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V1T0RIA (FRANÇOIS DE)


pour ne citer que ceux-là, ont contribué à établir en forme définitive la thèse qui fait de Vitoria le fondateur du droit international moderne.

La consécration officielle de cette vérité fut faite par la remise en 1926 à l’Université de Salamanque de la médaille d’or de l’Association hollandaise Grotius, frappée à l’occasion du centenaire de ce dernier et en l’honneur de François de Vitoria comme fondateur du Droit international. C’est alors que se fonda en Espagne l’Association F. de Vitoria, pour étudier et répandre ses idées par le moyen de publications et de conférences et sous formes de cours à Salamanque. Une partie de ces conférences a passé dans YAnuario de la Asociacion, qui compte déjà cinq volumes. Parmi les étrangers spécialistes du droit international, s’est distingué par son enthousiasme, sa ténacité et son adresse le savant professeur de l’université de Georgetown, James Brown Scott († 1943), auteur d’études variées et de quelques traductions en castillan sur l’origine espagnole et vitorienne du droit international moderne.

V. Beltban de Heredia.

III. Doctrine juridique de Vitoria.

La doctrine de Vitoria constitue un véritable progrès dans l’histoire de la pensée humaine : des profondeurs du thomisme il a fait épanouir en pleine lumière des vérités fondamentales qui y étaient enfouies et gisaient comme couvertes de décombres. Aujourd’hui l’on considère Vitoria comme le fondateur et le père du droit international, parce que, pour résoudre les grands problèmes juridico-moraux que les nouvelles réalités historiques posaient à son époque, il a éprouvé les bases éternelles de la justice sur lesquels tout droit repose obligatoirement. Le positivisme qui a dominé dans les siècles suivants a fréquemment oublié des principes si lumineux et de là vient que la science du droit international marche toujours à pas si vacillants et a si peu d’efficacité sur les destinées de l’humanité.

Cet aspect de Vitoria comme théoricien du droit international a été bien étudié en ces derniers temps et V Association François de Vitoria, fondée à Madrid en 1926, comme aussi VInstitut François de Vitoria créé plus tard à l’université de Salamanque ont pour fin principale de faire pénétrer la sève des doctrines vitoriennes dans le droit international et de résoudre, à la lumière de ses principes, les problèmes qui se posent actuellement dans cette science. Mais, si Vitoria est connu comme théoricien du droit en question, l’on a bien peu étudié un autre aspect non moins intéressant de l’auteur, car pour ses conceptions relatives à la société civile et à l’Etat il mérite peut-être tout autant le nom de père du droit politique moderne.

Non moins génial se révèle-t-il quand il étudie le Concept, les fondements, la réalisation du pouvoir de l’Eglise et du pape, particulièrement en ce qui concerne le temporel, car, en cet ordre d’idées, la doctrine de Vitoria s’intègre à la science catholique comme quelque chose de définitif, alors qu’avant lui la plus grande confusion régnait encore en ces problèmes. Ce qu’il y a d’ailleurs de plus frappant en tout ceci, c’est que Vitoria étudie et résout les grands problèmes Juridiques en cheminant toujours à la lumière de la théologie ; c’est de la que proviennent et la hauteur et la fermeté de ses solutions.

1° La république humaine. Pour Vitoria, toute

l’espèce humaine constitue une seule république, de laquelle nous faisons tous partie par le fait même que nous sommes des hommes « ’t que nous vivons sur la même planète. Il fonde cette I hèse sur la sociabilité humaine. I, ’homme ne peut atteindre la perfection qui lui revieni naturellement soit dans l’ordre intel lectuel, soit dans l’ordre moral, soit même dans l’ordre corporel, s’il n’est pas en société avec les autres hommes. Par conséquent, la formation de la société est un postulat de la nature humaine qui s’applique également à tous. Par dessus toutes les différences de race, de langue, de culture ou de territoire, il y a une fin commune à tous les hommes, qui est la fin humaine en général, à laquelle tous aspirent du plus intime de l’être. Et cette unité de fin que nul ne peut réaliser par soi crée nécessairement entre eux certaines rapports de collaboration mutuelle, ou, tout au moins, certaines relations négatives : il ne faut pas se gêner les uns les autres dans la poursuite de la destinée commune.

Et nous tenons ainsi les éléments nécessaires pour constituer une société : communauté de fin qui a sa racine dans les mêmes aspirations de l’être humain, rapports mutuels de collaboration positive ou négative, pour l’obtention exacte de ladite fin. Cette société, pour Vitoria, si on la considère dans ses origines, est de droit naturel, parce qu’imposée par la nature même comme un postulat nécessaire pour le développement légitime et normal de celle-ci. Nul, parle fait, ne peut s’en considérer comme exempt, parce que nul ne peut mutiler sa propre nature.

Le Droit des gens.

C’est un axiome bien connu

que « là où il y a société, il y a droit : ubi societas, ibi jus ». Cette société en germe que la nature impose, ne peut s’actualiser pleinement sans des normes juridiques qui conditionnent sa propre existence et canalisent son activité dans la recherche de la fin. La raison humaine découvre sans difficulté certains modes de procéder qui sont nécessaires pour l’obtention du bien commun de l’humanité et les impose comme normes pratiques d’action pour tous les hommes. Tel est le Droit des gens, le droit de cette société universelle que Vitoria définit : « ce que la raison naturelle a constitué entre toutes les nations, quod naturalis ratio inter omnes génies conslituit ».

Le Droit des gens a pour fondement le Droit naturel, il est intimement uni avec lui et il y a entre eux de profondes analogies. Il naît du Droit naturel, parce que la sociabilité humaine est de droit naturel et sa réalisation complète incombe au Droit des gens. De là vient qu’il est à peine possible de bien accomplir la loi naturelle si le Droit des gens n’est pas satisfait. Par là même, le Droit des gens a avec le Droit naturel de profondes ressemblances, parce que comme lui il est universel et nécessaire, bien que n’étant pas d’une nécessité absolue comme celui-ci, niais seulement relative, car il présuppose quelque chose de contingent, étant dérivé d’un principe de la loi naturelle d’une part et de l’observation d’un fait universel. Par exemple, dit Vitoria, il est de droit naturel qu’il faut procurer la paix, niais la paix ne peut s’établir s’il n’y a pas respect des ambassadeurs ; donc le respect des ambassadeurs est du Droit des gens. Et ce droit n’a pas besoin d’être écrit, ni explicitement promulgué, parce que la même raison naturelle le promulgue de manière suffisante pour tous les hommes.

En dépit de ces ressemblances, le Droit des gens ne s’identifie pas avec le Droit naturel. La raison humaine est le seul critérium décisif quand il s’agit du Droit naturel parce que c’est l’auteur de la nature qui l’a imprimé en nous en conformité avec l’être qu’il nous a donné et notre raison ne fait autre chose que de le manifester ou le découvrir. En revanche, le Droit des gens est établi par la même raison humaine en prenant pOUT base ce même Droit naturel. De là vient que le Droit fies gens est positif et ressortit au foi externe plutôt qu’an for de la conscience comme fait le Droit naturel. Par là même il se place sur un terrain hrSUl chement Juridique et moral.