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VERTU. ENSEIGNEMENT DES SCOLASTIQUES

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d’Aristote et d’Augustin. Il en proclame l’accord : « Augustin, dans sa définition de la vertu, a considéré le genre transcendant ; mais Aristote s’en tient au genre prochain, en définissant la vertu « un habitus volontaire existant immédiatement en nous ». Ibid. 3..S' « (71^ Honaventure. — L'étude de saint Bonaventure est plus fouillée et apporte de très heureuses précisions concernant les diverses définitions de la vertu. Il faut, dit-il, distinguer plusieurs acceptions du mot vertu ; acception commune, propre et spéciale ( magis propria).

a) Acception commune. — La vertu peut être ou naturelle (au sens de perfection spontanée de la nature) ou morale, et elle peut être définie par comparaison soit à son acte, soit à son acte et à la fin dernière. Dans le premier sens, Aristote la définit : « l’ultime degré de la puissance », De ccelo et mundo, t. I, c. xi, 287 a (S. Honaventure traduit : ultimum potentiæ de re). Dans le second sens, il la définit : « Dans l'être parfait, la disposition au meilleur », Physicorum, t. VII, c. iii, 240 b (S. Bonaventure : dispositio perfecti ad optimum).

b) Acception propre. — Ici, la vertu est seulement morale, mais elle peut être ou politique (d’ordre naturel) ou gratuite (surnaturelle). Une double considération justifie une double définition. Par rapport à son acte, la vertu se définit : < L T n habitus faisant que celui qui le possède est vraiment bon et que son œuvre est rendue bonne. » Ethic, t. II, c. vi, 1106 b. (S. Bonaventure ; Habitus, qui perfecil habentem et opus ejus bonum reddit). Par comparaison au principe directeur de ses actes, voici - l’autre définition d’Aristote : « Habitude de choisir, se tenant dans le juste milieu déterminé par la raison, tel que le fixera le sage ». Ethic, loc. cit. (S. Bonaventure : habitus voluntarius in medio consistais, recta ratione delerminatus, proul sapiens delerminabit). Ce que Cicéron exprime d’une autre manière : « L’habitude de se conformer à la raison d’une manière pour ainsi dire naturelle » (Bonaventure modifie quelque peu le texte de Cicéron : Habitus mentis, in modum naturtv rationi consentiens). Cette double considération justifie la double définition augustinienne de la vertu : habitus mentis bene compositæ (pseudo-Augustin, c’est-à-dire Alger de Clairvaux, De spiritu et anima, c. iv, P. L., t. xl, col. 782) et œqualitas vitse, rationi undique consentiens (De quanlitule animée, c. xvi, n. 27, t. xxxii, col. 1050). Toutes ces définitions qui concordent quant au sens s’appliquent à la vertu morale, politique (naturelle) ou gratuite (surnaturelle), celle qui s’acquiert par des actes.

c) Acception spéciale. — Il n’est ici question que de la vertu surnaturelle infuse. On peut la considérer sous quatre aspects. Par rapport à la fin qu’elle doit atteindre, saint Augustin l’a définie : « La droite et parfaite raison parvenant à sa fin. » Soliloq., t. I, c. vi, n. 13, t. xxxii, col. 876. Par rapport au sujet qu’elle informe et qui est la volonté, il l’a nommée : « Une volonté bonne ». De civ. Dei, t. XIV, c. vi, t. xli, col. 409. Par comparaison à son acte propre qui en est le complément, nous avons la définition donnée dans le De moribus Ecclesiæ : « La vertu est l’ordre de l’amour ou l’amour bien ordonné. » L. I, c. xv, n. 25, t. xxxii, col. 1322. Enfin, relativement à son principe effectif, il faut s’arrêter à la célèbre définition proposée par le Maître des Sentences : « La vertu est une bonne qualité de l’esprit, etc. », « qualité de l’esprit » indiquant le genre ; et le reste de la définition marquant trois différences spécifiques. Parce qu' « elle assure la droiture de la vie », la vertu est séparée des biens du corps. En disant que « nul n’en fait un mauvais usage », on la distingue des propriétés naturelles

spirituelles et corporelles. Enfin, en ajoutant que » Dieu l’opère en nous sans nous », on marque la différence de la vertu infuse par rapport aux habitudes et aux propriétés spirituelles, résultat du bon usage des puissances de l'âme, mais qui sont en nous par acquisition, non par infusion. In // um Sent., dist. XXVII, dub. m.

