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2781 VERTU. LES VERTUS THEOLOGALES 2 782
1° Les vertus morales infuses sont faites pour assurer en nous la perfection de l’ordre surnaturel, comme les vertus morales acquises assurent la perfection de notre nature.
2° Il y a de part et d’autre une proportion différente de l’effet à la cause : les vertus acquises découlent de nos forces naturelles auxquelles s’ajoute, bien entendu, l’aide naturelle du Bon Dieu ; les vertus infuses découlent des forces de la grâce et de l’action surnaturelle de Dieu habitant l'âme.
3° Il y a une différence d’objet formel : la mesure imposée aux passions et aux opérations humaines s’inspire, dans un cas, de vues et de motifs tirés d’une règle toute naturelle ; dans l’autre cas, d’une règle dépassant les choses de ce monde.
4° Il y a une différence par rapport à la fin : les vertus acquises nous adaptent à la vie présente et terrestre ; les vertus infuses travaillent pour le ciel plus que pour la terre et pour l'éternité plus que pour le temps. La vertu, t. ii, p. 455-456.

2. L’opinion scotiste.

Elle est exposée par Duns Scot, In III™ Senl., dist. XXXVI, n. 28. Voir ici t. iv, col. 1905. Scot a été suivi par un certain nombre de théologiens nominalistes, Occam et Biel en particulier. Son opinion est aujourd’hui bien délaissée. Il ne semble pas nécessaire à Scot d’admettre des vertus morales infuses : à ceux qui les possèdent ou peuvent les posséder, les vertus morales acquises suffisent. La charité oriente l’homme vers sa fin surnaturelle ; la foi infuse lui montre la manière et les moyens d’y parvenir. Il est donc inutile de doubler 1rs vertus acquises de vertus morales infuses. Par la grâce, la volonté, siège des vertus de justice, de force, de tempérance, est suffisamment parée pour produire des actes surnaturels de ces vertus, car l’influence de la grâce rend ces actes surnaturels et méritoires, et la charité les ordonne vers leur fin surnaturelle. Les raisons théologiques sont suffisantes pour résoudre par la négative une controverse que les enseignements de la foi et du magistère n’a pas dirimée.

On pourrait répondre que les vertus morales infuses sont nécessaires comme règles prochaines et immédiates de l’ordre surnaturel en nos actes, tandis que la foi et la grâce n’interviennent que médiatement. C’est la prudence infuse, s’inspirant de la foi et de la charité qui est la vertu régulatrice immédiate des autres vertus. Si les vertus morales demeuraient dans l’ordre naturel, elles seraient toujours des moyens en soi sans proportion avec la fin surnaturelle à atteindre. Voir la doctrine de Cajétan résumée ci-dessus. Cf. Billot, De virl. inj., p. 122-124.

Une autre difficulté contre l’opinion scotiste pourrait être soulevée du fait que la vertu infuse peut se trouver eu celui qui est encore entraîné vers le mal par des habitudes dépravées. Une telle coexistence dans l'âme n’implique-t-elle pas contradiction ? On se reportera a ce qui a été dit de l’acquisition et de la facilité progressive des vertus surnaturelles, col. 2769. Cf. S. Thomas, De virt., q. i. a. iii, ad 16 « ™.

Le siège des vertus morales.

Question facile à résoudre en ce qui concerne les vertus acquises, plus obscure quant aux vertus infuses.

1. Vertus acquises. —

Dans la q. lxi, a. 2, parlant des vertus morales acquises, saint Thomas assigne comme siège à la prudence le < raisonnable par essence », ('est -à-dire l’intelligence ; à la justice, la volonté, a la tempérance, l’appétit concupiscible, à la force, l’appétit irascible. Les deux appétits se trouvent dans la sensibilité organique du composé humain, (.'est en tant qu’ils sont mus par la volonté qu’ils peuvent être sujets (les deux ertus morales qui les perfectionnent. 0. i.xvi, a. 4. Les vertus consistent dans une conformité habituelle des pas sions de l’appétit sensitif à la règle de la raison. Et cette conformité, on l’a vii, la raison l’obtient par un gouvernement politique » et non despotique ».

