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VŒU. ÉTUDE THÉOLOGIQUE

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être préférable à l’état antérieur » de cette personne. « L’objet qui est légitimement promis à Dieu est donc toujours meilleur que celui dont on se défait en son honneur. » J. Didiot, op. cit., p. 348. On aura ainsi le bénéfice de garder pour tous les vœux une même consigne d’application commode et qui indique si bien le but de tout vœu : cherchons seulement si elle est suffisamment observée par l’individu qui s’engage. « Pour reconnaître donc pratiquement si… le vœu est validé de ce chef, il faut rechercher si cette promesse mettra de plus en plus le sujet en état de sanctifier et de sauver son âme. > J. Didiot, loc. cil.

Observations.

Pour expliquer les exégèses successives du melius bonum de saint Augustin, nous avons suivi les moralistes et casuistes dans leurs ultimes concessions, jusqu’aux xviie et xviiie siècles. Revenons donc en arrière pour marquer les acquisitions dues à saint Thomas sur les vœux d’obligation générale, les vœux dont l’objet se révèle illicite et les vœux en matière indifférente ou de peu de valeur morale : par quoi il restreint, autant que possible, le domaine propre du vœu à ces œuvres excellentes que sont les œuvres de pur conseil : il faudra que les discussions renaissent entre théologiens du XVe siècle, dénégations méprisantes et réhabilitations des œuvres de précepte, pour élargir à nouveau le domaine du vœu à toutes les plus humbles observances.

1. Les vœux d’obligation générale. —

Nous entendons par là les vœux qui engagent toute la vie d’un chrétien à l’observance de tous les commandements divins : c’était pratiquement ce que nous appelons encore les « vœux du baptême ». Sont-ils de véritables vœux ?

La question était sans doute résolue depuis longtemps dans le sens négatif par la prédication courante, qui n’aurait pas osé charger d’un sacrilège toutes les infractions même graves des chrétiens aux promesses de leur baptême. Mais elle avait été embrouillée par une malencontreuse allusion du Maître des Sentences : « Il faut savoir, enseignait le Lombard, qu’il y a deux sortes de vœux : le vœu « commun » et le vœu « singulier ». Le premier est celui que tous font au baptême, lorsqu’ils promettent de renoncer au diable et à ses pompes. Il y a vœu singulier lorsque quelqu’un promet spontanément de garder la virginité, la continence, ou quelque autre chose semblable. » Sent., t. IV, dist. XXXVIII. Le Maître ne se prononçait point sur la valeur religieuse du vœu du baptême, et le distinguait même discrètement des autres vœux qui sont « spontanés » ; cependant, il le classait parmi les vœux et surtout lui donnait ce titre de vœu « commun » qui n’était pas pour le déconsidérer.

