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1629 TRINITÉ. LES HÉRÉSIES DU IIIe SIÈCLE 1630

Lorsqu’on rapproche l’un de l’autre les textes de saint Hilaire et de saint Athanase, on ne peut manquer d’être frappé de leurs divergences. Selon saint Hilaire, Paul de Samosate aurait entendu le mot consubstantiel comme impliquant l’unité absolue d’ousie en Dieu et comme excluant par suite la trinité des personnes. Selon saint Athanase au contraire, il l’aurait interprété dans le sens d’une pluralité numérique, comme si l’on devait admettre l’existence de trois ousies en Dieu. L’explication de saint Hilaire a toutes chances d’être la vraie, d’autant plus que, seul, il a eu sous les yeux, au moment où il écrivait, la lettre des homéousiens, tandis que saint Athanase a parlé d’après ses propres conjectures. Paul de Samosate s’exprimait en monarchien décidé et lomoousios pour lui exprimait l’indistinction du Père et du Fils. Dirons-nous que le concile d’Antioche a eu tort de rejeter un terme que devait reprendre le concile de Nicée pour en faire la tessère de l’orthodoxie ? Non sans doute. Le Samosatéen abusait de ce mot dont la claire définition n’avait pas encore été donnée et qui était inhabituel en Orient. Il était nécessaire de le repousser momentanément, malgré la faveur dont il pouvait jouir dès cette date dans les Églises d’Occident.

II. LE MONARCHIANISME PATRIPASSIEN. —

Si mal connu que soit le détail de son histoire, il ne semble pas que l’erreur adoptianiste ait gravement troublé l’Église : en Occident, elle s’est perpétuée d’une manière obscure, à Rome, pendant une quarantaine d’années au début du ni » siècle. En Orient, elle a pris l’allure d’un feu de paille avec Paul de Samosate, dont les disciples n’ont jamais dû être bien nombreux ni bien influents. C’est que tous les fidèles savaient trop bien que Jésus était le véritable Fils de Dieu et devait être adoré comme tel. Au contraire l’erreur monarchienne eut de longues répercussions et les plus hautes personnalités n’hésitèrent pas à entrer en lice pour prendre part aux controverses souvent passionnées qu’elle provoqua.

La manifestation du monarchianisme. —

Les débuts de l’hérésie sont assez obscurs. S’il faut en croire saint Hippolyte, le premier à enseigner le monarchianisme aurait été Noët de Smyrne. À deux reprises, Noët fut appelé à comparaître devant le presbytérium de Smyrne ou devant les évêques des cités voisines réunis en concile. Il y affirma avec force l’unité divine et fut même, semble-t-il, amené à déclarer qu’il ne connaissait qu’un seul Dieu et nul autre en dehors de lui, qui est né, qui a souffert et qui est mort ; cf. Hippolyte, Contra Noet., 1, P. G., t. x, col. 804 ; Épiphane, Hæres., lvii, 1, P. G., t. xli, col. 996 AB ; B. Capelle, Le cas du pape Zéphyrin, dans Revue bénédictine, 1936, p. 323-326. Cette affirmation était manifestement hérétique : les juges de Noët répliquèrent qu’eux aussi ne connaissaient qu’un seul Dieu, mais qu’ils connaissaient également le Christ, le Fils qui a souffert et qui est mort. Au monarchianisme de Noët, ils opposèrent la foi traditionnelle au Père et au Fils, réellement distincts.

Malgré sa condamnation, Noët continua à enseigner sa doctrine (vers 200) et, sous le pape Zéphyrin, un de ses disciples, Épigone, arriva à Rome où il répandit les idées nouvelles. Il y fit des adeptes, en particulier Cléomène, qui devint le chef de la secte et le resta jusqu’au jour où son influence fut éclipsée par celle de Sabelllus. À ce moment, la communauté romaine parait avoir été gravement troublée : selon Tertullien, on n’entendait plus que gens qui s’agitaient au sujet de la monarchie. Adv. Prax., 3, P. L., t. ii, col. 157, 158.

