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VOCATION. LA PKKloDK SCOLASTTQUE
« Vous régnez, mais non de par Dieu ; vous êtes

chefs, mais Dieu ne vous a pas appelés. » Nombreux sont les passages de ses écrits dans lesquels l’une ou l’autre vocation se trouve ainsi invoquée. Nous allons en indiquer quelques-uns.

Parmi les allocutions recueillies par son disciple, l’abbé Geofroy, sous le titre Declamationes ex Bernardo, nous lisons cette admonition à l'âme qui a éprouvé le désir de la vie religieuse : « Prends garde à toi, dit la sagesse. — Et pourquoi ? — Puisque tu ne doutes pas que ce soit la parole de Dieu, qu’as-tu besoin de délibérer ? L’Ange du Grand Conseil t’appelle, et tu attends d’autres conseils I Vocat Magni Consilii Angélus ; quid aliéna consilia præstolaris ? Quel autre est plus fidèle, quel autre est plus sage que celui-là? Seduc me, Domine, et seducar ; fortior esto et invalesce : séduisez-moi, Seigneur, et je serai séduit ; soyez le plus fort et triomphez. » P. L., t. clxxxiv, col. 456. Que signifie cette voix de l’Ange du Grand Conseil, sinon l’appel de la grâce, retentissant dans l’intime de l'âme pour la déprendre du monde et l’attirer par ses charmes à la vie religieuse : bref, la vocation intérieure devançant de loin l’appel extérieur des supérieurs ?

Même note, sous d’autres images bibliques, dans une lettre à un certain Thomas, prévôt du chapitre de Beverlay en Angleterre, qui avait résolu d’embrasser la vie monastique à Clairvaux, mais qui différait de jour en jour : « Enfin, ô très cher, si tu veux entendre cette voix de ton Dieu, plus douce que le miel, fuis les soucis extérieurs et dis avec Samuel : « Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur écoute. » dette voix ne résonne pas dans la foule. Elle demande le secret pour être interrogée, le secret pour être entendue. Vox hsec non sonat in joro, sed nec auditur in publico. Secrelum consilium quærit et auditum. » Epist., cvii, t. clxxxii, col. 243. Et, dans la lettre suivante, s’adressant au même, le saint cite le cas d’un postulant qui, pour avoir négligé l’appel intérieur à la vie monastique, avait fait une mort scandaleuse. Il termine par ce cri d’effroi : O terribilis in consiliis Deus super filios hominum ! Spiritum donavit quem erat denuo ablaturus. Epist., cviii, ibid., col. 250.

Enfin voici un texte on ne peut plus explicite sur l’origine divine de la vocation intérieure à la vie religieuse. Un enfant, nommé Thomas de Saint-Omer, avait été, selon l’usage du temps, offert (obtatus) à l’abbaye de Saint-Bcrtin. Parvenu à l'âge canonique, le jeune oblat avait ratifié le vœu de ses parents en optant pour la vie religieuse, mais dans l’abbaye de Clairvaux. Grande déception pour l’abbé de Saint-Bertin, qui osa s’en plaindre à Bernard lui-même. Celui-ci répondit : « Sur ce que vous m'écrivez je réponds à votre charité que : ni moi je n’ose, ni vous ne devez empêcher celui qui le veut de bien faire. Car que répondrons-nous à l’apôtre disant : « Gardez-vous d'éteindre l’Esprit ?… Oui, Thomas a été appelé non par moi, mais par Celui qui appelle le néant comme l'être. Vocattu est, inquam, Thomas non a me sed ab eo qui vocat ea quæ non sunt lanquam m ipur sunt… C’est Dieu qui agi ! dans le cœur de l’homme pour incliner sa volonté partout où il veut. Deus est qui operatur in cordibu » hominum, ad inclinandas eorum voluntates quocumqtu ooluertt. Epist.,

    1. CCCLXXXII##


CCCLXXXII, /'. /… t. CLXXXII, col. : >.s : >.

