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VERTU ET HA 131 TUS

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Scot entre l'élément matériel et l'élément formel de la vertu : l'élément matériel serait bien un habitas, mais l'élément formel serait une simple relation, selon cette formule aristotélicienne : virtus omnis et vitium ad aliquid sunt. Voir la discussion dans les Salmanticenses, Cursus theologicus, De virtutibus, disp. I, dub. i, n. 16-20.


II. Habitus et vertu.

Nature des habitus.

Le mot « habitude » ne traduit pas exactement l’expression latine habitus. La conception que la philosophie moderne s’est faite de l’habitude déborde la notion scolastique de Vhabitus. Avant tout, Vhabitus indique un état d’adaptation à une nature ou à une opération, état qui, dans la philosophie aristotélicienne, tient le milieu entre la puissance qu’il perfectionne et l’acte auquel il dispose. Dire que Vhabitus est une disposition n’est pas assez dire. Les auteurs précédemment interrogés ont parlé de disposition « difficilement mobile ». C’est que Vhabitus « affecte intrinsèquement la puissance, qu’il est en sa possession, qu’il devient comme sa seconde nature, se développant en elle dans la mesure où il se connaturali.se avec elle, puisant en elle son être, mais en revanche lui communiquant son mode, sa spécialité, c’est-à-dire proportionnant la puissance en elle-même et la disposant à une œuvre déterminée. » I). de Roton, Les habitus, leur caractère spirituel, Paris, 1933, p. 123. Cf. S. Thomas, II*- II*, q. xlix, a. 1, ad 2° m ; ibid., a. 2 ; In III""' Sent., dist. XXIII, q. i, a. 1 ; In Metaph., I. V, lect. 20, avec le commentaire de R. Rernard, La métaphysique de l’habitude d’auteur traduit habitus par habitude), dans La Vertu, Paris, 1933 (La Somme, édit. de la Revue des jeunes), t. i, p. 392-397.

Si stable que soit cet état d’adaptation, il n’impose pas la nécessité d’agir. Il ne fait qu’incliner la puissance, en lui communiquant facilité, promptitude, attrait, constance. La conception que saint Thomas s’est faite présente Vhabitus « comme une chose dont on est maître, qui fait qu’on est maître chez soi », constituant dans l'âme « une sorte de dispositif maniable à volonté, dont on peut graduer le débit et régler l’usage à son gré ». R. Bernard, op. cit., p. 383-384. Cf. S. Thomas, [ » -II°, q. xux. a. 3 : q, i., a. 1, ad l" m et a. 5 ; q. lii, a. 3 ; q. lv, a. 1, ad l" m ; q. Lxxviii, a. 2 ; De virt., q. i, a. 1 et ad 12° iii, .ni 1 l um. C’est principalement sur ce point que la pensée de saint Thomas paraît se séparer de la conception moderne de l’habitude. Les modernes estiment quc la i seconde nature que crée l’habitude se superpose si fortement ; i la simple nature qu’elle l’annihile pour ainsi dire et lui substitue son influence tyrannique. On verra bientôt, à propos du sujet des habitus. que saint Thomas ne considère pas comme habilllS véritables, dans la pleine acception du mot, ics dispositions mécaniques ou tyranniques que l’habitude crée dans la partie sensible de notre être : Vhabitus n’est tel que dans la mesure où il dispose à l’action sous le contrôle de la raison et de la volonté.

Le sujet de l’habitus.

L’habitus ne peut être reçu qu’en un sujet capable de recevoir lui-même une disposition qu’il ne possède pas naturellement : d’où il suit qu’un être n’est susceptible de recevoir des habitua que dans la mesure où il peut être diversement disposé en s ; i nature ou déterminé à l’action.

