Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée

1649

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LA FIN DU III® SIÈCLE

1650


Explications de Denys d’Alexandrie. —

Sommé de se justifier, saint Denys d’Alexandrie répondit au pape par deux lettres. La première, écrite très rapidement, n’était guère qu’un accusé de réception et une ébauche. La seconde, composée à loisir et intitulée ëXeyxoç xocl â7ïoXoYt « , comprenait quatre livres : c’était une justification en règle. Saint Athanase, dans le De sententia Dionysii, nous en a conservé des fragments. Texte dans P. G., t. xxv, col. 480-521.

Denys se défend d’abord de nier l’éternité du Fils. Loin de la nier, il l’a affirmée au contraire de la manière la plus claire : n’a-t-il pas dit que Dieu est la lumière éternelle ? Or, si le Fils est l’éclat de cette lumière, comment ne serait-il pas éternel, puisque la lumière n’est jamais sans son éclat ? où yàp ?jv Ôxe ô 6eoç oûx 9jv roxTTJp… Ôvtoç o&v altovtou toû Ilarpôç oûwvioç ô ul6ç êerd, <pâ>ç èx çwroç &v. De sentent. Dionysii, 15, col. 504. L’argument est valable ; mais, si saint Denys l’avait en effet employé dans sa première lettre, nous ne comprenons guère les objections de ses adversaires.

Sur la seconde difficulté, celle tirée de la négation du consubstantiel, Denys remarque que, sans doute, il lui est arrivé en passant d’employer des comparaisons impropres pour représenter les relations du Père et du Fils ; il rejette ainsi les métaphores du charpentier et du vigneron, mais il ajoute qu’il a aussi employé des images plus correctes, celles des parents et des enfants, de la racine et de la plante, de la source et du fleuve. Que si, par ailleurs, il ne s’est pas servi du terme consubstantiel, c’est parce qu’il ne l’a pas trouvé dans l’Écriture : les Pères de Nicée reprendront, sans succès d’ailleurs, le même argument. Il revient ensuite sur la comparaison de l’esprit et de la parole, classique depuis saint Justin et suggérée par le nom de Verbe donné au Fils : « L’esprit, dit-il, produit la parole et se manifeste en elle : la parole révèle l’esprit dans lequel elle est produite ; l’esprit est comme la parole immanente ; la parole est l’esprit s’élançant au dehors. Ainsi l’esprit est comme le père de la parole et existe en elle ; la parole est comme la fille de l’esprit… Ils sont l’un dans l’autre, bien qu’ils soient distincts l’un de l’autre : ils sont un, quoi qu’ils soient deux, ëv elaiv, Ôvteç Sûo. Ainsi le Père et le Fils ont été dits être un et l’un dans l’autre. De sentent. Dionysii, 23, col. 513.

L’accusation de séparer et de diviser le Père d’avec le Fils n’a pas plus de fondement : « C’est ainsi, répond Denys, que nous étendons en Trinité l’indivisible unité et que nous ramenons à l’unité la Trinité incapable de diminution. » Enfin, l’on ne saurait dire que Dieu est le créateur et le démiurge du Fils ; et Denys proteste de toutes ses forces contre ce grief. Dieu est le Père, non le créateur de son Fils. Le mot 7ïoit)tt)ç est d’ailleurs susceptible d’un sens large : ne dit-on pas que les auteurs sont les créateurs de leurs œuvres, de leurs discours, bien qu’ils en soient réellement les pères ? De sentent. Dionysii, 20-21, col. 509.

La lecture de l’apologie de saint Denys, telle que nous la font connaître les fragments conservés par saint Athanase, nous laisse une impression assez mélangée. Nous ne pouvons guère croire que l’évêque d’Alexandrie avait su éviter toute équivoque, peut-être toute erreur, et son plaidoyer n’est pas d’une égale valeur dans toutes ses parties. En tout cas, cette apologie n’a pas la vigueur et la fermeté de la lettre romaine : elle discute, elle ergote, elle se plaît à développer des arguments et cela nous déconcerte quelque peu. Nous ignorons comment finit l’histoire. Il est probable que saint Denys de Rome se déclara satisfait de la lettre de l’évêque d’Alexandrie et il avait le droit de l’être. Même si, dans son désir de mieux réfuter les sabelllens, Denys d’Alexandrie avait exagéré en sens inverse, sa justification était loyale, sincère, totale. De la controverse, il ne resta qu’un souvenir qui devait d’ailleurs être évoqué longuement au siècle suivant.