1. Saint Thomas d’Aquin.

Comme l’exposé didactique qui suivra sera, en grande partie, le résumé de la doctrine de saint Thomas, on se contente ici d’esquisser à grands traits la conception que le Docteur angélique se fait de la vertu et qui lui permet de s’arrêter à la définition de Pierre Lombard.

a) Dans le Commentaire sur les Sentences, saint Thomas montre que la vertu ne peut être qu’un habitus se surajoutant aux puissances de l'âme. Laissée à elle-même, la puissance peut agir ou ne pas agir ; mais la vertu lui permet d’agir facilement et avec un attrait réel pour le bien. Il faut donc qu’elle ajoute une disposition réelle qui l’oriente en ce sens. In 7/ um Sent., dist. XXVII, q. i, a. 4 ; cf. ad 3 L, n. Même doctrine dans le De virtutibus in communi, a. 1.

A l’exemple des auteurs qui l’ont précédé, saint Thomas explique, a. 2, la définition augustinienne du Maître des Sentences. La définition, dit-il, ne convient pas à n’importe quelle vertu, mais à la seule vertu infuse et saint Augustin la définit très complètement en insérant dans sa définition les objets formels, genre et espèce, bona qualitas, le sujet, mentis, l’acte qui est aussi la fin de la vertu, qua recle vivitur et qua nemo maie utitur et enfin la cause efficiente, quum Deus in nobis sine nobis operatur. Cette définition, strictement entendue, ne saurait être appliquée à la grâce qui n’est pas le principe immédiat d’une vie vertueuse. Cf. ad 6um. Les autres défininitions de la vertu n’en expriment que certains éléments. Ad 9um ; cf. De virt., a. 2.

b) Mais c’est dans la Somme théologique (P-II*) que saint Thomas a présenté d’une façon didactique le traité des vertus. Ce traité vient logiquement après le traité de la béatitude, fin de l’homme (q. iv) et après le traité des actes humains (q. vi-xlviii) :

Après l'étude des actes et des passions, il faut passer à celle des principes de l’action humaine ; principes intérieurs et principes extérieurs. Le principe intérieur, c’est la puissance et l’hubitus. Mais puisqu’il a été question des puissances dans la première partie de la Somme, il reste maintenant à traiter des habitus en général, en second lieu des vertus et des vices et des autres habitus du même genre qui sont principes d’actes humains. Q. xlix, prologue.

Ainsi saint Thomas traite des vertus en général à propos des habitus (q. xlix-lvi).

La vertu, pour saint Thomas, n’est pas un habitus quelconque. Étudiant l’essence de la vertu, q. lv, il déclare tout d’abord, a. 1, que la vertu humaine est un habitus ; ensuite, a. 2, qu’elle est un habitus d’action, la vertu perfectionnant l'âme beaucoup plus dans l’ordre de l’agir que dans celui de l'être ; enfin, a. 3, que c’est un habitus bon, puisqu’elle est productrice de bien. Ces remarques suffisent à justifier la formule augustinienne déjà rappelée dans les Sentences, a. 4 ; mais ici saint Thomas remarque que « la définition serait plus exacte si, au lieu de qualité, on écrivait habitus ».

Conclusion. — Notre enquête positive doit se terminer ici. Les théologiens postérieurs n’ont fait que commenter saint Thomas et si, au texte du Maître commun, ils ont apporté parfois des explications divergentes, c’est toujours sur des points très secondaires. On notera donc simplement en passant la distinction subtile apportée par Duns