Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/575

Cette page n’a pas encore été corrigée
2679
2680
VERITE. POINT DE VUE THÉOLOGIQUE


nelles » et de Dieu que Bossuet étaye sa preuve de l’existence de Dieu par les vérités éternelles. Traits de la connaissance…, c. iv, § 5. Voir aussi pour saint Augustin, Ch. Boyer, op. cit., p. 79. Saint Thomas ramène cette « preuve » à ses justes proportions en déclarant : « De ce que des vérités sont par nous conçues comme éternelles quant à ce qui est l’objet de notre connaissance, on ne saurait conclure que notre âme soit éternelle ; mais il faut dire que ces vérités ont un fondement éternel ; elles sont fondées sur la Vérité première, comme dans la cause universelle contenant toute vérité. » Cont. Cent., t. II, c. lxxxiv. Voici également Bl. Bomeyer, op. cit., p. 46-50. On examinera à Volontarisme la conception nominaliste reprise par Descartes de la vérité dépendant de la volonté toute-puissante de Dieu.

3. La vérité divine, lumière des hommes. — Puisque Dieu est la vérité première, source de toutes les autres vérités, il y a en lui et par rapport à tous ceux qui participent à la vérité première, une connexion nécessaire entre la lumière et la vérité. Si, dans l’Écriture, le concept de « lumière » est intimement lié au concept de « vie », cf. J.-B. Frey, Le concept de vie dans l’évangile de saint Jean, dans Biblica, t. i, 1920, p. 232 sq., il est tout aussi apparenté à celui de « vérité ». Cf. I Joa., i, 5, 7, 8 ; ii, 4, 10. De même que Jésus, qui est Dieu, est lumière, il est aussi vérité, Joa., xiv, 6.

Par ce mot qui lui est si cher, saint Jean signifie sans doute la véracité d’un enseignement ou d’un témoignage, cf. Joa., xvi, 7 ; xvii, 17 ; mais il signilie surtout la réalité divine. Dire que Jésus est la vérité, c’est dire surtout que jusqu’à lui tout était ombre et qu’en lui la réalité est apparue. C’est en ce sens que le Verbe est appelé « la lumière véritable », i, 9, et que lui-même se dit « le vrai pain », vi, 32, la « vraie vigne », xv, 1, sa chair vraie nourriture et son sang vrai breuvage, vi, 55. Ses disciples seront de « vrais adorateurs », adorant le Père « en esprit et en vérité », iv, 23 ; ils connaîtront la vérité et la vérité les délivrera, vm, 32 ; ils font la vérité, iii, 21, cf. I Joa., i, 6 ; ils sont de la vérité, xviii, 37 ; cf. I Joa., ii, 21 ; iii, 19. En un mot, la vérité est le monde divin où ils vivent, monde seul réel : Dieu est « le seul Dieu véritable », xvii, 3, Jésus-Christ est la vérité, xiv, 16 ; l’Esprit-Saint est l’Esprit de vérité, xiv, 17 ; xv, 26 ; xvi, 13 ; I Joa., iv, 6, ou encore il est la vérité, I Joa., v, 6° J. Lebreton, Hist. du dogme de la Trinité, 2° éd., t. i, Paris, 1927, p. 518-519.

Traduites en langage philosophique, ces affirmations de saint Jean reviennent à dire que Dieu est la vérité illuminatrice des hommes, cf. Joa., i, 9, en raison d’une relation actuelle de notre intelligence avec la vérité en soi, relation qui « consiste en une participation de la connaissance qui est en Dieu et qui est Dieu même », sans cependant qu’il y ait intuition de Dieu. Cf. Boyer, op. cit., p. 162.

En langage théologique, Dieu est la vérité illuminant les hommes par la foi. C’est Dieu, dit Cajétan, qui « approprie la Déité à la grande entreprise de vérité ». In Ih m -II x, q. i, a. 1, n. 8.

4. Le « Dieu vrai » et la vie chrétienne. — Le P. Lebreton fait à juste titre observer qu’on méconnaîtrait entièrement la « vérité » johannique en la remenant à 1’ « idée » platonicienne ou alexandrine. Elle n’est pas une conception philosophique, elle est une foi religieuse ; son objet n’est pas atteint par la spéculation, mais par tout l’effort de la vie chrétienne. Toutefois, le but de la vie chrétienne est une connaissance, la connaissance du seul Dieu véritable et de son envoyé Jésus-Christ, Joa., xvii, 3 ; connaissance non pas abstraite et spéculative, mais comportant « une possession totale de Dieu par l’âme, en même temps qu’une pénétration totale de l’âme par Dieu ». Cf. I Joa., v, 20. C’est ainsi que saint Paul rappelle aux Thessaloniciens qu’ils sont « convertis des idoles

au Dieu vivant et vrai. » I Thess., i, 9. Et c’est par le Christ qu’est parvenue la communication à nos âmes de la vérité de la vie divine. Cf. Lebreton, Le Dieu vivant, Paris, 1919, p. 139-160. Ainsi, pour reprendre l’expression du 1’. Boyer, dans la dernière partie de sa thèse sur saint Augustin, Dieu nous apparaît ainsi comme la « vérité béatifiante ».

