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VIN DE MESSE

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On peut dire que l’on a déjà un vinum inchoalum ; vin imparfait sans cloute, mais véritable dont nous aurons à envisager la validité et la licéité comme matière de la consécration.

Composition. —

1. À la base, il y a le moût ou jus de raisin, dont la qualité et la richesse sont en fonction de la variété des plants et de la maturité des grappes. Plus le raisin est mûr, plus il contient de sucre, plus aussi il donnera d’alcool.

2. Les levures ou ferments agissent sur les éléments constitutifs du vin plutôt qu’elles ne prennent place parmi eux. Leur action, ou fermentation, outre la transformation du sucre en alcool, provoque des altérations d’où résultent la couleur, les acides, le tanin, dont les éléments se trouvent dans la pellicule, les grains et la rafle (ou râpe, partie ligneuse de la grappe), et qui deviennent solubles dans l’alcool. Leur action terminée, les ferments ne restent pas dans le vin mais disparaissent avec les lies. À mesure que le vin vieillit, certaines substances disparaissent, d’autres se forment qui donnent un bouquet et un goût agréables ; mais ces changements n’affectent pas la substance du liquide.

3. Enfin, dans tout vin naturel, il y a une certaine proportion d’eau. Cette eau ne peut être appelée élément constitutif qu’au sens large, car elle n’est pas une substance élaborée par la vigne ; elle est simplement puisée dans le sol et transportée sous forme de sève, sans transformation notable.

4. La couleur n’est qu’un accessoire. Pour faire du vin « blanc », il suffit de séparer du moût, avant fermentation, les pellicules et les grains ; alors se trouvent écartées les substances colorantes, solubles dans l’alcool, qui s’y trouvent renfermées.

Disons de suite que, du point de vue qui nous occupe, ni la validité ni la licéité de la consécration ne sont intéressées par la couleur du vin. Dans l’antiquité chrétienne et au Moyen Age, on usait plutôt de vin rouge ; le blanc était seulement toléré. On donnait deux motifs à cette préférence : d’abord le vin rouge ne courait pas le risque d’être confondu avec l’eau au moment de l’offrande, ensuite, par sa couleur, il représentait davantage le sang du Christ et convenait mieux au mystère de la transsubstantiation. Cf. Corblet, Hist. du sacrement de l’eucharistie, t. i. p. 199. Les opposants avaient prétendu que le Christ avait probablement consacré du vin blanc à la cène, parce que ce vin est plus commun aujourd’hui en Orient. Il est évidemment impossible d’apporter des preuves apodictiques. Cependant les commentateurs juifs semblent avoir démontré qu’on se servait de vin rouge pour la Pâque.

En fait, on préféra généralement le vin rouge pour la messe jusqu’au xive siècle. Si, depuis longtemps, dans l’Eglise latine, on s’attache au vin blanc, c’est moins pour des raisons historiques ou mystiques que pour un motif de propreté : il tache moins les linges d’autel ; de plus, il est moins facile à falsifier. Les Orientaux restent fidèles au vin rouge comme à une tradition, mais sans y attacher d’autre importance.

On s’est demandé, à ce propos, si du vin blanc naturel qui a été coloré légèrement au caramel pouvait être matière valide et licite de la consécration. Notons d’abord que l’addition de caramel pour « adoucir » le vin est interdite par la loi française, tout comme le sucrage. Si l’on veut par là simplement « embellir » le viii, mieux vaut s’abstenir de cette pratique et laisser au vin de messe sa pureté naturelle. Cependant si une légère coloration s’avérait utile pour éviter une confusion avec l’eau, l’opération serait licite, à condition d’employer du caramel de raisin. L’usage du caramel de sucre, soit pour adoucir le viii, soit pour le colorer, bien que substance

étrangère, ne nuira pas à la validité si l’on ne dépasse pas la proportion de dix pour cent. Et comme pratiquement une quantité très minime suffit pour obtenir une légère coloration, la licéité même ne sera pas en cause.

III. Vinification scientifique,

Il faut en parler, car elle a dépassé le stade des essais de laboratoire et se trouve maintenant vulgarisée dans les petites exploitations vinicoles comme dans les grands domaines. Or, les procédés qu’ont mis à la portée de tous les progrès de la chimie, sont loin d’être tous de bon aloi, ainsi que le souligne l’instruction de la S. C. des Sacrements du 26 mars 1929 : Siquidem chimicæ scientiæ ope, multa ejlormantur, germanam prœseferentia rerum speciem, subslantia vero naturali destituta, vel aliquam substantiam fraudulenter alleri subrogando, quin facile fraus, etiam analgsi adhibita, seepe detegi possil. Acta apost. Sedis, t. xxi, 1929, p. 633. Il importe que les prêtres ou clercs, qui sont responsables de la matière du saint sacrifice, soient suffisamment éclairés sur les effets de ces manipulations chimiques. Ce n’est pas qu’ils soient chargés de déceler toutes les fraudes ; mais ils ont le devoir de choisir eux-même un vin toujours valide et licite, et aussi de guider les producteurs et commerçants qui sollicitent leur avis, pour fournir un vin liturgique conforme aux prescriptions de l’Église.

Procédés de confection du vin.

La préparation du vin est chose toujours délicate si l’on veut obtenir un produit à la fois parfait et cependant naturel. Souvent, pour obtenir une boisson plus agréable et plus facile à conserver, on fait subit au vin des traitements parfaitement admissibles pour un produit destiné à la table, mais qui ne sauraient être tolérés quand il s’agit du vin de messe.

1. Vin synthétique.

C’est une liqueur qui a toutes les apparences d’un vin véritable mais ne provient pas de la fermentation du jus de raisin ; une boisson artificielle obtenue par le mélange de substances variées. Même si ces substances sont chimiquement les mêmes que celles que l’analyse découvre dans le viii, même si le mélange a été effectué dans les mêmes proportions, de sorte que le liquide obtenu ne diffère ni par le goût, ni par le bouquet, ni par la couleur, ce n’est pas du vrai vin ; il ne peut donc être consacré validement. C’est ici que le critère énoncé par le Saint-Office au xviiie siècle : Dummodo ex colore et gustu dignoscatur esse verum vinum (22 juillet 1706), se trouve mis en défaut par les progrès de la chimie moderne. L’instruction de la S. C. des Sacrements de 1929 dit au contraire : Uti valida materia haberi nequit vinum, seu poiius liquor qui sil… chimicæ artis ope elaboratus, quamvis vini colorem, ejusque quodammodo elementa continere edicatur…, p. 632.

Dans la pratique, une imitation absolument parfaite rendrait l’opération trop coûteuse ; aussi la fraude ne résiste ordinairement pas à une analyse sérieuse. C’est pourquoi le mélange qu’une analyse soignée démontrera être identique à du viii, pourra être présumé véritable jus de raisin et utilisé comme tel jusqu’à preuve contraire.

2. Fermentation à l’aide de ferments purs.

Les ferments qui se trouvent naturellement dans le raisin (adhérents à la peau) ne sont pas toujours les meilleurs, parce qu’ils ne sont pas toujours dépouillés de levures nocives. C’est pour assurer une fermentation plus parfaite que parfois l’on tue chimiquement tous les ferments naturels qui se trouvent dans le moût et qu’on y incorpore, en remplacement, des ferments préparés et extrêmement purs, tirés, eux aussi, du raisin ; on obtient de la sorte un vin très beau et d’excellente conservation.