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VINTRAS (MICHEL’M) :, *

un bref où était très explicitement confirmée la sentence de celui-ci : « Par une sacrilège témérité, disait le pape, les membres de cette société s’arrogent une mission nouvelle qu’ils auraient reçue de Dieu et annoncent une œuvre mensongère de la Miséricorde, qu’ils ont inventée, pour que l’Église de Jésus-Christ soit en quelque sorte régénérée par leurs soins. De plus, ils osent répandre des communications secrètes qu’ils auraient reçues des anges, des saints et de Jésus-Christ lui-même, publier des-visions, des miracles ; ils osent s’attribuer un apostolat purement laïque et annoncer un troisième règne dans l’Église de Jésus-Christ, qu’ils ne craignent pas d’appeler le règne du Saint-Esprit ; et cela, pour que les vérités tenues dans l’Évangile et qui, selon leur langage blasphématoire, ne sont pas encore expliquées clairement par l’Église, brillent de tout leur éclat, pour que de nouveaux dogmes soient proclamés et que l’Église sorte enfin de son état de dépravation. » Le pape enveloppait dans la même réprobation les idées répandues au même temps par Naundorf et qui « sous une forme et avec des couleurs différentes » étaient entachées des mêmes erreurs. Il approuvait en fin de compte toutes les mesures que l’évêque de Bayeux avait cru devoir prendre contre l’Œuvre de la Miséricorde. Ces hommes égarés étaient dignes de toute réprobation, censure et peine ecclésiastique. Ce bref fut publié dans l’Ami de la religion du 8 février 1844.

Les adhérents de Vintras avaient déclaré se soumettre par avance au jugement de Rome. Ils n’en firent rien. En novembre 1844, au nom du groupe, Alexandre Geolîroi, fils de Ferdinand, publiait un tract de protestation adressé À l’univers chrétien. On y répondait, point par point, à toutes les attaques de Home, on s’y plaignait d’une condamnation intervenue sans qu’aucune défense eût été entendue, on y produisait une prétendue consultation théologique d’un dominicain, le P. Lamarche. Dans la Voix de la Septaine, organe périodique de la secte, on ne se gênait pas pour dire que le bref de Grégoire XVI ayant été enlevé par subreption était sans valeur. De sa prison, Vintras encourageait ses adhérents, multipliait les avertissements, fondait une confrérie nouvelle, la Chevalerie de Marie, destinée à unir plus intimement les plus fervents de ses fidèles.

Aussi bien, de 1842 à 1848, Pierre-Michel avait disparu de la circulation. Le gouvernement de Louis-Philippe voyait avec quelque inquiétude les collusions de l’Œuvre de la Miséricorde avec Naundorf ; on chercha des prétextes pour faire à Vintras et à Geoflroi un procès correctionnel. Le parquet essaya de relever contre l’un et l’autre des preuves d’escroquerie, d’abus de confiance et de détournement. En août 1842, le tribunal de Cæn, après une audience de deux jours, retint contre les deux prévenus les accusations portées, et les condamna, Vintras à cinq ans, Geoflroi à deux ans d’emprisonnement. Il vaut la peine de citer quelques attendus de la sentence : Considérant… que les prétendues révélations présentées par Vintras comme ayant un caractère tout divin avaient notamment pour objet de faire croire que des événements extraordinaires s’accompliraient bientôt ; que la France était menacée de grands et affreux malheurs, contre lesquels on trouverait un abri dans la participation à l’Œuvre prétendue sainte et divine et annoncée comme telle a Vintras. Considérant qu’oïl trouve é viiletnment dans < es faits l’emploi

de manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence d’un pouvoir ou d’un (redit imaginaire remontant |usqu’â Dieu et pour faire naître la crainte d’événements chimériques et l’espérance de l’y sous traire…. » Peut-être le tribunal avait il été sévère dans

l’appréciation des faits retenus et surtout dans l’application de la peine. Il est vraisemblable que des considérations d’à côté avaient pesé sur la sentence des juges. En tout état de cause les condamnés firent appel ; mais la Cour de Cæn, en novembre 1842, confirma la première sentence ; un pourvoi en cassation échoua le 3 juin 1843. Il ne restait plus aux condamnés qu’à exécuter la peine. En juillet 1843, après dix-huit mois de détention à Cæn, Vintras fut transféré à Rennes, où il restera jusqu’au 25 mars 1848 ; à cette époque, la prison préventive n’entrait pas en déduction du temps d’emprisonnement.