2. Vertus infuses.

Le problème est ici plus obscur et présente une réelle difficulté dans l’opinion thomiste. Saint Thomas parle parfois des vertus infuses dans les mêmes termes que des vertus acquises. Cf. De virt., a. 10, ad l um ; In III" m Sent., dist. XXXIII, a. 2, q. iii, ad 3um. Mais, observe à bon droit Billot, op. cit., p. 127, « comment une vertu infuse, d’ordre proprement surnaturel, donc réalité spirituelle en elle-même, peut-elle avoir pour siège une faculté organique ? » Gonet tente une explication bien scolastique, en avançant que les vertus infuses dans l’appétit sensible sont formellement immatérielles et éminemment corporelles, et il propose l’analogie de l'âme humaine, spirituelle et cependant forme corporelle. Manuale, t. iii, tract. IV, c. iv. L’explication est mauvaise et l’analogie ne conclut pas, l'âme étant forme substantielle et, qui plus est, subsistante, voir Forme du corps humain, t. vi, col. 544, et la vertu, une forme accidentelle qui, en conséquence, dépend dans la totalité de son être du sujet qui la reçoit.

La seule solution acceptable semble être de considérer la volonté elle-même comme le sujet des vertus infuses de tempérance et de force. Par ces vertus, la volonté serait habilitée à utiliser les bonnes dispositions naturelles de l’organisme pour les conformer habituellement à la règle non seulement de la raison, mais de la foi et de la charité. Cette conformité habituelle serait, dans l’organisme humain, non la vertu infuse, mais son complément. Billot, p. 128129.


VII. Vertus théologales.

Parmi les vertus surnaturelles, il faut placer, en première ligne, les vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité. Chacune de ces trois vertus a fait l’objet d’une étude détaillée. Il reste donc simplement à préciser la notion générale de vertu théologale, à démontrer l’existence des trois vertus de foi, d’espérance et de charité et à rappeler l’ordre qui règne entre elles.

Notion générale de la vertu théologale.

Le mot « théologale » suffit à indiquer que Dieu intervient immédiatement pour spécifier ces vertus dans leur objet, dans leur cause et dans le moyen de nous les faire connaître. Les vertus théologales ont Dieu pour objet formel immédiat, puisque, par elles, notre nature est dirigée et ordonnée droit vers lui ; elles sont infusées à l'âme par Dieu lui-même ; enfin elles ne parviennent à notre connaissance que par voie de révélation divine. S. Thomas, Ia-IIæ, q. lxii, a. 1. Voir à l’art. Espérance, t. v, col. 645, « comment saint Thomas rattache à la béatitude surnaturelle les trois vertus théologales et leur infusion » ; cf. ll.-l). Noble, La charité (Soin, théol., édit. de la Revue des Jeunes), t. i, p. 361-365.

Des trois conditions énumérées, la première seule est nécessaire et suffisante. Les deux autres, en effet, sont communes à toutes les vertus infuses. Elle est suffisante : si une vertu a pour objet Dieu, en tant que fin dernière surnaturelle, par le fait même il faut qu’elle soit infusée à l'âme par Dieu, aucune vertu acquise ne pouvant atteindre un tel objet ; et, puisque la vertu surnaturelle est nécessairement infuse, elle ne peut nous être connue que par voie de révélation surnaturelle.

Sous quel aspect Dieu est il objet ? Matériel ou formel" On doit répondre : les deux à la fois. Dieu est a la fois le motif ( objertum formate quo) qui préside à l’exercice de la vertu et la matière à laquelle le motif confère l’aspect spécial qui le réfère à la fin surnaturelle (formule quod).

Cette matière est. principalement et primordialement, Dieu lui-même ; mais subsidiairement. c’est toute chose créée, en tant que référible à Dieu, fin dernière surnaturelle. Ainsi, conclut Suarez, » il n’est pas