Il est le « Dieu vrai », Joa., vii, 28. Cette expression a été retenue dans les symboles et par les conciles qui affirment ainsi la foi religieuse des chrétiens. Le Père est le « Dieu vrai », et Jésus-Christ est « Dieu de vrai Dieu », 6sôv kXtqÔivov, 9eôv àX7]61vov hv. 9soû àXijOivoû. Symb. des apôtres (texte oriental de saint Cyrille de Jérusalem, Denz.-Bannw., n. 9 ; symb. d’Épiphane, id., n. 13 ; de Nicée, n. 54 ; de Nicée-Constantinople, n. 86, etc. La formule passe également dans les textes liturgiques : bénédiction de l’eau bénite au samedi saint ( per Deum vivum, per Deum verum, per Deum sanctum) ; offrande de l’hostie ( offero libi Deo meo vivo et vero) ; préface de la Trinité (in confessione verse… Deitatis) ; mémento des vivants ( reddunt vota sua seterno Deo, vivo et vero), etc. On retrouve la même formule, per Deum vivum et verum dans certains exorcismes (bénédiction du sel au baptême et pour l’eau bénite). Vie et vérité sont associées en Dieu.

5. Vérité et véracité divines.

La parole de Dieu adressée aux hommes est un reflet de la vérité divine : elle ne saurait donc nous tromper. La véracité divine est intimement liée à la vérité souveraine. Le « Dieu vrai » ne peut être que le Dieu véridique. La parole divine, toujours empreinte de la vérité divine, est opposée par la sainte Écriture au mensonge humain. Num., xxiii, 19 ; cf. Rom., iii, 4 ; Tit., i, 2 ; Heb., vi, 18. Jésus affirme en conséquence que celui qui l’a envoyé est véridique, Joa., viii, 26, et, parce qu’il ne fait lui-même que transmettre aux hommes la parole, la doctrine, l’enseignement, le témoignage du Père, Joa., v, 16, 24 ; vii, 16, 28-29 ; viii, 14-19, 28, 38, 46-47 ; xiv, 10-11 ; xv, 15 ; xvi, 14, etc., il déclare que le ciel et la terre passeront, mais non pas ses paroles. Luc, xxi, 33. Il exige donc des hommes, en vue de leur salut, une foi absolue. Marc, xvi, 16 ; Joa., vi, 47. L’autorité divine qui commande cette foi est faite de véracité et de sagesse. Sur les rapports de la véracité et de la sagesse, voir Billot. De virt. infusis, Rome, 1906, th. ix, § 2, p. 223. Sur les rapports de la véracité divine et de la foi, voir ici Foi, t. vi, col. 116, 123, 126-127, 425-426 et, dans l’avantdernière question, col. 468-512 passim.

A plusieurs reprises, le magistère de l’Église a eu l’occasion d’affirmer la véracité divine : « Nous croyons, dit le concile du Vatican…, à cause de l’autorité de Dieu lui-même, lequel ne peut se tromper ni tromper. » Sess. iii, Denz.-Bannw., n. 1789. Cf. Léon XIII, à propos de l’inspiration des Écritures, encycl. Providentissimus Deus, ibid., n. 1951, 1942 et très récemment Pie XII, encycl. Divino afflanle Spiritu.

6. Vérité et incarnation.

Pour affirmer la réalité de l’union hypostatique, l’épithète « vrai » a été accolée à « Dieu » et à « homme ». On marque ainsi, dans l’unique personne du Verbe incarné, la permanence, sans confusion ni altération, de la divinité unie à une humanité réelle et complète. C’est principalement à ce sens qu’il faut rapporter l’expression Deum verum de Deo vero de nos symboles. Denz.-Bannw. , n. 13, 54. 86. Verus Deus et verus homo sont fréquemment devenus perfectus Deus et perfectus homo. L’épithète « vrai » atteste donc que rien ne manque à la divinité ou à l’humanité du Christ. Voir la première formule dans Clemens Trinitas, Denz.-Bannw., n. 18 ; concile de Chalcédoine, n. 148 ;