Encore que la captivité de Vintras fût relativement douce — il avait vite obtenu à Rennes un régime de faveur — elle l’empêchait néanmoins de veiller autant qu’il aurait fallu à la diffusion de l’Œuvre de la Miséricorde et à sa bonne tenue. En juillet 1845, un des adeptes de la première heure, l’abbé Maréchal, retrouvant le contact avec les sectes gnostiques anomistes, se mit à prêcher la doctrine de la sainte liberté des enfants de Dieu. Les initiés parvenus à un certain degré étaient autorisés à des dépravations sexuelles, qui allèrent, semble-t-il, assez loin. Tout cela transpira au dehors ; un des partisans les plus chaleureux de Naundorf, un certain Gozzoli, rédigea plusieurs déclarations autocopiées et assez abondamment répandues attaquant, de ce chef, la moralité des « Saints » de Tilly. Les autorités judiciaires commençaient à s’émouvoir. Maréchal prit la fuite et, pour l’instant, l’affaire en resta là. Plus tard, vers 1851, des accusations de caractère identique furent portées contre Vintras lui-même ; de même Gozzoli s’acharna contre le prophète, les saints de Tilly et leurs « turpitudes obscènes ». Le plus récent historien de Vintras s’est inscrit en faux contre les accusations ignobles répandues par Gozzoli et ses partisans. Ni les autorités judiciaires, lors du procès de 1842, ni les autorités ecclésiastiques, au cours de leurs enquêtes successives, n’ont jamais fait la moindre allusion au crime de mauvaises mœurs. Il n’en reste pas moins que des accusations de ce genre ont porté à l’Œuvre de la Miséricorde un coup dont elle ne s’est jamais complètement relevée.

Pendant la captivité de Vintras, ce fut l’abbé Charvoz qui devint, à partir d’avril 1846, le chef suprême de la secte. En août 184(ï, il publiait une lettre pastorale adressée aux adhérents : L’oratoire de Tilly aux informes de l’Œuvre de lu Miséricorde. Il y protestait, à mots couverts d’ailleurs, contre les premières révélations de Gozzoli ; cette lettre conjura le schisme qui devenait menaçant. La même année, un autre ecclésiastique faisait paraître un Manifeste ou vue générale sur l’Œuvre de la Miséricorde qui exposait la doctrine orthodoxe de Vintras sous sa forme la plus pure. Cela mit fin aux alarmes qu’avait causées la néfaste intervention de.Maréchal.

II. LB YlN TRASISME su CONSTITUE EN ÉOLISE. — Au moment où Vintras sortait de prison, mars 1848, l’Œuvre de la Miséricorde était définitivement en dehors de l’Église catholique ; partout on refusait les s ; i éléments aux sectateurs, disséminés un peu dans toute la France. Il était urgent d’organiser à leur usage les cérémonies d’un culte et la réception de sacrements. Ce furent encore des révélations qui décidèrent Vintras à s’engager dans cette voie ; elles eurent lieu vers Pâques 1848, dans l’église Saint Kustache à Paris - Vintras s’était pour quelque temps installé dans cette ville. Apparaissant au prophète en un costume sacerdotal d’une grande somptuosité, le Christ promit à l’Organe de le faire pontife adora leur et pontife d’amour, lui la présence de Vintras,

il officia lui-même, prescrivant au pontife d’imiter

1rs gestes lit urgiques qu’il lui verrait faire. Puis il