IV. la fin du IIIe siècle.

Les dernières années du iiie siècle sont parmi les plus obscures dans l’histoire de l’Église ancienne et il ne semble pas qu’elles aient été marquées par d’importantes controverses théologiques. Après l’affaire des deux Denys, après la condamnation de Paul de Samosate par le concile d’Antioche de 268, la position de l’Église par rapport au dogme trinitaire et à ses expressions semble fixée. Il est évident que tout le monde admet l’unité de Dieu et il ne l’est pas moins que tout le monde admet aussi l’existence du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Bien plus, on ne discute pas sur la divinité du Fils et du Saint-Esprit. Il peut arriver que certains théologiens les rangent au nombre des choses produites, Yev7)T(&, ou même des choses créées, xtCctoc. Mais il faut bien comprendre le sens de ces termes : ils signifient avant toute autre chose que seul le Père est sans principe, àyévrjToç, et qu’il est par contre le principe du Fils engendré par lui et du Saint-Esprit procédant de lui. En un certain sens, puisque le Fils et le Saint-Esprit proviennent du Père, le Père est plus grand qu’eux et l’on peut ainsi parler de leur infériorité, de leur subordination. Mais celle-ci est toute relative et elle ne suffit pas à installer le Fils et l’Esprit-Saint dans la sphère des choses créées. Le mot xtCo-jzoc lui-même ne doit pas faire illusion. Lorsqu’on l’emploie, on songe au fameux passage du livre des Proverbes, viii, 22, dans lequel la Sagesse se présente comme créée par Dieu, principe de ses œuvres. Si l’Écriture elle-même, dans la version autorisée, certains disaient même inspirée, des Septante, parle de création, comment hésiterait-on devant ce mot ? Mais il ne faut pas l’entendre comme si le Verbe et l’Esprit étaient réellement des créatures semblables à celles qui constituent l’univers. Leur sphère est bien celle de la divinité. Origène et saint Denys d’Alexandrie sont formels sur ce point.

Un progrès réel a été accompli lorsqu’on a laissé définitivement tomber la distinction, chère aux apologistes et à saint Hippolyte, du Verbe immanent et du Verbe proféré. Cette distinction, empruntée à la philosophie, avait plutôt obscurci le mystère qu’elle ne l’avait éclairé, en obligeant les théologiens à admettre l’existence d’un changement réel dans l’immuable divinité. Il est désormais entendu que, de toute éternité, le Père, le Verbe et le Saint-Esprit existent sans changement et sans altération : les sabelliens, qui introduisent dans la monade divine une SiàXeÇiç, double mouvement de dilatation et de resserrement, sont condamnés aussi bien à Rome qu’à Alexandrie et à Antioche.

Tous les problèmes sont d’ailleurs loin d’être résolus et entre les écoles théologiques subsistent de graves divergences. En Orient, sous l’influence, semble-t-il, des enseignements d’Origène, on insiste plutôt sur la trinité des personnes. On déclare volontiers qu’il y a en Dieu trois hypostascs et ce terme, fréquemment employé chez Origène, n’est pas sans inconvénient, puisqu’il tend à faire croire que ces hypostases sont réellement séparées et en quelque manière indépendantes l’une de l’autre : il y aura lieu d’en préciser le sens, dans son application au mystère trinitaire. A Rome et en Occident, on envisage plutôt le point de vue de l’unité divine, et c’est sur cette unité, cette monarchie, qu’on met l’accent. Le mot persona qu’emploie Tcrtullicn est assez souple pour se concilier parfaitement avec la monarchie. D’ailleurs, on éprouve moins de goût à Rome qu’à Alexandrie pour la spéculation. Saint Denys de Rome, le représentant le plu autorisé de l’Église universelle au milieu du tn**lècl<. est aussi le plus ferme soutien de la tradition pun et simple. S’il entre en conflit avec son homonyme