Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/641

Cette page n’a pas encore été corrigée

281 l

    1. VKUILLOT (LOUIS)##


VKUILLOT (LOUIS). LE CONCILE DU VATICAN

2812

le Congrès où, sous le voile de l’anonymat, Napoléon III faisait exprimer ses pensées sur la solution du problème romain. Cette publication déchaîna l’indignation de tous les catholiques et Mgr Dupanloup intervint des premiers ; aussi bien Montalembert, dès octobre, avait-il déjà signalé les dangers que faisait courir au pouvoir temporel la politique personnelle de l’empereur. Catholiques autoritaires et catholiques libéraux se portaient d’un même élan à la défense du pape. L’Univers invitait à signer des adresses au saint Père. Ce fut l’occasion d’un second avertissement gouvernemental. Au troisième, le journal serait frappé de suppression. Cependant, Pie IX, le 19 janvier 1860, flétrissait, dans l’encyclique Nullis certe, les « attentats sacrilèges » commis contre la souveraineté civile de l’Église romaine et déclarait ne pouvoir adhérer aux conseils que Napoléon III lui avait donnés dans une lettre, publiée le Il janvier. Le gouvernement eût souhaité que l’encyclique ne fût pas publiée en France. L’Univers parvint à se la procurer ; elle fut imprimée dans le n° du 29 janvier, dont la police essaya bien de saisir les exemplaires. Le lendemain, le décret de suppression était signifié à l’Univers ; sans articuler aucun fait précis, il mettait en cause l’esprit général du journal.

Ainsi disparaissait — et pour sept ans — l’Univers, victime de cette même loi sur la presse dont Veuillot jadis vantait l’opportunité. Les réactions devant cet acte arbitraire ne furent pas aussi chaudes que l’on aurait pu s’y attendre. Si la presse libérale non catholique versa quelques larmes sur la tombe de l’Univers, les catholiques de l’école du Correspondant se montrèrent réservés. « Les évêques mêmes furent un peu froids, une douzaine seulement écrivirent à la rédaction du journal supprimé, soit qu’ils fussent moins inféodés à l’Univers qu’on ne se plaisait à le dire, soit qu’ils voulussent se réserver pour une action officieuse auprès du gouvernement dont ils attendaient grand effet. » P. de la Gorce, op. cit., t. iii, p. 187 ; cf. E. Veuillot, op. cit., t. iii, p. 324 sq. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, l’Univers ne disparaissait pas complètement. Son propriétaire légal, Taconet, achetait la Voix de lu Vérité, jadis fondée par Migne, l’appelait le Monde, et le premier numéro paraissait le 15 février 1860 ; mais il était stipulé que les deux Veuillot n’y écriraient pas. Melchior du Lac et une partie de l’ancienne rédaction de l’Univers passaient à la nouvelle feuille ; ils y maintiendraient l’esprit du journal supprimé.

Au lendemain de la suppression, L. Veuillot s’était rendu à Rome, où on le pressa, paraît-il, de reprendre son journal en Belgique, en Suisse ou en Angleterre : les moyens financiers ne lui seraient pas ménagés. Mais, en fait, on ne dépassa pas le stade des premiers pourparlers. Veuillot avait une répugnance invincible à s’installer à l’étranger. Rentré à Paris, privé de sa tribune quotidienne, il se fera, comme il le dit, « travailleur en chambre ». De nombreux travaux sortirent alors de sa plume, de nombreuses réimpressions aussi soit de livres antérieurs, soit surtout des articles parus jadis dans l’Univers qui vinrent s’entasser dans les Mélanges, lesquels, en 1861, comptèrent douze volumes. Il essaya bien de faire passer quelques articles au Monde, entre autres un papier intitulé Après Castelfidardo ; il fut refusé. E. Veuillot, op. cit., t. iii, p. 397. Un peu plus tard, Eugène Veuillot ayant pris la direction d’une Revue du monde catholique, son frère y écrivit parfois ; de même donna-t-il une collaboration intermittente au Réveil de Granier de Cassagnac. Mais des brochures plus ou moins amples ou même de gros ouvrages lui permirent d’exprimer ses idées sur les événements du jour, ainsi : Le pape et la diplomatie, février 1861,

