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VICTOR IN US A FER. LA SAINTE TRINITÉ


propositions appropriées : « Ils disent que 1° le Fils n’est pas ingenilus, c’est aussi notre avis ; 2° que le Fils n’est pas une partie de l’Ingenitus, …nous disons nous aussi que le Fils n’est pas une partie du Père, ni une émanation qui en s’écoulant diminuerait sa source ; 3 U mais nous ne pouvons admettre ces expressions : ex non subjecto, non que nous pensions que le Fils soit ex aligna subjecto, mais qu’il est ex Pâtre… ». Adv. Arium, t. I, c. i, col. 1039.

D’ailleurs les hérétiques ne se bornaient pas à des formules à double sens ; ils prétendaient encore « connaître les principes de la Trinité, voire les Xôyoi des principes ». Loc. cit., col. 1040 G. Victorin se devait donc de faire de son Adversus Arium une exposition théologique d’abord, munie d’une terminologie précise, et puis une systématisation trinitaire à l’usage des philosophes.

Exposition théologique.

Les cinq propositions

en question, visaient toutes à établir que « le Fils est une créature, factum esse, non natum. Nous, à notre tour, nous enseignerons d’abord par toute la sainte Écriture qu’il est Filium natum ; puis nous établirons de notre mieux, avec l’assistance de l’Esprit de Dieu, le même point, c’est-à-dire qu’il est substantialiter FUius. Mais, question préalable, est-il possible de connaître Dieu et le Fils de Dieu, et d’établir quomodo Pater et quomodo Filius ? Oui, d’après Eph., iii, 14-21, et Joa., i, 18 ; xvi, 16°. Adv. Arium, t. I, c. ii, col. 1040-1041. Il semble, d’après cet exorde, que le théologien, qui a pour but de chercher le comment de la foi chrétienne, ait une double tâche : entreprendre d’abord une recherche positive en vue de rassembler, sans y rien ajouter, les éléments épars du donné révélé ; et puis tenter une construction systématique, réservée à la raison inspirée par l’esprit chrétien, construction aussi homogène que possible au donné révélé, deinde id ipsum asseremus, hoc est, substantialiter Filium, quoiqu’elle s’exprime en termes philosophiques : substantiel, exislentia, subsistent ia.

1. Enseignement scripturaire.

En fait, Victorin utilise la sainte Ecriture de quatre façons différentes pour exposer le dogme trinitaire : ou bien il prend des textes isolés montrant la divinité du Verbe, col. 10411060, ou bien il réunit deux textes similaires concernant l’un le Père, l’autre le Fils, col. 1059, 1069 A, ou il cherche les quelques phrases de saint Paul qui rapprochent les trois Personnes divines, I Cor., xii, 4-6 ; II Cor., xiii, 12 ; Rom., xv, 15-16, col. 1052, dont le résumé, Hymn., iii, col. 1143 CD, est passé dans la liturgie romaine : Caritas Deus, gratia Christus, communicatio Spiritus Sanctus. Voir encore Tit., iii, 4-6, cité col. 1144 A ; Gal., iv, 6, expliqué col. 1178 C. En somme, il a tiré un bon parti de la théologie de saint Paul.

On s’étonnera d’autant plus du peu de cas qu’il fait du texte trinitaire de Matth., xxviii, 19 : il le cite une seule fois, sans le mettre en valeur, col. 1126 ; il parle du baptême, col. 1051 A, sans le citer.

Un quatrième emploi de l’Écriture, celui-là tout à fait illusoire, consistait à y trouver au moins une amorce au mot « consubstantiel » créé par le concile de Nicée ; ne parle-t-elle pas déjà de la « substance de Dieu ? » Après Potamius de Lisbonne, Epist. ad Athan., P. L., t. viii, col. 1418, après Phébadius d’Agen, De Fili divin., c. iv, P. L., t. xx, col. 40, Victorin s’essaie à maintes reprises à cette démonstration urgente mais impossible, Adv. Arium. t. I, c. xxx, col. 1063 ; c. lix, col. 1085 ; t. II, c. v-ix, col. 1093-1095 ; De homoousio, c. ii, col. 1138.

