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VICT0R1NUS AFEH. LES ŒUVRES DE DIEU
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car d’une part elle donne la vie aux êtres animés, et puis elle garde, fort souillé d’ailleurs, l’esprit ; et tout cela est consubstantiel, en son sujet qui est l’âme…, en une seule motion : action double et une seule impulsion. Le fils unique de l’âme, c’est la vie, c’est aussi l’esprit. » Ce sont là les formes de l’âme, et aussi ses passions, sources d’abaissements et d’erreurs. « Mais l’âme garde tout de même en son essence des réserves de vie et d’intelligence, qui pourront recevoir la vie (surnaturelle) du Christ et l’intelligence du Saint-Esprit. » Adv. Arium, t. I, c. xxxii, col. 10641065. Ainsi l’âme humaine est à l’image de Dieu : « Image du Fils, parce que le Fils est la vie et que l’âme est source de vie ; (image de l’Esprit) parce que l’âme avec son esprit vient de l’Esprit, parce qu’elle est puissance de vie intellectuelle. » Mais l’âme se trouve tiraillée en sens contraires par ses deux puissances : « L’âme n’est pas l’esprit, mais elle regarde vers l’Esprit, et la vision ici fait une véritable union. Si, au contraire, elle s’incline vers ce qui est en bas (pour lui donner la vie), elle se détache de l’Esprit, et se ravale au-dessous d’elle-même, elle et son esprit. » Adv. Arium, t. I, c. lxi, col. 1086 B. À ces fonctions divergentes, l’âme suffît parce qu’elle est essentiellement mobile, ipsa se movens, et semper in motu, in mundo motionum fons et principium. Loc. cit., col. 1058 A ; cf. col. 1054 B ; 1065 AB ; 1122 B ; 1108 B. On reconnaît ici la définition même de la’^uyv ; de Platon, Phèdre, 245 C. Mais d’où vient l’âme humaine ?

2. Préexistence des âmes.

Les âmes préexistent d’une certaine façon au monde matériel. Cette idée, qui fut propagée par les docteurs alexandrins, surtout par Origène, n’avait rien qui effrayât notre platonicien. Cf. H. de Leusse, Le problème de ta preexistence des âmes chez M. Yictorinus, dans Recli. de science rel., 1939, p. 197. II ne s’en défend point :

Avant le monde le Christ (créateur) et (ensuite) le monde a été fait ; (de même) avant le monde, les âmes, et (puis) par la disposition de Dieu les âmes sont venues dans le monde. …Les âmes ont été envoyées dans le monde, et les âmes (étaient) avant le monde… ; tout ceci est mystérieux, cependant plein (de vérité). » Ad Ephes., i, 4, col. 1238 C. La priorité dont il parle ne peut être qu’éternelle : Ergo nos et Christus unie constitutionem mundi. Et quid rst anle ? l’tique ex œterno. Col. 1239.

Mais quelle peut bien être pour des âmes créées cette existence éternelle ? À notre avis, il l’entend, non d’une existence propre et séparée des âmes, mais de cette existence que nous appelons idéale, et qui est bien réelle pour un platonicien, dans la pensée du l’ère et dans le pouvoir du Christ créateur, préexistence d’ailleurs commune à tout l’univers créé ; avli omnia in Christo, car le Verbe est la semence de toutes choses… Si nous disons que ces choses n’existaient pas, c’est parce qu’elles étaient cachées et en puissance, et qu’elles n’apparaissaient pas encore en activité. Mais elles sont toutes en Dieu, et elles ont fait leur apparition flans l’action du Verbe. » Col. 1033 C et 1032 C.

<e qui montre bien qu’il ne s’agit point d’un privi des âmes humaines, c’est quc Yiclorin pose

d’abord un principe de portée absolument générale :