Ou notera toutefois qu’une disposition affectant la nature elle-même de tempérament, par exemple) comporte toujours un certain rapport, tout au moins éloigné, à l’action.

si la disposition affecte Immédiatement la nature elle même, on la dénomme linhiius de substance

(habitus au bâtant i PUS) ; c’est le cal de la santé, de

l’Inquiétude, de la beauté : cf. [ IL. q. i. a.. ;. ad 2um. Ces sortes à' habitus ne sauraient avoir leur siège dans l’essence de l'âme : parce qu’elle est forme et perfection du composé humain, l'âme ne peut recevoir à cet égard aucune disposition nouvelle, ibid., a. 2. Ces habitus ne peuvent avoir leur siège que dans le corps, a. 1, ou dans la partie supérieure de la sensibilité, a. 3. Et encore, ce ne sont pas là des habitus proprement dits, mais plutôt des états, des dispositions du sujet, des « manières d’habitus », comme dit Aristote. Ibid., ad 2um.

Si la disposition affecte l’activité de l'être, on la dénomme habitus d’opération ou d’action, habitus operalivus. Saint Thomas, rappelons-le, n’admet d’habitus d’opération proprement dit que dans la mesure où l’usage de ces adaptations dépend d’une volonté libre. Les animaux n’ont donc pas à proprement parler d’habitus, même quand le dressage a su leur imposer des accoutumances pour exercer leur activité en tel ou tel sens. De même, chez l’homme, les habitus qui résident dans les facultés sensibles intérieures de la connaissance (une bonne mémoire, une bonne imagination) ne sont habitus que dans la mesure où ces facultés se plient à agir sous l’empire de la raison. À plus f&rte raison, doit-on ajouter, pour les facultés extérieures et pour les membres du corps. On saisit par là de plus en plus la différence qui sépare la psychologie thomiste de Vhabitus, de la psychologie moderne, beaucoup plus complexe et nuancée, de l’habitude : celle-ci insiste surtout sur le rôle des facteurs physiologiques et sociaux dans l’acquisition des habitudes au point parfois de ne pas suffisamment différencier la condition de l’homme et celle des animaux supérieurs Cf. Pierron, Évolution de la mémoire, Paris, 1910, p. 143, 245 ; Larguier des Bahcels, Introd. à la psychologie (2e éd.), Paris, 1934, p. 167. Notons cependant que la psychologie moderne reconnaît l’influence des facteurs proprement psychologiques. Cf. Delacroix, Le langage et la pensée, Paris, 1924, p. 37.

Pour saint Thomas, le siège de Vhabitus proprement dit est l’intelligence et la volonté, a. 4 et 5. Chaque homme a sa manière de penser, dont il use à volonté. Cette manière de penser constitue une aptitude déterminée, acquise par chacun de nous et demeurant en nous, même à notre insu. Ce sont là des habitus véritables et Aristote énumère la sagesse, la science, l’intelligence. On verra qu’en parlant des vertus intellectuelles, saint Thomas se rallie à cette énumération. Pour la volonté, il suffira de rappeler que cette faculté, puissance rationnelle, peut, dans l’action, prendre les orientations les plus diverses : ce qui Implique des habitas la disposant à ces actes divers. D’ailleurs, l’habitus intéresse avant tout la volonté, puisqu’il est » une disposition dont on l>cut se servir à volonté ». S. Thomas, q. i., a. 1, obj. I". Cf. In II"'" Sent., dist. XXVII, a. 1 ; In III""' Sent.. dist. XXIII, q. i. a. 1 : De verilatr, q, xx, a. 2 ; De virt., q. i, a. 1.

Habitus et vertu.

Toute la tradition théololique affirme que la vertu est un habitus ; mais tout habitus n’est pas une vertu.

I. Habitus de nature ou innés (q. i, t, a. I).

Ces habitus qui ne sont pas nécessairement inconscients, résultent tu développement spontané de nos puissances naturelles, encore que ce développement, en tant qu’il sort de la spontanéité de la nature, soit fort rudimentaire et demeurerait tel. si l’on ne prenait soin de le cultiver et de le diriger : i La nature fournit à l’homme, pour faire œuvre de connaissance : à litre individuel, des prédispositions de sensibilité, c’est à-dire d’imagination, de mémoire, d’invention nu d’aSSOClatlon, etc. en liaison avec l’organisme d’un chacun ; à litre spécifique, une haute dispose