Il est vrai que Tcrtullien fait intervenir, à Rome à la plan d’Épigone, un certain Praxéas qui aurait commencé par obtenir du pape la condamnation du montanisme et qui, ensuite, aurait passé en Afrique pour y prêcher le monarchianisme. On a parfois identifié Praxéas, « l’affairé », à Épigone ou à Cléomène ; il est plus simple de croire que, si saint Hippolyte ne le signale pas, c’est parce que son nom est resté peu connu à Rome et qu’il a dépensé en Afrique le meilleur de son activité.

L’enseignement des hérétiques nous est bien connu par des témoignages contemporains, ceux de Tertullien et de saint Hippolyte. Pour maintenir l’unité divine à laquelle ils tenaient plus qu’à tout le reste, ils affirmaient qu’il n’y avait aucune distinction entre le Père et le Fils. Dès lors, le Verbe n’est qu’un autre nom du Père, un ftatus vocis, vox et sonus oris, dit Tertullien, aer offensus, …ceterum nescio quid. Adv. Prax., 7, ibid., col 162. C’est donc le Père qui est descendu dans le sein de la Vierge Marie, qui est né et qui, en naissant, est devenu Fils, son propre Fils à lui-même ; c’est encore lui qui a souffert et qui est mort, qui est ressuscité ; présentant par suite des attributs contradictoires selon l’aspect sous lequel on le considère. Adv. Prax., 14-15, col. 170-174. Sous cette forme trop simple, la doctrine monarchienne était évidemment en contradiction avec tout ce que croyaient les fidèles, avec tout ce qu’avait enseigné l’Église. Il fallait expliquer à tout prix comment le Père et le Fils se distinguaient l’un de l’autre. On y parvint par une subtilité : les monarchiens déclarèrent qu’en Jésus-Christ, le Fils c’est la chair, l’homme, Jésus, tandis que le Père c’est l’élément divin uni à la chair, le Christ. Adv. Prax., 29, col. 194. Cf. J. Tixeront, La théologie anténicéenne, p. 354-355.

En face de ces doctrines, quelle position adopta l’autorité ecclésiastique ? S’il fallait en croire certains documents, la hiérarchie aurait commencé par se montrer favorable au monarchianisme. Tertullien laisse entendre que le pape Victor a fait à Praxéas un accueil bienveillant, et le pseudo-Tertullien affirme très nettement qu’il s’est même efforcé de fortifier l’hérésie. À vrai dire les expressions de Adversus Praxean sont trop vagues pour qu’on puisse s’appuyer sur elles et, dans le catalogue du pseudo-Tertullien, le nom de Victorinus paraît être une altération pour celui de Zephyrinus. On peut donc mettre la mémoire de Victor hors de cause en cette affaire.

Par contre, lorsqu’il s’agit de Zéphyrin et de Calliste, nous nous trouvons en présence d’accusations nettement formulées par saint Hippolyte qui était le contemporain de ces deux papes et qui avait pris une part active à la controverse. Selon Hippolyte, Philosoph., ix, 11, P. G., t. xvi c, col. 3378, Zéphyrin, après avoir permis aux fidèles de suivre les leçons des novateurs, aurait déclaré lui-même : « .le ne connais qu’un seul Dieu, Jésus-Christ, et en dehors de lui aucun autre qui est né, qui a souffert, qui est mort. » Il est vrai qu’il aurait ajouté à cela : « Ce n’est pas le Père qui est mort, c’est le Fils. » Les deux formules semblent contradictoires, et la seconde, à première vue, est assurément plus orthodoxe que la première. Mais il faut remarquer que la première formule est identiquement celle de Noët. Dans ces conditions, on ne peut admettre que Zéphyrin ait repris les expressions que les presbytres de Smyrne avaient déclarées insuffisantes. Sans doute, le pape s’est-il prononcé contre les théories du Logos qui lui paraissaient insister outre mesure sur la distinction entre le Père et le Fils, et c’est en ce sens qu’il a affirmé sa foi à l’unité divine ; mais il a distingué très nettement entre le le Père et le Fils. Hippolyte, partisan déclaré des spéculations sur le Verbe, lui a attribué, pour faire bref, une formule qui écartait ces spéculations.

Quant à Calliste, après avoir condamné Sabellius,