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VÛEU. ÉTUDE THEŒOGIQUE

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privé : Privatum in abscondilo faclum, solemne vero in’conspectu Ecclesùe. P. Lombard, /V Sent., dist. XXXVIII, P. L., t. cxcii, col. 132.

5° Conséquences morales.

Il résulte de ces observations que tout ce qui nuit à la délibération, au bon propos, à la promesse, voire à sa manifestation extérieure, est de nature à nuire au vœu, au point de le rendre nul en certains cas, et de constituer une faute.

Les moralistes précisent ainsi chacun de ces points :

1. Est nul nécessairement tout vœu fictif prononcé sans l’intention de faire une promesse à Dieu. C’est au moins une faute légère que de simuler ainsi un vœu ; et, si cette fiction constituait dans le concret un grave manquement au respect envers Dieu, un fait gravement scandaleux, ou bien s’il causait une grave déception au prochain, ce serait évidemment une faute grave. Par contre, les scrupuleux sont fort exposés à prendre leurs résolutions maladives pour des engagements et leur crainte même des vœux pour des vœux contractés.

2. L’ignorance de l’obligation inhérente au vœu rend nul celui-ci. Il suffit cependant d’une connaissance habituelle de cette obligation ; une advertance actuelle sur ce point n’est pas nécessaire. Mais une conjecture ou une opinion même exacte sur les obligations qu’on va prendre ne suffit point : il faut savoir ce qu’on promet.

3. L’erreur peut entraîner la nullité, soit qu’elle porte sur la substance ou les conditions essentielles du vœu, soit qu’elle ait été la cause de l’engagement. Cependant, lorsqu’il s’agit des vœux publics de religion, seule une erreur substantielle peut être invoquée comme cause de nullité.

4. Toute crainte grave et injuste rend le vœu nul de plein droit. Code, can. 1037, § 3. Pour les applications pratiques, voir J. Didiot, op. cit., p. 336-339.

5. Une dérogation grave dans l’expression d’un vœu public, accepté au nom de l’Église par un supérieur ecclésiastique, comme la profession religieuse, peut annuler un tel vœu, ou le transformer en vœu privé, suivant qu’en a décidé l’Église ou l’ordre religieux. En elïet. la question de l’extériorité du vœu se ramène toute à celle de son acceptation par son destinataire humain, comme l’a dit saint Thomas.

6. La volonté de ne pas l’accomplir peut-elle annuler le vœu ? Non, répondent les anciens moralistes, dès là qu’elle ne supprime point pratiquement la volonté de promettre : la volonté de manquer à sa promesse ou de la faire annuler par la suite suppose même la volonté de promettre, laquelle est, ni plus ni moins, celle de s’obliger en conscience. Sans doute la volonté de s’engager englobe-t-elle normalement l’intention au moins virtuelle de faire ceci ou cela, et cette mauvaise disposition foncière fait-elle de la promesse, comme dit Cajétan en son langage philosophique, un acte monstrueux », in h. foc ; mais il y a tant de contradictions en une psychologie humaine, et parfois des âmes ainsi complexes sont mises en des situations si fausses par leur ambition même ou leur dépit qu’il ne faut pas jurer qu’elles ont reculé devant un vœu dès l’abord sacrilège. Valencia note pourtant que ceux qui n’ont vraiment aucune intention de faire, en réalité ne veulent pas promettre, quoiqu’ils disent peut-être et pensent. même qu’ils le veulent ». Comm. theolog. in // » -//", t. m. disp. VI, q, vi, n. 1. Le vœu de ceux-là se ramènerait donc à un VOMI fictif.