Si le Christ est tout ce qui existe dans l’éternel el dans le monde…, toutes choses ont été en lui, et cela substantiellement, non pas avec cette force et puissance qu’elles devaient avoir un jour, mais qu’elles avaient d’ores d déjà. Loc. <it. lui d’autres passages. l’auteui a dit ipic toutes les créatures sont Insubstantiées dans le Verbe. col. 1059 B, parce que ci Verbe est cause première, puissance et substance

piiiir ton-les êtres créés ». Col. KHI I). Il non seulement le Verbe éternel est < le réceptacle de toutes les

choses qui sont en lui », col. 1058 A, « le lieu de tout ce qui se fait et opère par lui », col. 1069 B, mais « il est semper plenitudo, el semper receptaculum ». Col. 1047 D. Comment le Verbe, « source éternelle de tout ce qui est », ne serait-il pas « le séminaire de tous les esprits dans leur existence universelle », c’est-à-dire non encore individuée ? En tous cas, il est « le Verbe de l’âme et le Verbe de la chair ». Col. 1086 C. En effet, le monde lui-même « a été dans le Christ avant d’avoir été fait par le Christ ». Col. 1238 C. L’auteur peut donc conclure que nous aussi « nous étions dans le Christ, car il est impossible que le Christ fût et que nous ne fussions pas dès avant la constitution du monde ». Col. 1239 B. En somme, cette théorie de la préexistence des êtres dans leur Créateur est une vue philosophique.

L’argument scripturaire qui lui donne prétexte est fort embarrassé : le voici en quelques mots. Saint Paul, Eph., i, 4-5, a parlé d’une élection éternelle, qui était en même temps une bénédiction spirituelle et une prédestination surnaturelle. En prenant ce texte, selon son habitude, en rigueur de termes, Victorin constate que l’Apôtre parle bien d’âmes préexistantes : utique cum jam essemus elegit nos, col. 1139 A ; pra^destinalio ergo non est nisi eorum quip.uni’, col. 1142 A. Mais « si Dieu nous a élus dans le Christ, nous avons été dans le Christ et nous y avons été spirituels. Or, les âmes, avec la puissance et la force qu’elles ont ici-bas, en tant qu’âmes, ne sont plus l’esprit, et peuvent seulement le recevoir. Donc pour des âmes ainsi placées dans le Christ, c’est une moindre perfection que de venir dans le monde. » Col. 1239 B. Il y a eu une chute des âmes. Même conclusion pour la prédestination à la sainteté : < Qui dit prédestination dit une certaine disposition d’un elïet. Que chacun dise comme il l’entend : soit que les âmes existassent déjà substantiellement, in suit substantiel vel exsistenlia, comme je le crois, soit qu’elles n’eussent pas cette existence, les âmes étaient du moins dans la pensée de Dieu, laquelle n’est pas pur néant… comme la nôtre… Il faut donc nécessairement avouer quelle que soit notre opinion sur la préexistence des âmes — qu’elles avaient vraiment, en rigueur du terme, l’existence » dans la pensée de Dieu. Col. 1242B. Ainsi « c’est quelque chose d’antérieur au monde, c’est fin déjà fait, pour ainsi dire, que ce décret spirituel de Dieu, dont tout ce qui arrive est le déroulement phénoménal ». Col. 1215 C. Voir en sens contraire H. de Leusse, op. cit., p. 201. qui cite encore Ad Ephes., i, 7, col. 12-13. Voici la conclusion orthodoxe de cette exégèse : « La rédemption par le Christ nous a ramenés à cette nature éniinenle que primitivement nous tenions de Dieu. » Col. 1243 C.

Il n’y a, en tout cela, semhle-t-il, qu’un souci d’assurer l’élévation de l’homme à l’ordre surnaturel, non point en revendiquant pour les âmes humaines une préexistence plus ou moins indépendante, mais en les voyant en Dieu : Nos âmes oui été avant la création du monde puisque, avec leur substance, elles ont toujours existé in tetemis. C’est alors quc Dieu les a prédestinées à être saintes, c’est-à-dire à confirmer cette admission au rang des esprits, à se faire elles-mêmes esprits en secouant tous les vices qui pour raient les atteindre. Loc. cit., col. 12Il D. C’est bien ainsi que saint Augustin, qui hésita toujours sur ce sujet, a compris la pensée de Victoria : il y voit d’ail leurs une exagération de langage. » puisque la Sagesse’lr Dieu contenait les raisons séminales des choses, mais non des Ames déjà faites ». d OrositMl, c. vin. n. 9. P. L., t. xi. ii, col. 67 1.

3. Lu chute des âmes dans lr monde. Les âmes

sont tombées dans le monde. C’est la le premier vice et comme le péché originel de l’homme. Mais l’auteui