reproduit dans Mélanges, IIIe sér., t. i ; Les parfums de Rome, décembre 1861 ; Le fonds de Giboyer, réponse cinglante à la comédie d’É. Augier, Le fils de Giboyer ; l’Illusion libérale au lendemain de la publication du SgllabllS du 8 décembre 1864 ; le Guêpier italien, réponse au duc de Persigny, l’un des porte-parole de Napoléon III ; ri propos de la guerre (entre la Prusse et l’Autriche), 1866 ; les Odeurs de Paris, 1867, où il attaquait les mœurs, les idées, les combinaisons politiques du « tout Paris » et où l’empereur (qui écrivait assez volontiers dans le Constitutionnel sous le nom de Boniface) était pris lui-même à partie. D’une inspiration plus irénique, encore qu’elle voulût être une réponse à Renan, était la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, publiée en 1863. Ce beau travail valut à l’auteur un bref fort louangeur de Pie IX. A quelque temps de là, en décembre 1866, des tentatives furent faites pour réconcilier Veuillot avec’Montalembert. Le publiciste s’y serait, paraît-il, prêté avec quelque empressement : ce fut Montalembert qui déclina les offres faites. Il ne voyait pas comment une réconciliation extérieure des personnes pourrait faire oublier les invectives et les injustices lancées par Veuillot contre la société contemporaine. « Jamais, disait-il, je ne dirai ou n’écrirai une parole qui ne soit une protestation directe ou indirecte contre l’esprit dont M. Veuillot est la funeste personnification parmi nous. » Lettre à Foisset, dans Lecanuet, op. cit., t. iii, p. 417-418. Somme toute, c’était le heurt de deux conceptions générales qui empêchait toute réconciliation, bien plus encore que l’antagonisme de deux caractères diamétralement opposés 1

Aussi bien les circonstances allaient peu après permettre à Veuillot de reprendre en faveur des idées qui lui étaient chères et contre les conceptions qui s’y opposaient une lutte non moins chaude que précédemment. Dès 1867, avant même qu’il fût question d’empire libéral, Napoléon III se décidait à supprimer les plus lourdes entraves qui enchaînaient la presse. Dans la lettre impériale du 19 janvier 1867, une promesse avait été faite de mettre fin au régime administratif établi en 1852. Si la loi libératrice ne fut votée qu’en mars de l’année suivante, on se montra, dès 1867, beaucoup plus libéral à l’endroit des journaux. De ces dispositions Veuillot voulut profiter en essayant de rentrer au Monde, mais Taconet ne tenait guère à cette réapparition. Veuillot s’adressa donc au ministre de l’Intérieur en demandant de relever son journal, sous son ancien nom, l’Univers. Non sans quelques hésitations et, paraît-il, sur une intervention directe de l’empereur, la permission fut accordée le 19 février 1867. Le 16 mars suivant, le premier numéro de l’Univers ressuscité reparaissait. La ligne politico-religieuse y demeurait la même ; on s’en aperçut à quelques incidents : à l’article écrit sur la mort de Berryer, par exemple, qu’il est difficile d’excuser, cf. Eug. Veuillot, op. cit.. t. iii, p. 572-574, à l’attitude prise à l’égard des mesures qui commençaient à organiser l’empire libéral. Mais toutes ces questions allaient devenir secondaires devant l’annonce du grand événement : le concile du Vatican.

4° Louis Veuillot et le concile du Vatican (18671870). — Le 26 juin 1867, en présence des cinq cents évêques rassemblés à Rome pour le dix-huitième centenaire du martyre des apôtres Pierre et Paul, Pie IX avait annoncé son intention de réunir à Rome un concile œcuménique. Le 29 juin 1868, la bulle d’indiction était lancée qui convoquait le concile dans la Ville éternelle pour le 8 décembre 1869. Cette annonce avait comblé de joie Veuillot et toute la clientèle, de plus en plus nombreuse, de l’Univers.