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V I ( ; I L A N T I U S — VIGILE


Jérôme et d’Origène. Les problèmes intellectuels ne l’intéressaient guère et il n’était pas préparé à s’en occuper. Il rentra donc en Gaule et, comme il était prêtre, il reçut ou reprit l’administration d’une paroisse. Gennade, De vir. ill., xxxvi, P. L., t. lviii, col. 1078, prétend, il est vrai, que Vigilance fut chargé de la paroisse de Barcelone en Espagne : peut-être cela a-t-il été vrai à la fin de sa vie, bien qu’on n’en ait pas d’autre preuve que cette affirmation de Gennade. Il commença certainement, au temps où nous sommes, par exercer le ministère en Gaule, dans la région de Toulouse et du Cominge. On ne peut cependant pas songer à Barcelone du Gers, car cette localité ne porte ce nom que depuis l’année 1315. Moulezun, Histoire de la Gascogne, Auch, 1847, t. iii, p. 80 ; F. Cavallera, Saint Jérôme. Sa vie et son œuvre, Paris, 1922, p. 307, n. 3. Sans doute s’efîorça-t-il d’administrer sa paroisse de son mieux ; mais il le fit à sa manière, sans craindre de protester contre certaines pratiques du culte des saints et d’autres encore, en particulier contre l’usage en vigueur parmi les saintes gens de son pays d’envoyer d’abondantes aumônes aux moines de Palestine.

En 404, un prêtre qui occupait une paroisse voisine, Biparius, n’hésita pas à dénoncer à saint Jérôme la manière de faire et de parler de Vigilantius, en lui reprochant surtout d’attaquer le culte des martyrs. S ; iint Jérôme répondit par une invective où le « dormitant », comme il l’appelait ironiquement, était secoué de belle façon et brièvement réfuté. Le polémiste se déclarait d’ailleurs prêt à récidiver et à compléter cette première ébauche, dès qu’il aurait entre les mains des pièces à conviction hii permettant de ne pas frapper en l’air seulement, mais de diriger ses coups au bon endroit. Epist., cix. » F. Cavallera, op. cit. p. 30C. Les précisions désirées se firent attendre deux ans. Ce fut en 406 seulement que deux prêtres, Biparius, déjà nommé, et Desiderius purent envoyer à Bethléem, par l’intermédiaire du diacre Sisinnius, les documents que demandait Jérôme et lui fournir des explications plus détaillées sur les erreurs de Vigilance. Nous n’avons plus aujourd’hui les livres de Vigilance et nous ne connaissons son enseignement que par la réfutation passionnée de saint Jérôme, ce qui est évidemment insuffisant. D’après ce que nous savons, les points essentiels de cet enseignement étaient relatifs au culte des martyrs. Vigilance protestait contre les vigiles célébrées près du tombeau des martyrs et les flambeaux qu’on y tenait allumés ; il critiquait l’importance donnée aux reliques ; il allait, paraît-il, jusqu’à nier l’efficacité de l’intercession des saints après leur mort. D’un autre côté, il attaquait l’austérité de la vie chrétienne, en condamnant le célibat des clercs ; il traitait la continence d’hérésie et de séminaire des passions. Il blâmait « eux qui distribuaient d’un seul coup leurs biens aux pauvres au lieu de les vendre peu à peu et qui risquaient ainsi de tomber à la charge de l’Église. Enfin, il détournait les fidèles d’envoyer des aumônes aux moines de Palestine et ce dernier liait devait être fort sensible, sinon à Jérôme lui-même, qui était fort détaché, du moins à beaucoup de les moines.