On peut voir que, sauf en ce dernier cas, où il paraît s’inspirer d’Origène, De oratione, c. xxvii, Victorin prend toujours les mots de l’Écriture en

leur sens propre, et même le plus formel. Son exégèse, qui aurait semblé timide à certains Pères grecs, nouv apparaît plus littérale que celle de saint Augustin, cf. Adv. Arium, t. I, c. xviii, col. 1051 B et De Trinitate, t. I, c. vi-viii, P. L., t. xlii, col. 825-834. Son parti pris — si c’en est un — consiste à prendre un à un les textes des Livres saints qui enseignent expressément nos relations avec chacune des divines personnes et à les transposer dans la vie de Dieu ad intra ; il conclut, en effet, des appropriations particulières à une distinction réelle des « Puissances », et de certaines opérations communes aux trois Puissances à leur consubstantialité : communi et proprio aclu, 1res islas potentias unitatem conficere. Col. 1113 A.

2. Formules théologiques.

Laissé à lui-même, il aborde toujours le mystère par ses plus hauts sommets : par les processions et les relations à l’intérieur de la Trinité ; et il le fait en des termes si peu traditionnels, en des néologismes parfois si personnels, qu’on est tout étonné de le voir parvenir sans encombre aux expressions mêmes de l’Évangile sur les missions divines.

a) La procession en Dieu. — a. Les termes techniques.

— Il dispose d’au moins six termes, empruntés, le premier à sa philosophie, les trois suivants à l’Écriture et les derniers aux Pères de l’Église : ce sont : progressio, generatio, filielas, processio in subslanliam, effulgentia et refulgentia in actionem. Adv. Arium., t. I, c. xxvii, col. 1060 D. De ce passage et d’autres parallèles, il ressort clairement que toute l’activité divine ad intra se résume en une progressio, ou procession, qui, pour lui comme pour Plotin, est unique : in uno motu. Mais cette vue systématique appelle un correctif : la procession active du Père, generatio, a deux termes suffisamment distincts pour exiger deux termes différents : ftlietas pour le Fils, et processio pour le mode de procéder plus confus du Saint-Esprit : ces deux termes substantiels, in substantiam processio, ayant deux fonctions ad extra distinctes, in actionem : vitam et sapientiam, reçoivent deux appellations figurées opposées : l’action vivifiante et rédemptrice du Fils de Dieu s’appellera efjulgentia (a Deo), et celle de l’Esprit sanctificateur, refulgentia (ad Deum). Loc. cit. Encore que le Christ, Verbe incarné, soit à la fois Vie et Esprit, col. 1052 B, et qu’il soit à la fois Fils et Esprit-Saint, col. 1044 B, cependant, « le Saint-Esprit se distingue du Fils par son action propre, bien qu’il lui soit toujours présent, tout comme le Fils diffère du Père par son action ». De gêner. Verbi, c. xxxi, col. 1036 A.

b. Les analogies. — Mais, en somme, tous ces termes, sauf le premier, ne sont qu’approchés. Victorin se défie d’abord du mot génération, pour deux raisons : la première lui est personnelle : dans son système, la création du monde est elle-même une génération. Genui enim vos : Dieu dit cela aux hommes, et l’ambiguïté du mot peut tromper l’intelligence, car genui signifie : j’ai créé comme créature, ou bien j’ai engendré par naissance de ma substance. Col. 1089 B. La seconde raison il l’avait empruntée à Origène, De principiis, t. IV, c. xxviii, P. G., t. xi, col. 402 : c’est que la génération, dans le monde créé, présente trop d’imperfection pour s’appliquer au Fils de Dieu : c’est « un commencement à partir du néant, ou du divers », Ad Ephes., ii, 3, col. 1254, et une emprise progressive de ses perfections et de son activité. Col. 1122 B. Aussi « aucun mode connu de génération ne convient à la Trinité. De même natura, naissance, c’est le fils d’une génération animale ». De gêner. Verbi, c. xxx, col. 1035 B. Si donc on tient à parler de la génération en Dieu, « puisque le Fils reste toujours présent en son principe, disons que c’est une génération ineffable, unique en son genre, toujours en acte