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contre leurs évêques, les dissidents frappés de l’excommunication. Le deuxième congrès, — car ces vieux-catholiques n’osaient employer le terme cependant si vieux au sein du catholicisme de concile, — eut lieu en septembre 1872, à Cologne. Cette fois, on y vit des anglicans, des schismatiques russes, des protestants. L’unité n’en fut pas accrue, bien au contraire. II y fut nommé une commission d’organisation du culte. Le 4 juin 1873, le professeur de théologie Joseph-Hubert Reinkens de l’université de Brestau, fut élu évêque et sacré, le Il août, à Rotterdam, par l’évêque Heykamp de l’Église janséniste d’Utrecht. Il fut reconnu en septembre par la Prusse, en novembre, par Bade, en décembre par la Hesse-Darmstadt et prit son siège à Bonn, avec un traitement confortable de 16.000 thalers (62.000 francs-or). Dans l’intervalle, le nouvel évêque avait présidé le troisième congrès de la secte, à Constance, du 12 au 14 septembre. Quelles doctrines s’étalaient dans ces diverses assemblées et dans les écrits de leurs adhérents ?


II. Doctrines.

Considérée soit dans les écrits de Dôllinger, surtout dans Le pape et le concile (Janus) et les Lettres romaines (Quirinus), soit dans les discussions plus ou moins tumultueuses des divers congrès du parti, soit enfin dans les écrits des adhérents, la doctrine « vieille-catholique » comporte une pars destruens beaucoup plus copieuse que la pars construens. Ce groupement de professeurs a excellé dans la critique, nullement dans la pratique.

Pars destruens.

1. Contre la papauté. —

C’était naturellement contre la papauté que s’était d’abord exercée la critique de Dôllinger et de ses amis. Sous le pseudonyme de Janus, il avait repris, en leur donnant un habit scientifique moderne, la plupart des objections formulées par les gallicans, au cours des siècles précédents. Deux points surtout étaient mis en relief : en premier lieu, Dôllinger affirmait que tous les progrès de la papauté avaient été le fruit d’une série d’usurpations. À l’en croire, la puissance pontificale’avait agi correctement jusqu’au ixe siècle, le siècle des « Fausses décrétales ». Mais à partir de la publication ou plutôt de la fabrication de ces fausses pièces, et surtout, à partir de Grégoire VII, au xie siècle, le pouvoir des papes n’était plus fondé que sur d’inadmissibles empiétements.

En second lieu, Dôllinger insistait sur la tendance politique des envahissements de la puissance des papes. Évoquant les bulles des pontifes du Moyen Age et surtout celles de Boniface VIII, il cherchait à faire peur aux souverains modernes, en établissant que la volonté tenace des papes avait toujours été d’exercer un pouvoir de contrôle supérieur sur les États et les dirigeants de l’ordre civil. Il feignait de croire que la proclamation de la primauté pontificale et de son infaillibilité mettrait en péril l’autonomie des pouvoirs laïques.

Les vieux-catholiques, dans la suite, furent amenés à modifier leur position sur les détails mais non sur le fond. Il fut démontré en effet que les « Fausses décrétales » n’étaient nullement l’œuvre des papes, qu’elles avaient été forgées en France, dans le but de soustraire les simples évêques à l’ingérence souvent abusive des métropolitains ou des synodes royaux. Il fut reconnu aussi que la papauté de Grégoire VII ne visait qu’à reconstituer celle du ve siècle. Les disciples et continuateurs de Dôllinger s’empressèrent alors de reporter leurs objections sur les papes d’un temps que domine la grande figure de saint Léon. Bien plus, comme le concile de Sardique, de 343, était signalé comme ayant consacré le droit d’appel au pape, en tant qu’autorité souveraine dans l’Église, c’est-à-dire en somme justement ce que les « Fausses

décrétales » tendaient à revendiquer, on vit Friedrich, le biographe de Dôllinger et l’un des plus éminents personnages de la secte des vieux-catholiques, s’en prendre aux canons de Sardique et chercher à démontrer leur non-authenticité. Mais il fut réfuté victorieusement à la fois par F.-X. Funk, Historisches Jahrbuch, 1902, p. 497-516, puis 1905, p. 1-16 et 255-274 et par Turner, Journal’of theological sludies, t. iii, 1902, p. 370-397.

On sait par ailleurs que le cas du pape Honorius, si souvent exploité par les adversaires de l’infaillibilité pontificale et par Hefele lui-même, dans une brochure publiée au cours du concile, supporte des explications qui laissent intacte l’infaillibilité personnelle du pape. D’un mot, la lettre du pape Honorius au patriarche Sergius ne semble pas constituer une décision ex cathedra. Honorius fut condamné par le concile de 680 et d’autres à sa suite pour n’avoir pas décidé du tout et non pour avoir mal décidé. On a condamné en lui une faiblesse dans l’exercice de ses hautes fonctions, non une erreur d’enseignement doctrinal.

2. Contre l’Église.

Mais si les vieux-catholiques s’en prenaient à la papauté, s’ils l’accusaient d’usurpations séculaires, ils se créaient pour eux-même un problème autrement redoutable, en accusant l’Église universelle d’avoir adhéré, sous leurs yeux, à une erreur pour eux si parfaitement évidente. En soutenant que la vieille Église catholique n’existait plus que par eux et en eux, c’est-à-dire, comme au temps des donatistes, dans une fraction imperceptible de la chrétienté, ils se contraignaient eux-mêmes à proclamer la défaillance de tout le reste de l’Église ci-devant catholique, devenue, à les entendre, une « nouvelle Église », qui avait si peu de points communs avec l’ancienne que les États étaient autorisés à rompre tous les concordats et traités conclus avec elle antérieurement. La question fut agitée dès le premier congrès des vieux-catholiques. D’innombrables discours y furent faits sur les thèmes suivants : les membres du parti vieux-catholique sont les vrais membres de l’Église catholique ; — toutes les censures qui les frappent sont nulles de plein droit ;

— les enseignements du soi-disant concile du Vatican sont dépourvus de valeur, car le concile n’était pas libre et il n’a pas présenté l’unanimité morale qui eût été nécessaire ; — l’accession ultérieure des évêques de la minorité aux décisions de ce concile ne suffît pas à lui conférer cette même unanimité, parce que ces évêques ont été lâches et serviles ; — l’Église romaine a exercé son pouvoir dans le passé d’une manière despotique et il convient de réformer beaucoup de ses jugements ; — en particulier l’Église janséniste d’Utrecht a été injustement condamnée et elle fait partie de la véritable Église. Il en est de même des Églises orientales grecque et russe. A vrai dire, chaque discours, dans ce congrès et dans les suivants, n’engageait strictement que son auteur. La plus grande confusion régna toujours dans les rangs des vieux-catholiques, au point de vue doctrinal et l’histoire si courte encore de la secte est, à elle seule, une preuve frappante de la nécessité d’un magistère suprême, c’est-à-dire de la papauté dans l’Église. Les plus éclairés d’entre eux sentaient bien qu’en condamnant l’Église universelle, ils condamnaient le Christ en personne, et mettaient en doute les promesses d’assistance perpétuelle qu’il a données à ses apôtres et à ses successeurs. De là cette hésitation, cette diversité, ce flottement des opinions dans les congrès vieux-catholiques. À celui de Munich, que l’on vient de citer (septembre 1871), Dôllinger déclara nettement que, pour lui, les évêques infaillibilistes et les autres ecclésiastiques adhérant à l’infail-