Non moins fermes sont les principes de saint Bernard sur la vocation sacerdotale. Dans la 13° des Declamationes ei Bernardo, qui est adressée aux clercs et non aux religieux, il dil : Voyez votre vocation, la parole de l’Apôtre. Nous aussi, considérons

si nous sommes venus appelés et appelés par Dieu, de qui doit émaner cette vocation. Consideremus et

nos an vocati venerimus et vocali a Deo, cujus nimirum hsec vocatio est. Je ne parle pas maintenant, continue-t-il, de cette vocation qui est commune à tous les prédestinés. Il s’agit de savoir qui nous a appelés à l’honneur de la cléricature : voilà sur quoi je veux entretenir vos consciences à chacun. Quis vocaverit nos in honorem cleri convenire velim conscientias singulorum. » Il a donc bien en vue la vocation sacerdotale. Or, en quoi la fait-il consister ? Ce n’est pas uniquement dans l’appel canonique et l’ordination sacramentelle : tous ces clercs l’ont reçue. Après une description des intrigues, de l’orgueil, de l’avarice et de la débauche qui, trop souvent, souillent le sanctuaire, il s'écrie : « Qui donc, dans la recherche des ordres ecclésiastiques et du service des autels, a pour but de fuir les soucis du monde, afin de s’unir à Dieu dans la pureté du cœur et du corps et de le contempler dans la lumière ; pour but de s’adonner à la prière et à la prédication, et par là de travailler à son salut et à celui du prochain ? Ils régnent, dit Dieu, mais pas par moi, ils sont devenus chefs, mais moi, je ne les ai pas appelés. » Et il conclut en disant : « L'Épouse ne se permet pas d’entrer dans la chambre ni dans le cabinet du Boi sans son invitation : « Attirez-moi, dit-elle, attirez-moi à vous par l’odeur de « vos parfums. » Toi, tu t’y précipites irrespectueusement sans être ni appelé ni introduit. Ipsi, inquil. regnaverunt et non ex me, principes exsliterunt et ego non vocavi eos. Sponsa nec cubicutum nec ccllam ingredi nisi rege introducente præsiunil : trahe me post le, ait illa, in odorem unguentorum tuorum. Tu irreverenter irruis nec vocatus nec inlroduc’tus. » P. L.. t. clxxxiv, col. 446.

Ce texte rappelle singulièrement celui de saint Grégoire. Tous deux distinguent entre la vocation extérieure, émanant de Dieu mais par l'Église, et la vocation intérieure, condition préliminaire de l’autre et émanant de Dieu seul par sa grâce. Tous les deux juxtaposent, comme choses solidaires, l’intention droite et l’appel intérieur. Mais saint Bernard ajoute un trait qui accentue encore davantage l’irréductibilité de la vocation intérieure au simple retentissement dans l'âme de la vocation extérieure, c’est l’exemple de l'Épouse mystique. Quand est-ce que l'Épouse entend l’appel intime de l'Époux ? Ce n’est pas en franchissant le seuil de la chambre royale, c’est-à-dire en recevant l’ordination sacramentelle. C’est plus ou moins auparavant, puisque sans cet appel indispensable elle n’oserait pas se présenter.

2. Saint Thomas († 1274). — Il fut amené à parler de la vocation dans sa lutte contre Guillaume de Saint-Amour qui menait une violente campagne contre les ordres religieux, surtout contre les ordres mendiants. Voir Saint-Amour, t. xiv, col. 75(1. Ces périls des derniers temps, comme il les appelait, avaient le tort, selon lui, de vivre d’aumônes au lieu de gagner leur vie par le travail manuel comme les anciens moines, le tort de s’employer au salut des âmes par la prédication et la confession, enfin d’ouvrir des écoles de théologie : la mendicité étant immorale, le ministère et renseignement étant des usurpations sur le clergé séculier. La conclusion était : par rapport à la vie religieuse en général, on ne pouvait trop réfléchir, consulter, délibérer avant de s’engager dans un état aussi périlleux ; par rapport aux frères prêcheurs et aux mineurs, c'était exposer son salut que d’entrer chez ces précurseurs de l’Antéchrist. Thomas fut chargé par ses supérieurs de défendre ses frères. I.a lutte dura dix ans, (le 1256 à 1266. Elle valut à la théologie de la vocation trois opuscules du Docteur angélique : le Cnnlra impliquantes reltgionem, le l>c perfecttone vtttt spirttualis, le Contra retrahentes ab (ngressu in religtontm. Ce der>