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VOCATION, — E CONCILE DE TRENTE


il l’appelle « vocation divine ». Toutefois, ce n’est pas en cela que consiste la note personnelle d’Ignace dans la question. Elle consiste en la méthode, à la fois mystique et surnaturellement rationnelle, établie par lui pour bien faire l’élection, c’est-à-dire pour trouver la volonté de Dieu, objet de la vocation intérieure.’En dehors d’un cas miraculeux comme celui de saint Paul sur le chemin de Damas, qui rendrait toute recherche superflue, voici les principes directifs de cette méthode :

Au préalable, pour me mettre dans les conditions les plus favorables à cette élection, je m’efforcerai, par la prière et la pénitence, de me dégager de toutes les inclinations ou affections désordonnées qui pourraient influencer mon choix, et d’attirer sur mon âme les lumières et les motions du Saint-Esprit. — Puis, je me placerai en face du but de ma vie, qui est de glorifier Dieu et de sauver mon âme, et je me demanderai quel est le meilleur moyen pour moi d’atteindre ce but : si c’est de rester bon chrétien dans le monde, ou de solliciter le sacerdoce, ou d’embrasser la vie religieuse. — Alors, tout en faisant les méditations appropriées, j’observerai avec soin à quel parti je me sens porté avec paix de la conscience, humilité sincère, joie spirituelle, c’est-à-dire par l’Esprit de Dieu ; à quel parti je me sens poussé avec remords de la conscience, orgueil secret, trouble et tristesse, c’est-à-dire par l’esprit du mal. Souvent il résulte de là une indication précieuse qui, chez les âmes très pures, peut même être suffisante ; c’est le procédé d’inspiration. Parfois aussi il n’en sort rien du tout, l’âme n’éprouvant aucune motion dans un sens ni dans l’autre. Pour plus ample information dans le premier cas, de toute nécessité dans le second, on recourt alors au procédé rationnel. Ainsi :

Raisonnant selon les principes de la foi, je pèserai soigneusement, du point de vue de la gloire de Dieu et de mon salut, les avantages et les inconvénients de chaque parti, et je verrai de quel côté penche la balance. — De plus, supposant qu’un inconnu soit à ma place et me demande conseil, je considérerai ce que je lui répondrais et je m’appliquerai cette réponse à moi-même. — Enfin je me transporterai en esprit à l’heure de ma mort et je me demanderai ce que je préférerais alors avoir fait aujourd’hui. C’est cela que je choisirai. — L’élection conclue, le retraitant la présentera à Dieu dans une prière fervente, le suppliant de la confirmer si elle lui est agréable. Et, s’il se sent dans la paix, dans la confiance et dans la joie spirituelle, il pourra considérer son élection comme définitive. Il a trouvé sa vocation.

c) Le directeur a son rôle dans la recherche de la vocation ; mais il doit éviter de se substituer au Saint-Esprit auprès de son dirigé Pour cela, il aidera celui-ci à se placer dans les meilleures conditions de pureté d’intention et de générosité pour obtenir les lumières de la grâce ; mais il se gardera soigneusement d’influencer sa décision en lui conseillant soit de rester dans le monde, soit d’entrer dans l’état ecclésiastique ou dans la vie religieuse. Qu’il dispose le retraitant à bien faire son élection ; mais le moment venu, qu’il « laisse le Créateur traiter avec sa créature et la créature avec son Créateur ».

En résumé, pour l’auteur des Exercices, l’idée de vocation intérieure n’est plus seulement une idée prédominante : c’est l’axe sur lequel sera centrée toute l’organisation de la vie spirituelle dans sa marche vers la gloire de Dieu et le salut de l’âme.

7. Le concile de Trente et le Catéchisme romain. — Nous voici enfin au concile de Trente, qui clôt la période scolastique et ouvre l’ère moderne. Les nova teurs niaient le sacrement de l’ordre et ne voulaient voir dans le sacerdoce que la mission de prêcher, donnée au prédicant par le peuple ou le pouvoir civil. Contre eux, le concile définit : non seulement que l’ordre est un vrai sacrement, mais encore que les évêques ont seuls le pouvoir d’y appeler et de le conférer, et cela sans la participation ou le consentement soit du peuple, soit de l’autorité séculière. Sess. xxiii, can. 3, 7. Et le Catéchisme romain, fidèle écho du concile, en résume la pensée dans cette phrase : Vocari a Deo dicuntur qui a legitimis Ecclesiæ minislris vocantur. Part. IIP, De ordine, 3.

8. Conclusion.

On voit le chemin parcouru à partir des textes scripturaires. Deux mots peuvent le mesurer : a) La vocation intérieure, tout entière surgie de l’intention droite, est devenue successivement l’invitation intime de Dieu au sacerdoce ou à la vie religieuse, la condition dominante de la sainteté sacerdotale, l’axe central de la vie spirituelle. — b) La vocation extérieure est désormais dogmatiquement définie comme la consécration par l’Église de l’appel divin au sacerdoce.

3° La doctrine de la vocation depuis le concile de Trente. — Le vaste mouvement de réforme qui suivit le concile de Trente ne pouvait négliger la question de la vocation sacerdotale ou religieuse. C’est même sur cette idée que les éducateurs du clergé fondèrent en grande partie leur système de pédagogie spirituelle.

1. Dans la Compagnie de Jésus.

Dans la Compagnie de Jésus le meilleur témoin en est le Directoire des Exercices de saint Ignace. Composé dès la mort du fondateur (1556) par les plus doctes de ses disciples, soumis pendant quarante ans aux suggestions de l’expérience, fixé enfin dans sa forme définitive en 1599 par une commission de théologiens, ce commentaire officiel des Exercices ne consacre pas moins de 13 chapitres sur 40 à la question de la vocation,

D’après le Directoire, comme d’après les Exercices, la première condition pour sanctifier notre vie, c’est de la vivre dans l’état, mariage, profession religieuse, sacerdoce, où la volonté de Dieu nous appelle : ce qui suppose la vocation intérieure. — On peut trouver cette vocation : quelquefois par les seules touches intérieures de la grâce, soumises aux règles du discernement des esprits ; toujours par la raison éclairée des lumières de la foi. — Moyen très efficace de se sanctifier, l’acquiescement à sa vocation n’est cependant pas une telle condition de salut qu’on soit moralement perdu en dehors d’elle.

Mais pour être mis dans tout leur jour, ces trois points de la doctrine jésuite sur la vocation appellent une triple remarque. Elle n’est pas inutile pour bien différencier cette doctrine des tendances qui vont fausser plus ou moins le concept de vocation divine dans certains milieux aux xviie et xviiie siècles. Donc :

a) Vocation à un état de vie ne signifie pas nécessairement que Dieu nous prédestine à cet état de vie, mais qu’au moins apparemment il nous y appelle. Comme le remarque Suarez, De relig., tract. VII, t. V, c. viii, n. 3, Dieu inspire souvent des désirs dont il ne veut pas permettre la réalisation. Si sa volonté alors n’est pas que notre désir se réalise, elle est cependant que nous cherchions à le réaliser : et cela suffit pour notre sanctification, car notre mérite est le même. De fait, quand Dieu commanda à Abraham de lui immoler son fils, il l’appelait bien à lui faire ce sacrifice, il lui en inspira même la résolution, et cependant il se réservait de l’en empêcher. Ainsi bien des jeunes gens, après s’être crus, dans une retraite d’élection, appelés au sacerdoce ou à la vie religieuse, n’y parviennent jamais, empêchés par