatures, il est comme le principe fondamental qui les soutient et qui les fait oùaicôa6at et subsister. » De persona, ai, col. 1345.

Boèce se laisse ici arrêter à la difficulté qui avait déjà retenu saint Augustin. Le mot ÛTt6fjTaaiç avait été employé par les Grecs : pourquoi les Latins ne pourraient-ils pas employer sa traduction substantia dans le même sens ? Une telle objection oublie que les mots ont une histoire et qu’il n’est pas possible de s’en tenir, pour les interpréter, à leur signification étymologique. La visée grecque qui part des personnes divines n’a jamais été identique à la visée latine qui prend son appui sur l’unité divine : voilà ce qu’il ne faut jamais oublier lorsqu’on essaie d’établir la concordance des deux vocabulaires, et il est curieux qu’un esprit comme Boèce, rompu cependant au maniement des disciplines logiques, ne s’en soit pas mieux rendu compte.

Ajoutons d’ailleurs que, lorsque Boèce écrivait ses opuscules théologiques, l’Occident possédait peut-être déjà l’expression la plus complète du dogme trinitaire dans la formule connue sous le nom de symbole de saint Athanase. Voir 1. 1. col. 2178 ; t. xiv, col. 2930. Si l’on veut chercher quelque part l’aboutissant du travail de toute la période patristique en ce qui regarde la sainte Trinité, c’est là qu’on le trouvera, en des termes d’une décisive précision : « Quiconque veut être sauvé, avant tout il est nécessaire qu’il tienne la foi catholique : et s’il ne la garde pas intègre et inviolée, sans aucun doute il périra pour l’éternité. « La foi catholique est que nous vénérions un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les personnes et sans séparer la substance. Autre en effet est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit ; mais du Père, du Fils et du Saint-Esprit, une est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté.

Tel est le Père, tel le Fils, tel le Saint-Esprit : Incréé le Père, incréé le Fils, incréé le Saint-Esprit. Immense le Père, immense le Fils, immense le Saint-Esprit. Etemel le Père, éternel le Fils, éternel le Saint-Esprit. Et pourtant il n’y a pas trois éternels, mais un seul éternel ; il n’y a pas trois incréés ni trois immenses, mais un seul incréé et un seul immense. Scmblablement, tout-puissant le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit ; et pourtant il n’y a pas trois tout-puissants, mais un seul tout-puissant. Dieu est le Père ; Dieu, le Fils ; Dieu le Saint-Esprit : et il n’y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu. De même Seigneur est le Père, Seigneur le Fils, Seigneur le Saint-Esprit ; et pourtant il n’y pas trois Seigneurs, mais un seul Seigneur. De même que nous sommes contraints par la vérité chrétienne de confesser séparément chaque personne comme Dieu et Seigneur, ainsi la religion catholique nous interdit de dire trois Dieux ou trois seigneurs. « Le Père n’a été fait par personne, ni créé, ni engendré. Le Fils est du Père seul, non fait, non créé, mais engendré. Le Saint-Esprit est du Père et du Fils, ni fait, ni crée, ni engendré, mais procédant. Il y a donc un seul Père et non trois Pères ; un seid Fils et non trois Fils ; un seul Esprit-Saint et non trois Esprits-Saints. Et dans cette trinité. rien n’est premier ou dernier, rien n’est plus grand ou plus petit ; mais toutes les trois personnes sont coéti-rnelles et coégales. Ainsi, comme il a déjà été dit. Il faut vénérer l’unité dans la trinlté et la trinité dans l’unité. Que Œlul qui veut être sauvé pense ainsi de la Trinité.

Cette belle formule se passe de commentaire. 1 illi s’impose d’elle-même à l’attention et au respect. On n’y trouve pas la moindre trace de discussion <>u de controverse, La philosophie et la dialectique en sont

également absentes. À quoi bon Justifier la foi lorsque