IL Matii fus tu va t. ! " Dans la tradition. Cette seconde question était aussi embrouillée, dans la tradition théologique plus peut-être que dans la

Créance Commune. Alors que le vœu était regardé, dans l’Ancien Testament, Dent., xxiii, 22, et dans l’ancienne Église, comme portant sur des œuvres de lurérogation, Origène, foc. cit., recommandait aux chrétiens de « vouer leur justice, leur sagesse », aux gens mariés^ de « vouer, comme de bons naziréens, leur continence d’un jour », In Roman., t. IX, c. i. Dans l’Église latine, saint Hilaire regardait comme superflus les vœux des choses impossibles et voulait qu’on vouât des œuvres excellentes de notre foi, c’est-à-dire des œuvres approuvées par l’Église. In Ps.. ixiv, n. 3, 24, P. L., t. xi, col. 414, 434 ; cf. In Ps., cxxxiv, col. 765 ; mais saint Jérôme fait une place dans le vœu à l’observance des « préceptes communs à tous les chrétiens, comme la pratique de sa foi », In Eccl., v, 2, P. L., t. xxxii, col. 1052. C’est saint Augustin qui, le premier, distingua « le vœu commun quod omnibus œqualiler pnecipitur, et le vœu singulier », propre à chaque état de vie : il y a des vœux pour les vierges, pour les veuves, pour les gens mariés : une aumône, la fondalion d’un hôpital. In Ps., i.xxv, 12, P. L., t. xxxvi, col. 967. Mais, dit-il, on ne peut faire vœu de passer à un état inférieur au sien : « On appelle meilleur un bien comparativement plus grand qu’un autre. De bono viduitatis, n. 7, P. L., t. xl, col. 434. Ainsi le veuvage étant meilleur que le mariage ou les secondes noces, « parce qu’il a au-dessous de lui un autre bien sur quoi il l’emporte », n. 9, « l’amour de ce bien meilleur vous a enlevé [grâce au vœu de viduité| la faculté de ce qui vous était permis », n. 20.

Suivons cette expression chez les Pères : Prosper d’Aquitaine la commente sans rigueur, Epigramm., xv, P. L., t. li, col. 503 ; mais saint Grégoire : « On peut se marier sans péché, à moins qu’on ait déjà voué le mieux. Quiconque, en effet, a décidé, proposuil, de s’imposer un bien plus grand, bonum majus, s’est interdit le bonum minus qui lui était permis. Ainsi, pour qui s’était appliqué à plus forte entreprise, c’est évidemment regarder en arrière que d’abandonner des biens plus élevés pour se tourner vers de minimes. » Epist., xxvii, P. L., t. lxxvii, col. 104.

Hugues de Saint-Victor avait laissé tomber l’expression : « un bien meilleur », pour la remplacer par celle-ci beaucoup plus vague : ad ea quæ Dei sunt, loc. cit. ; mais Pierre Lombard l’avait reprise à saint Augustin : Votum est majoris boni conceplio… Cette définition faisait cependant difficulté à saint Bonaventure : « La matière du vœu ne peut-elle pas être un moindre bien ? On dira : Mais il est permis d’être ainsi ; il est donc permis aussi d’en faire vœu ! Réponse : De même que ce n’est pas un mal d’être loué, mais de rechercher la louange, ainsi n’est-il pas mal d’être dans cet état, mais cela fait injure à Dieu de s’obliger par une promesse à Dieu même de façon à ne pouvoir parvenir au mieux. Mais. dira-t-on, il est permis de le vouloir, pourquoi iule serait-il pas de s’y obliger et d’en faire vœu ? Voici : il y a deux manières d’envisager ce « moindre bien » : en tant qu’il désigne un état permis, ou bien en tant qu’il comporte la privation d’un bien plus grand. Du premier point de vue. il est licite d’en faire vœu respec.tu mati, parce que, comparé à cimal, c’est d’une certaine façon un plus grand bien : mais, s’il vous prive d’un plus grand bien, ce vœu n’est pas permis et n’oblige pas, sinon à la pénitence. C’est pourtant un cas semblable à celui du mariage, OÙ quelqu’un s’oblige, en se mariant, à un état d’imperfection ? Non, ce n’est pas la même chose : la on s’oblige envers une autre personne, qui se satisfait de cet engagement parce qu’elle ne cherche pas la perfection ; mais par le Vœu on s’oblige envers Dieu qui veut toujours le meilleur, i Sent.. I. IV. dist. XXXVIII, é.lit. Vives, t. vi. p. 379-380. Les questions connexes de mariage, de désir vertueux, d’état d’Imperfection, etc., ne faisaient qu’em brouiller la question, et l’expression : le bien meilleur