Qu’avait donc dit saint Augustin de ces vœux communs ? Entendait-il par là les vœux du baptême ? ou du moins des vœux de portée générale ? Pas le moins du monde. « Tous tant que nous sommes, avait-il dit, omnes communiter, que devons-nous vouer ? Mais de croire en Dieu, d’espérer en lui la vie éternelle, de bien nous conduire selon la règle commune. Car il y a une règle commune à tous : ne pas voler ne s’adresse pas moins aux gens mariés qu’aux religieux. Il y a aussi des vœux singuliers, propres à chacun [de ces états] : le premier promettra la chasteté conjugale : c’est un grand vœu… Que chacun fasse le vœu qui lui agrée : voveat quod vovere volueril. » Enarr. in Psalm., i xxv, n. 16, P. L., t. xxxvi, col. 967. Saint Augustin, propagandiste infatigable des vœux sous toutes leurs formes, ne va pas jusqu’à conseiller aux chrétiens en général de promettre d’observer intégralement « la règle commune », c’est-à-dire la morale chrétienne, mais « de bien se conduire selon cette règle commune, secundum communem modum » sur tel ou tel point, par exemple de ne pas voler, ce qui est le vœu « commun » d’un précepte particulier. Le vœu qu’il appelle « singulier » de cet homme marié consistera à garder la chasteté conjugale. Sur ces mêmes vœux spéciaux à chaque état de vie, voir Enarr. in Psalm., lxxxii, n. 4, col. 1058. Ailleurs, sans doute, il assigne à ces « vœux distincts » des objets qui nous semblent bien généraux : Redde vota distincta : confitere le mutabilem, Illum incommutabilem, In Ps., i.xv, v. 14, col. 798 ; cf. In Ps., lxxv, n. 16, col. 967 ; In Ps., xciv, n. 4, col. 1218 ; mais il ne voit point là des vœuxpromesses, simplement des prières : conftleamur, utique laudantes, col. 1218, des « choses dues quoique non promises ». Epist., cxxvii, P. L., t. xxxiii, col. 486. En tout cas, dans le passage classique qui a trompé Pierre Lombard, ses vœux communs, tout comme ses vœux singuliers, sont des promesses d’une vertu déterminée : la foi, l’espérance, ou d’un précepte précis : la chasteté conjugale, l’honnêteté en affaires. Toute la différence entre les deux espèces, c’est que les vœux singuliers s’adressent à une catégorie spéciale de chrétiens, tandis que les vœux communs sont de mise dans tous les états de vie : omnes communiter, par exemple ne pas voler. De plus, ces vœux, même communs, sont des promesses que les fidèles s’imposent volontairement : Quisque quod potest voveat et reddat, loc. cit. ; ils ne peuvent s’entendre des promesses du baptême, imposées, celles-là, à tous les baptisés.

Nul doute cependant que les dits vœux généraux fussent pour saint Augustin, In Psalm., cv, ꝟ. 13, t. xxxvii, col. 1194, des vœux véritables, bien que d’un genre spécial et innommé. En Afrique plus qu’ailleurs, ils revêtaient une solennité qui en disait long : après sa triple confession à la Trinité, face à l’orient, le catéchumène, tourné vers le couchant, c’est-à-dire face au diable, prononçait un triple renoncement avec le rite énergique de la sputation.

Au Moyen Age, on disait couramment, avec la Glose ordinaire, du ps. i xxv, ꝟ. 12, que « dans le baptême les gens font vœu de renoncer au diable… », cf. S. Thomas, IP-II*, loc. cit., ad l um. On rappellera sans doute, et avec raison, qu’à cette époque le sens du mot vœu s’était un peu vulgarisé, et qu’une promesse de ce genre, à portée universelle et qu’on renouvelait à la moindre occasion, était placée au dernier rang de ces engagements de fidélité qui enserraient la vie des chrétiens. Cependant, c’est un vœu, nous dit Hugues de Saint-Victor, que de s’engager à vivre en bon chrétien : c’est même un vœu nécessaire, indispensable : « Si vous n’avez pas fait ce vœu, il faut le faire, parce que vous ne pouvez pas être un bon [chrétien] sans faire ce vœu [général[ ; et puis il faut y être fidèle. » C’est même le seul qui soit incommutable : De sacramentis, t. II, p.xii, P. L., t. clxxvi, col. 552.

Que ce soit là un vœu, et un vœu indispensable, admettons-le, répondaient les canonistes ; mais, au point de vue des obligations qui découlent de promesses si essentielles, appelons-les vota necessitatis, pour les mettre bien à part des vota voluntatis que les chrétiens s’imposeront ensuite de leur propre initiative. « Les vœux de nécessité, dit saint Raymond de Penafort (1175-1275), sont ceux dont l’accomplissement est nécessaire pour tout le monde, qu’on fasse vœu ou non, comme par exemple renoncer au diable et à toutes ses pompes, tenir la foi catholique, accomplir le décalogue, et, en bref, tout ce qui est nécessaire au salut. C’est à quoi tout le monde s’oblige au baptême ; c’est pourquoi tout péché mortel commis ensuite comporte une transgression de ce vœu ;