Dans quelle mesure Vigilance se bornait-il à condamner des abus trop faciles dans les matières qu’il visait ? N’attaquait-il pas les pratiques en elles-mêmes, non content d’en montrer les dangers et les altérations possibles’.' Nous ne le savons plus aujourd’hui. Les opuscules de Vigilance sont perdus. Perdue

également la lettre « le Riparius et de Desiderius qui contenait l’acte d’accusation. Nous ne possédons plus

que la réplique de saint Jérôme : elle a été dictée en

une seule nui ! au moment ou le diacre Sisinnius,

envoyé en Palestine par I’évêque de Toulouse Exupère, allait quitter la Palestine pour regagner l’Egypte. C’est assez dire qu’elle est écrite du premier jet, sans réflexion et sans modération. Jérôme attaque avec une brutalité inouïe un homme impuissant à se défendre. Aux critiques de fond, qui doivent être, au moins en partie justifiées, il mélange les attaques personnelles, sans aucun ménagement pour un homme qui, après tout, n’est pas responsable de ses origines ni même du peu d’élégance de son style. Au coup de massue de saint Jérôme, Vigilance ne répondit pas. On croirait qu’il en fut assommé. Ce qu’il y a de sûr, c’est que nous n’entendons plus parler de lui. Fut-il, à ce moment, obligé de quitter la Gaule pour l’Espagne, comme pourrait le donner à entendre la notice de Gennade ? Besta-t-il simplement dans sa paroisse ? On ne le sait. Gennade, lui-même, ne semble pas autrement renseigné sur sa personne et, lorsqu’il parle d’un exposé sur la seconde vision de Daniel, il se borne à exploiter un passage de saint Jérôme où il est en effet question des idées de Vigilance à ce sujet. Il l’accuse, il est vrai, d’hérésie : l’expression avait déjà été employée par saint Jérôme. Elle semble décidément trop forte pour caractériser les critiques adressées par Vigilance à certains usages répandus de son temps. Il semble que Vigilance, esprit assez peu pondéré d’ailleurs et toujours prêt à la discussion, a largement dépassé la mesure en condamnant le culte des saints et des reliques, en blâmant la pratique de la chasteté et même en s’attaquant aux aumônes destinées aux lieux saints. II ne mérite ni la réputation qu’on lui a faite dans certains milieux libéraux, ni la sévère appréciation qu’on a portée sur lui d’après le seul témoignage de saint Jérôme.

Le Contra Vigilantium de saint Jérôme figure dans P. L., t. xxiii, col. 339-352. Voir W. Schmidt, Vigilantius,

Sein Verhdltnis znm hl. I lieront/mus und tur Kirchenlehre damaliger Zeit, Munster, 18t10 ; G. Nijhoff, Vigilantius, Diss., Groningue, 1897 ; A. Réville, Vigilance de Calagurris.

ti/i chapitre de l’histoire de l’ascétisme monastique, Paris, 1902 ; Schanz, Geschichte der rômischen I.ileratur, 2e édit., t. iv a, Munich, 1914, § 993, p. 478-180 ; F. Cavallera, Saint Jérôme, Sa oie et son œuvre, t. i, Paris, 1922, p. 306 sq.

Ci. H.vuiiY.


VIGILE, pape de mars 537 au 7 juin 555. — L’action de ce pape en ce qui concerne l’affaire des Trois-Chapitres a été longuement étudiée à l’art. Tnois-C Chapitres. Il reste à fixer ici quelques points de détail, d’une part, et, de l’autre, les caractéristiques générales du pontificat.

I. Vigile avant son accession au pontificat. Le Liber pontificalis le dit romain d’origine et en fait le fils du consul Jean. Il aurait donc appartenu à une famille considérable ; son frère. Beparatus. était sénateur. Il est impossible de reconstruire son ctirri-Ctllum Dite avant le pontifical de Boniface II (530532). À ce moment. Vigile était diacre, archidiacre peut-être. Dans un synode réuni à Saint-Pierre, il fut l’objet, dit la notice de Boniface, Lib, pont., éd. Duchesne. t. i. p. 281, d’une mesure de faveur de la part du pape régnant, qui le désigna publiquement comme son successeur éventuel. Cette démarche paraissait d’autant plus naturelle à Boniface que lui-même avait clé désigné par son prédécesseur Félix [V. Mais cette façon de faire n’avait pas laissé de susciter des protestations. L’Église romaine n’entendait pas laisser s’affermir une coutume qui n’allait a rien de moins qu’à créer une véritable dynastie de papes. Déjà la désignation de Boniface avait amené au lendemain de la mort de hélix (septembre 530) une compétition entre Boniface et un certain Dioscore. Il’iii.. p. 281. Celui-ci n’avait pas fardé à mourir ; Boniface